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 Systèmes financiers et croissance


Pierre JACQUET ** Président, Global Development Network ; professeur, École des Ponts-ParisTech ; membre, Cercle des économistes. Contact : pjacquet92@gmail.com.
Jean Paul POLLIN

* Professeur émérite, Laboratoire d'économie d'Orléans, Université d'Orléans. Contact : jean-paul.pollin@univ-orleans.fr.

Toute réflexion sur le lien entre finance et croissance butte sur trois difficultés majeures. La première consiste à définir et mesurer le « développement financier ». La seconde consiste à démêler l’écheveau des causalités évidemment croisées entre le développement des systèmes financiers et la croissance. La troisième a trait à la définition de politiques publiques adaptées, susceptibles de trouver un équilibre satisfaisant entre les imperfections des marchés, qui peuvent se traduire par des crises extrêmement graves, et les coûts de politiques réglementaires inadaptées, mais aussi de guider le développement financier pour en maximiser l’impact sur la croissance à long terme. Sur ces trois points, d’importants progrès ont été réalisés dans les vingt dernières années, mais d’importantes questions demeurent.

Au-delà de ses coûts considérables, la crise de 2007-2009 souligne les lacunes criantes qui subsistent dans notre compréhension du rôle de la finance et de son intégration avec l’économie. Jusqu’aux années 1980, les liens entre l’économie réelle et l’économie financière étaient relativement peu étudiés. Les théories de la croissance ne faisaient aucune place au rôle du secteur financier. Il fallait remonter à Schumpeter pour trouver une analyse substantielle du rôle du crédit. Il considérait en effet que l’entrepreneur et le banquier représentaient les deux acteurs complémentaires du processus d’innovation. Après lui, les travaux se sont plutôt concentrés sur le rôle de l’entrepreneur. La littérature économique sur les systèmes financiers connaît un certain renouveau dans la seconde moitié du xxe siècle, notamment avec les travaux de Gurley et Shaw (1955) qui identifient une relation significative entre les intermédiaires financiers et la croissance. Goldsmith (1969) consacre une étude importante au rôle de la structure financière dans le développement. Puis McKinnon (1973) et Shaw (1973) soulignent l’effet négatif de la répression financière (plafonnement des taux d’intérêt, politique d’allocation sélective du crédit, protectionnisme financier) qui réduit la formation de capital, biaise les choix techniques au détriment des activités intensives en main-d'œuvre et conduit à des investissements intensifs en capital et de piètre qualité.

Le renouveau théorique des années 1980 et 1990, notamment nourri par la modélisation de la croissance endogène, permet de préciser la relation entre le développement financier et la croissance et d’en approfondir la compréhension. Cet article traite essentiellement du financement de l’économie, à l’exclusion des instruments d’assurance qui fournissent également des services financiers fondamentaux pour la croissance. Nous dressons tout d’abord un bilan rapide de la littérature1, avant d’analyser plus en détail le rôle de la structure du système financier, c’est-à-dire de la place respective des marchés et des intermédiaires financiers, puis d’étudier les facteurs déterminants du développement financiers et enfin de caractériser la situation particulière des pays pauvres.

Finance et croissance : une synthèse

Un tour d’horizon théorique

Considérer que la croissance économique peut être fonction du développement financier implique naturellement de reconnaître son caractère endogène. Car on sait que dans les modèles « à la Solow » le taux de croissance à long terme de l’économie ne dépend que du progrès technique et de l’évolution de la population active, l’un et l’autre donnés de façon exogène, c’est-à-dire étrangers au fonctionnement de l’économie (à ses institutions, à ses conditions de financement…). Pour formaliser de façon aussi simple que possible les canaux par lesquels la finance peut interagir avec la croissance, il faut donc écrire un modèle de croissance endogène. On le fera en s’appuyant sur une contribution déjà ancienne de Pagano (1993), qui se résume à la spécification des relations suivantes :

  • tout d’abord une fonction de production de type :

Yt = AKt

qui suppose que le niveau de production Yt est proportionnel au stock de capital Kt, A étant un paramètre représentant un facteur de productivité. On justifie traditionnellement une telle fonction par l’existence d’externalités (apprentissage, rôle du capital humain et d’autres formes de capital complémentaires au capital physique, rôle des institutions, des politiques publiques, du secteur financier…) qui permettent d’expliquer la présence au niveau macroéconomique de rendements d’échelle constants ;

  • on écrit ensuite une équation comptable de définition de l’investissement I, qui s’interprète aussi comme décrivant la dynamique de l’accumulation du capital :

It = Kt+1 – Kt (I – δ)

δ représentant le taux d’amortissement du capital ;

  • enfin, on pose l’égalité entre l’investissement et l’épargne nette des coûts de fonctionnement du système financier :

It = øSt

(1 – ø) représentant le taux de prélèvement de ces coûts sur l’épargne et pouvant donc être interprété comme une mesure de l’inefficience du système financier.

On peut alors écrire l’équation du taux de croissance :

s représentant le taux d’épargne

Ce qui revient à dire que le taux de croissance de l’économie est fonction de trois variables qui traduisent les incidences exercées par le système financier sur le secteur réel. Le système financier influe ici de trois façons sur la croissance du capital et de la production :

  • par sa capacité à sélectionner les projets d’investissement, il agit sur la productivité du capital ;
  • par le niveau plus ou moins élevé de ses coûts de fonctionnement, il conditionne le niveau d’épargne mis à disposition de l’investissement ;
  • par sa capacité à offrir des placements attractifs (c’est-à-dire bien rémunérés, présentant une bonne diversification des risques…), il peut induire un niveau d’épargne plus élevé. On sait cependant qu’il existe sur ce point une ambiguïté liée à la possible opposition entre effet de revenu et effet de substitution : des placements mieux rémunérés ou moins risqués peuvent inciter, par exemple, à réduire l’épargne de précaution.

La modification de chacun des paramètres identifiés influe sur le taux d’accumulation du capital et, en conséquence, sur le taux de croissance. Une élévation de la productivité du capital accroît le niveau de revenu, donc de l’épargne et par conséquent de l’investissement ; tandis qu’une élévation du taux d’épargne, ou une amélioration de l’efficience opérationnelle du système financier, augmente le taux de croissance de l’investissement et donc de la production.

Cela étant, il reste à préciser ce qui sous-tend ces enchaînements et cela renvoie à la qualité des services financiers fournis aux utilisateurs. Levine (2005) montre qu’ils mettent essentiellement en jeu le traitement de l’information et la baisse des coûts de transaction et identifie cinq fonctions majeures des systèmes financiers :

  • la facilitation des échanges de biens et de services ;
  • la mobilisation et la collecte de l’épargne ;
  • la production d’information sur les investissements envisageables et l’allocation de l’épargne ;
  • la répartition, la diversification et la gestion du risque ;
  • le suivi des investissements en exécution et le contrôle de la gouvernance.

Il appelle « développement financier » le processus par lequel les instruments, les marchés et les intermédiaires financiers améliorent le traitement de l’information, la mise en œuvre des contrats et la réalisation des transactions, permettant ainsi au système financier de mieux exercer les fonctions définies ci-dessus.

Le système financier facilite les échanges de biens et de services en réduisant les coûts de transaction et d’accès à l’information associés à ces échanges. Son rôle se compare à celui de la monnaie, qu’il approfondit, notamment en facilitant les paiements et en élargissant la dimension intertemporelle par l’accès au crédit. Le lien avec la croissance passe par l’interaction entre le développement des échanges et la spécialisation, l’efficacité productive et l’innovation, très étudiée par ailleurs dans la littérature économique. Cette interaction se produit autant au niveau national qu’au niveau international, le développement des échanges ayant contribué à la mobilité des capitaux qui, à son tour, nourrit la vigueur du commerce international. Le bilan en termes de croissance dépend cependant de la façon dont cette interaction engendre un processus efficace d’allocation des ressources. En cas d’imperfections de marché, particulièrement présentes sur les marchés financiers, mais aussi de politiques susceptibles de conduire à des distorsions de prix et de signaux qu’ils véhiculent, ce n’est pas nécessairement le cas.

Le rôle du système financier dans la mobilisation et la collecte de l’épargne se comprend aisément. Il permet en effet de constituer un stock de ressources financières à partir de la contribution non coordonnée d’un grand nombre d’épargnants, ce qui est susceptible de générer des coûts de transaction importants. Il assure aussi une fonction essentielle de garant de la confiance, nécessaire pour que chaque épargnant soit prêt à confier son épargne, rôle qui relève du traitement de l’information mentionné ci-dessus. Ce rôle est assuré aussi bien par les marchés que par les intermédiaires financiers : les marchés proposent, dans un contexte institutionnel encadré par des autorités de régulation, divers véhicules, qu’il s’agisse de placements en actions, en obligations, de différents types de produits ou de fonds communs de placement ; les intermédiaires financiers attirent l’épargne par la réputation qu’ils acquièrent dans leur capacité à faire fructifier cette épargne, dans un contexte également régulé et assorti de diverses garanties des dépôts, ce qui est susceptible de rassurer l’épargnant. Cette fonction est au cœur du premier canal de transmission vers la croissance noté par Pagano et affecte directement l’accumulation de capital, mais aussi la disponibilité de volumes importants d’épargne pouvant financer l’innovation ou des investissements massifs nécessaires à l’exploitation de rendements croissants.

Ce rôle dans l’accumulation du capital prend cependant tout son sens avec la troisième fonction qui porte sur l’acquisition d’une information suffisante et de qualité concernant la profitabilité des projets d’investissement ou la capacité des agents à s’endetter. En l’absence de cette information, l’accumulation de capital peut s’avérer inefficace et nuire à la croissance à long terme, comme l’a amplement montré l’exemple de l’ex-Union soviétique. Le problème de l’asymétrie d’information est ici déterminant, car seul le débiteur potentiel connaît a priori sa capacité à rembourser un emprunt. L’acquisition de cette information de la part des créanciers est coûteuse et ce coût peut être mutualisé. Elle est essentielle pour que le système financier soit capable d’orienter l’épargne vers les utilisations les plus rentables. Les intermédiaires financiers, par exemple, ont un rôle majeur à jouer en permettant une meilleure analyse des projets d’investissement et des entreprises, contribuant ainsi à l’identification des meilleurs projets, au financement des entreprises les plus profitables, et donc à l’efficacité de l’allocation des ressources, à la productivité et à la croissance. La crise de 2007-2009 a cependant confirmé que la façon dont les systèmes financiers véhiculent et traitent l’information peut être source de dysfonctionnements majeurs.

Les systèmes financiers facilitent également la gestion et la diversification du risque en permettant aux épargnants de détenir des portefeuilles d’actifs diversifiés2. Cela permet à des agents ayant une aversion pour le risque d'être prêts à investir dans des projets plus risqués, dont la rentabilité est plus forte. Dès lors que le risque est correctement appréhendé, ce qui n’est cependant pas toujours le cas, on peut donc en attendre un effet bénéfique sur la croissance à long terme. Au-delà de cet effet de diversification, les systèmes financiers permettent aussi la gestion du risque en fonction de la liquidité, c’est-à-dire de la possibilité de convertir des instruments financiers en pouvoir d’achat prévisible dans des délais brefs. Lorsque les instruments sont liquides, les investisseurs peuvent être prêts à détenir ces instruments (actions, obligations, dépôts bancaires) alors même qu’ils servent à financer des investissements risqués à long terme. En facilitant les transactions sur les instruments financiers, les marchés réduisent le risque de liquidité susceptible de rendre les investisseurs plus frileux. C’est l’une des clés du financement de l’innovation. Dans sa théorie de l’histoire économique, Sir John Hicks3 indique que les produits fabriqués pendant les premières décennies de la révolution industrielle n’étaient pas nouveaux et avaient été inventés longtemps auparavant. La source du déclenchement de la révolution industrielle en Angleterre au xviiie siècle et la raison de son avance sur le continent européen sont plutôt à chercher dans la liquidité des marchés de capitaux qui a permis le financement de l’innovation, c’est-à-dire de la transformation de l’invention en activité industrielle. La liquidité des marchés peut ainsi contribuer à ce que les décisions prennent davantage en compte le long terme. En même temps, cependant, elle peut aussi faciliter l’instabilité due à la réversibilité des décisions, dont les coûts peuvent être importants, et alimenter les manias, paniques et krachs.

D’autres explications mettent également l’accent sur le rôle du financement massif de l’innovation, mais l’attribuent davantage à l’existence d’investisseurs audacieux, prêts à prendre des risques extrêmes (Perez, 2004). Cette vision rend compte à la fois des bulles financières et de leur rôle. Au départ, des aventuriers de la finance suivent de près les innovations et s’associent aux entrepreneurs pour lancer celles qui paraissent les plus prometteuses. Lorsque le succès est au rendez-vous, d’autres investisseurs, toujours audacieux, se joignent au financement d’activités fondées sur les techniques nouvelles. Ils donnent à leur tour l’exemple et cette dynamique crée la perception qu’il existe une recette d’enrichissement garanti. L’épargne se dirige massivement vers le secteur des nouvelles technologies et c’est la création de la bulle financière. Il est frappant de constater la régularité de ce phénomène historique, de la construction de canaux à celle des chemins de fer, à l’électricité et, plus récemment, à la nouvelle économie. Inévitablement, les ressources financières dépassent les ressources entrepreneuriales et alimentent la création d’une richesse fictive que l’éclatement de la bulle détruit. Au total, cependant, ce mécanisme permet une création massive de crédit, nécessaire à l’installation de la nouvelle révolution technique. Il est ainsi, avec tous ses excès, au cœur du financement de l’innovation.

Enfin, le système financier exerce également une fonction de contrôle de la gouvernance des entreprises. Le rôle de cette dernière dans la croissance repose sur l’argument suivant : si les investisseurs, actionnaires ou créanciers, peuvent inciter les dirigeants d’entreprise à maximiser la valeur de l’entreprise, cela améliorera l’efficacité de l’allocation des ressources et la disposition des épargnants à financer les entreprises et l’innovation. Cependant, cette fonction bute sur le traitement d’une information très asymétrique : le dirigeant d’entreprise a un accès direct à l’information et peut en contrôler la diffusion (le risque existe aussi que cette information soit manipulée), tandis que cet accès implique un investissement (à la fois financier et en termes d’expertise) de la part des apporteurs de capitaux. Ce phénomène d’asymétrie d’information est un obstacle sérieux à la conclusion des opérations de financement parce qu’il engendre deux types de difficultés :

  • un problème de « sélection adverse » qui rend difficile la fixation d’un prix d’équilibre entre l’offre et la demande de financement. Car si l’on considère que l’apporteur de capitaux ne peut connaître la qualité ou le risque des projets pour lesquels il est sollicité, alors il demandera une rémunération qui sera fonction de la qualité ou du risque moyen des projets tel qu’il les apprécie. Ce qui revient à dire que les projets les moins risqués devront supporter une tarification trop élevée tandis que les projets les plus risqués seront, au contraire, sous-tarifés. Dans ces conditions, les porteurs de bons risques (évincés par les mauvais, d’où cette notion de « sélection adverse ») renonceront à leur demande de financement. Ce qui va réduire la qualité moyenne des projets, justifier une hausse de la rémunération requise, éliminer à nouveau une partie des demandes de financement, et ainsi de suite… Au total, le marché des capitaux (crédits ou fonds propres) va se rétrécir et éventuellement disparaître. À tout le moins, on montre que dans ces circonstances, l’offre de capitaux sera rationnée, c’est-à-dire que l’ajustement se fera par le volume de financement, faute de trouver un prix ou en l’occurrence une rémunération d’équilibre (Stiglitz et Weiss, 1981) ;
  • un problème d’« aléa de moralité » qui hypothèque le respect des clauses du contrat financier. Car il est difficile d’écrire précisément les droits et les obligations des coéchangistes dans tous les cas de figure possibles. De ce fait, le demandeur de capitaux peut utiliser sa situation d’information privilégiée pour agir contre les intérêts du créditeur. Il peut en particulier choisir un projet plus risqué que prévu, le mettre en œuvre selon des modalités différentes, cacher la réalité des résultats obtenus… De sorte qu’ici encore, la position asymétrique des cocontractants peut rendre impossible, ou du moins difficile, la réalisation de l’opération.

L’une des fonctions essentielles de tout système financier consiste donc à apporter des solutions à ces problèmes. Cela passe par un cadre juridique qui préserve au mieux les apporteurs de capitaux, par des règles qui garantissent la qualité et la bonne diffusion de l’information utile aux investisseurs et par une organisation des marchés de capitaux qui assure des échanges équitables (excluant les manipulations de cours ou les délits d’initiés). Mais cela suppose aussi l’existence d’institutions financières capables de produire de l’information et de contrôler directement les projets, les décisions et les déclarations des débiteurs. On comprend dès lors qu’une organisation financière n’est pas seulement un lieu de collecte et de transfert de l’épargne. C’est aussi et avant tout un système de contrôle, c’est-à-dire un système de règles, de pratiques et d’institutions permettant la conclusion de contrats financiers.

En résumé, les travaux théoriques ont permis d’identifier et d’analyser les canaux par lesquels le développement financier est susceptible de contribuer à la croissance et les fonctions qu’il doit exercer pour cela. La conclusion d’ensemble reste quelque peu sibylline : si les fonctions sont bien remplies, le développement financier participe à la croissance. Mais cette conclusion laisse deux questions ouvertes : sont-elles, précisément, bien remplies ? et comment peuvent-elles être mieux remplies ? c’est-à-dire quelles formes de développement financier paraissent mieux adaptées ? Ces questions sont d’autant plus pertinentes que l’expérience suggère qu’un développement financier mal maîtrisé peut aussi être facteur de crises et d’instabilités coûteuses pour la croissance. Dans la section suivante, nous passons en revue les résultats des travaux empiriques qui apportent des éléments de réponse à la première question, avant d’aborder l’étude de la structure des systèmes financiers et des facteurs déterminants de leur développement qui éclairent les problématiques soulevées par la seconde question.

Que concluent les études empiriques ?

En fait, les travaux empiriques sont à la fois abondants et insuffisants pour répondre pleinement à la question de savoir si et comment le développement financier contribue à la croissance. La difficulté majeure, notée par Levine (2005), est que les mesures restent discutables et surtout ne correspondent pas aux différentes fonctions mises en avant dans les travaux théoriques. Les indicateurs utilisés restent partiels par rapport à la nature de ces fonctions. Il y a donc un décalage entre ce qui est mesuré, dont la contribution au développement financier peut être conceptuellement pertinente et discutée, et ce que l’on voudrait connaître pour établir un lien satisfaisant entre la mesure, l’évaluation économétrique et l’analyse théorique.

Ce décalage s’observe davantage pour les travaux macroéconomiques globaux, qu’il s’agisse de comparaisons entre pays ou de travaux sur des séries temporelles ou sur des données de panel, puisqu’il s’agit dans ces cas de corréler des mesures de développement financier avec la croissance. Les auteurs de ces études choisissent des déterminants du développement financier censés représenter le rôle de ce dernier et étudient économétriquement leur relation avec la croissance. La première étude significative de comparaison entre pays (Goldsmith, 1969) portait sur 35 pays et établissait une corrélation positive entre le développement financier, mesuré par la taille des intermédiaires financiers en proportion du PIB (interprétée comme un indicateur de qualité des services financiers fournis), et la croissance économique. Cette étude ne fournissait cependant aucune conclusion sur les liens de causalité. King et Levine (1993) l’ont approfondi à la fois en élargissant le nombre de pays à 77, en construisant de nouvelles mesures du développement financier (la taille des intermédiaires financiers, le rôle du crédit bancaire, l’importance relative du crédit au secteur privé, pris comme indicateur de la façon dont le système financier collecte l’information concernant les entreprises), en étudiant leurs liens avec l’accumulation de capital et la croissance de la productivité et en contrôlant d’autres facteurs influençant la croissance à long terme. Les auteurs trouvent une corrélation positive significative entre chacun des indicateurs de développement financier retenus, la croissance à long terme, l’accumulation du capital et la croissance de la productivité. Bien qu’ils ne traitent pas de la relation de causalité, ils montrent que la taille des intermédiaires financiers en 1960 a permis de prédire la croissance, l’accumulation de capital et les gains de productivité pour les trente années qui ont suivi.

L’introduction des marchés financiers dans de telles études a conduit à s’interroger aussi sur les mesures pertinentes de développement de ces marchés à prendre en compte. Levine et Zervos (1998) trouvent que le niveau initial de liquidité du marché boursier et le niveau initial de développement des banques sont positivement corrélés avec les taux de croissance, l’accumulation de capital et la croissance de la productivité des dix-huit années suivantes, ce qui conforte la thèse que la liquidité des marchés facilite la croissance à long terme. En revanche, la taille des marchés n’est pas corrélée de façon positive à la croissance : c’est la possibilité d’échanger des instruments financiers, plutôt que la taille, qui améliore l’allocation des ressources et la croissance.

Pour aborder dans ce contexte de comparaison entre pays la difficile question de la causalité entre développement financier et croissance, plusieurs auteurs utilisent la méthode de la variable instrumentale, c’est-à-dire qu’ils identifient une variable exogène explicative du développement financier, mais non corrélée avec la croissance, et qui va donc permettre de mesurer le niveau de développement financier. Ils régressent ensuite la croissance par rapport à la mesure du développement financier tirée de cette variable instrumentale (et qui est donc « purifiée » de tout impact direct de la croissance sur le développement financier). La variable instrumentale qu’ils retiennent est une mesure de l’origine du droit dans chaque pays qu’ils relient aux systèmes de lois et de respect des lois et au développement financier, du fait que ce dernier repose sur des contrats. Nous revenons ci-dessous sur cette approche, très sommaire et critiquable. Mais elle occupe une place importante dans les travaux économétriques récents. Ces derniers confirment sur cette base l’impact significatif du développement financier sur la croissance.

De nombreuses études, présentées et discutées dans Levine (2005), ont étendu ces approches à l’économétrie de panels et de séries temporelles. Cette sophistication apporte plusieurs avantages, notamment en termes de prise en compte de la dimension temporelle de l’évolution dans chaque pays, de correction des biais d’estimations des comparaisons synchroniques entre pays liées aux spécificités de ces pays. Elle conforte en général les conclusions des études précédentes.

Peut-être plus prometteuses, mais évidemment moins généralisables, sont les études de cas, d’une part, et les études concernant les secteurs ou les entreprises, d’autre part, car elles permettent d’analyser plus finement les fonctions des systèmes financiers mises en avant dans les approches théoriques. L’intérêt des études d’entreprises est d’examiner en détail les mécanismes à travers lesquels les systèmes financiers influencent la croissance. Portant sur ces mécanismes, elles apportent ainsi un éclairage intéressant sur les relations de causalité, même si ces résultats ne peuvent être agrégés au niveau global. On en tire donc une meilleure compréhension des systèmes financiers et de leur rôle. L’étude pionnière de Rajan et Zingales (1998) est à ce titre particulièrement intéressante. Ils interprètent le développement financier comme un mécanisme qui permet de faire baisser les coûts de financement externe de la firme. Ils en déduisent un test de l’impact du développement financier sur la croissance, en cherchant à mesurer si les entreprises qui font structurellement davantage appel au financement externe, et qui bénéficieront donc davantage de cet effet, croissent plus rapidement dans les pays ayant des marchés financiers plus développés. Leur conclusion confirme que le développement financier profite de façon significative à la croissance industrielle en agissant sur les modalités d’accès au financement externe.

Au total, les études empiriques mettent en évidence un lien positif entre développement financier et croissance. Ce lien est mieux documenté dans les études de cas et les études portant sur des industries ou des secteurs. La constatation d’un effet positif en moyenne sur plusieurs pays et plusieurs périodes apporte en revanche peu d’information sur la nature du développement financier à encourager, ni sur les raisons pour lesquelles les systèmes financiers ont évolué comme ils l’ont fait. Dans la partie suivante, nous approfondissons la compréhension des rôles respectifs des intermédiaires financiers et des marchés.

Structure du système financier et croissance

La description d’un système financier et l’appréciation de son efficience ne peuvent s’arrêter à la mesure de sa taille. Au-delà du volume d’épargne collecté et du montant des financements distribués, la nature des capitaux et la façon dont ils sont affectés sont au moins aussi importantes pour juger de la qualité du système financier et donc de son incidence sur la croissance économique. En d’autres termes, la structure compte sans doute autant que la taille dans l’évaluation du développement financier.

L’analyse de cette structure renvoie naturellement à de nombreuses caractéristiques, depuis les modalités de fonctionnement des marchés boursiers (leur microstructure) jusqu’à l’envergure des institutions financières (leur plus ou moins grande spécialisation) en passant par toutes les formes de régulation qui encadrent les activités financières. Mais pour éviter d’entrer dans des détails qui nous entraîneraient trop loin, on se bornera ici à étudier deux aspects qui nous semblent les plus importants : d’une part, le poids respectif des marchés de l’intermédiation et, d’autre part, le caractère plus ou moins concurrentiel du secteur bancaire.

Le rôle des marchés et des intermédiaires financiers

On oppose souvent les systèmes financiers dans lesquels prédominent les marchés (market-oriented) à ceux dans lesquels ce sont les intermédiaires et particulièrement les banques qui occupent la place centrale (bank-oriented). Les premiers caractérisent les pays anglo-saxons, tandis que les seconds correspondent plutôt aux économies d’Europe cardinale, du Japon ou des pays moins développés. Leur différence essentielle tient à la façon dont ils collectent et traitent l’information nécessaire à la conclusion des contrats financiers. Et l’on a longuement débattu de leurs avantages et inconvénients respectifs.

Théoriquement, les institutions financières sont mieux à même de résoudre les problèmes d’information qui existent entre prêteurs et emprunteurs, car elles ont la capacité de s’approprier le bénéfice des investissements réalisés dans la connaissance et le contrôle des demandeurs de capitaux. Elles gardent la propriété de l’information acquise dans le cadre de la relation bilatérale qu’elles nouent avec leurs emprunteurs. Alors que sur les marchés, l’information collectée se diffuse dans les prix (et d’autant plus vite que les marchés sont efficients), de sorte qu’elle devient publique. Ce qui limite les gains d’arbitrage et donc la profitabilité de la recherche d’information. On est ainsi confronté à un problème classique de « passager clandestin » : chacun refusera d’investir dans la connaissance des emprunteurs en attendant que le marché révèle les informations obtenues par d’autres. Il en résultera un déficit d’information et de contrôle. Gorton (2009) fait de la relation à l’information l’essence même des banques, qu’il caractérise comme des institutions qui fournissent de la liquidité en transformant des dettes sensibles à l’information en dettes insensibles à l’information : à cause de l’existence d’une assurance sur les dépôts, ces derniers sont considérés comme équivalents à de la monnaie de banque centrale, ce qui fait que l’acquisition d’information privée à leur égard ne peut être profitable.

Par ailleurs, les institutions financières ont la possibilité d’établir avec leur clientèle des relations durables, gardant la mémoire des opérations passées. Ce qui leur permet d’exercer une surveillance plus efficace (en menaçant notamment d’interrompre la relation de crédit), privilégiant le potentiel à long terme de l’entreprise et de ses investissements, mais aussi de réaliser des péréquations tarifaires dans le temps. Ainsi, elles peuvent, par exemple, accorder des conditions de crédit plus favorables à des entreprises naissantes dans la mesure où elles peuvent espérer rentabiliser à l’avenir ce manque à gagner. De même qu’elles peuvent amortir les chocs micro ou macroéconomiques, réels ou financiers, en lissant les quantités et les prix de leurs financements. Ce faisant, elles offrent à leurs emprunteurs une sorte d’assurance implicite qui favorise le développement régulier de stratégies de long terme.

Sur les marchés, au contraire, se nouent des opérations ponctuelles mobilisant les capitaux d’investisseurs anonymes qui n’entretiennent avec l’émetteur aucune relation suivie. Ce qui peut engager des comportements guidés par le court terme. D’autant que la liquidité des titres décourage l’engagement à long terme puisqu’elle rend possible des dégagements rapides. L’existence de marchés liquides favorise l’arbitrage (le « vote avec les pieds ») plutôt que l’implication dans la gestion des entreprises. La sanction des décisions se fait donc par le jeu des prix plutôt que par un contrôle direct. Et la qualité de la gouvernance dépend de la nature et de la valeur des informations prises en compte par les investisseurs. Or de ce point de vue, force est de constater que les prix de marché ont souvent tendance à surréagir et qu’ils manifestent une variabilité excessive par rapport aux fondamentaux. L’existence de bulles spéculatives (éventuellement rationnelles), d’effets de mode, de comportements mimétiques… provoque une pollution des signaux de marchés. L’efficience du contrôle et de l’allocation des capitaux s’en trouve réduite. De plus, il y a là un risque de déstabilisation au plan macroéconomique, susceptible de laisser des traces sur la croissance de long terme.

Ces avantages de l’intermédiation financière ont cependant leurs limites et leurs contreparties. D’abord parce qu’en nouant des relations de long terme avec des emprunteurs, les institutions financières acquièrent une position de monopole. Plus précisément, elles réduisent la capacité de leur clientèle à faire jouer la concurrence. Dans la mesure où ces relations supposent un investissement en information, leur rupture est coûteuse pour l’emprunteur qui aura des difficultés à trouver des conditions plus avantageuses ; notamment parce que le changement de banque peut être interprété négativement par les institutions concurrentes. En conséquence, cette inertie que génère la relation d’intermédiation donne aux institutions financières la capacité de surfacturer les financements qu’elles accordent.

Par ailleurs, la constitution de relations longues entre banques et entreprises comporte un risque de connivences entre les deux parties. Les institutions financières sont susceptibles de prolonger des relations de crédit parce qu’il est plus simple, ou moins coûteux, d’agir ainsi plutôt que de prospecter de nouveaux clients, mais surtout parce qu’il est difficile de solder une position qui met en jeu des bénéfices privés au sens large du terme (perte de réputation et sanctions éventuelles, réalisation de moins-values…). Au contraire, les marchés financiers ont la capacité de réallouer plus rapidement les capitaux en fonction des nouvelles opportunités car la dispersion des investisseurs interdit leur coordination. Et en ce sens, le contrôle exercé par les marchés est à la fois plus rigoureux et plus crédible.

Qui plus est, les banques ont par la nature de leurs actifs peu d’incitation à réallouer leurs placements pour les réorienter vers des emplois plus rentables. Car dans la mesure où elles détiennent principalement des crédits (en contrepartie des dépôts à valeur nominale garantie), elles ne s’intéressent qu’à la probabilité de remboursement de leurs emprunteurs. Le fait que certains investissements aient une très forte rentabilité ne les concerne pas puisqu’elles ne pourront en tirer bénéfice (la rémunération des crédits étant fixe), tandis qu’elles devront supporter des risques plus élevés. Ce qui signifie qu’elles ne considèrent qu’une partie des revenus probables des investissements à financer. Les projets dont le couple rendement/risque est très élevé sont exclus de leur champ, dès lors qu’elles ne peuvent ajuster les conditions de crédit (par exemple, du fait de l’aléa de moralité). De tels investissements relèvent plutôt de financements par capitaux propres et d’un recours aux fonds de capital-risque. Ceux-ci ont la possibilité d’intervenir parce qu’ils opèrent une diversification de leurs actifs (la rentabilité élevée des succès compense la proportion importante des échecs) que ne permet pas le contrat de crédit. Certes, il s’agit bien là d’une forme d’intermédiation, mais qui ne peut se concevoir sans l’existence de marchés financiers pour assurer la liquidité à terme du capital investi.

Ajoutons que les marchés révèlent un vaste ensemble d’opinions et d’informations sur le futur des entreprises, sur l’évaluation de leurs investissements, alors que les choix des institutions financières ne reflètent que la vision de quelques décideurs. Ce qui est de nature à accroître les erreurs d’appréciation.

Enfin, s’il est vrai que les marchés financiers soumettent les prix d’actifs à une volatilité excessive, ils permettent aussi de répartir les risques financiers sur l’ensemble des agents désireux de les traiter et de les porter. Dans la mesure où ils sont également capables de le faire, cette dissémination tend à amortir les effets de richesse liés aux fluctuations de cours, sauf en cas de corrélation générale des chocs ; et de fait, les crises boursières récentes, jusqu’à la crise de 2007-2009, ont été assez vite absorbées au plan macroéconomique. Un système d’intermédiation concentre plutôt les risques dans les bilans d’un petit nombre d’institutions. Lorsque l’économie est soumise à des chocs sévères, il peut en résulter des effets systémiques (des faillites en chaînes, des ruptures de relations de financement et des systèmes de paiement) dont les conséquences sont potentiellement très graves parce qu’elles touchent des agents qui ont un poids important et une place cruciale dans le fonctionnement macroéconomique. La crise de 2007-2009 et la faillite de Lehman Brothers ont cependant montré que la dispersion des risques pouvait conduire à un sentiment illusoire de sécurité, les multiples relations entre intermédiaires financiers revenant en fait à rétablir, de façon complexe et non maîtrisée, une concentration excessive.

Ces échanges d’arguments suggèrent qu’il n’y a pas à choisir entre l’un ou l’autre système, mais plutôt à déterminer un partage entre intermédiation et marchés. Au demeurant, on considère aujourd’hui que ce clivage entre systèmes bank-oriented ou market-oriented n’est plus réellement pertinent. Dans les faits, les institutions financières sont essentielles au fonctionnement des marchés parce qu’elles participent à l’émission et à la distribution des titres ainsi qu’à l’animation des transactions. On parle d’ailleurs d’intermédiation de marché pour désigner les fonctions exercées par les banques dans les activités qui relèvent de la finance directe. Ce qui montre que la mise en relation des agents non financiers suppose toujours une forme de médiation.

Diverses études empiriques ont mis en évidence cette complémentarité. Par exemple, Beck et Levine (2002), Levine (2002) et Levine et Zervos (1998) montrent en utilisant différentes données et méthodologies que le développement financier au sens large stimule la croissance. Mais il n’existe pas d’évidence prouvant que le niveau des crédits bancaires, ou au contraire le développement des marchés, exerce un effet plus important. Toutefois, Deidda et Fattouh (2006) trouvent que l’incidence de la taille du secteur bancaire sur la croissance est d’autant plus faible que le marché financier est plus développé. L’un et l’autre entrent significativement dans l’explication des taux d’investissement et de croissance.

Toutefois, lorsqu’on désagrège cette relation pour prendre en compte certaines caractéristiques des économies, la conclusion apparaît plus nuancée :

  • tout d’abord, le contexte juridique affecte l’efficacité des différents systèmes de financement. Pour que les marchés remplissent correctement leur fonction, il faut que les investisseurs disposent de garanties sur la transparence et la bonne gouvernance des entreprises, la protection des actionnaires minoritaires, la possibilité de faire arbitrer les conflits… Pour cette raison, les systèmes bank-oriented sont mieux adaptés aux économies dont le cadre juridique est moins robuste parce que les institutions ont la capacité d’imposer des contraintes informelles qui permettent de compenser des protections légales insuffisantes. Nous reviendrons sur cet argument ;
  • dans le même ordre d’idée, le niveau de développement financier (la sophistication des produits et des agents) conditionne aussi l’efficacité relative des différents types de systèmes. On comprend aisément qu’un système d’intermédiation est mieux adapté à une économie dans laquelle les besoins de financement et de placement s’accommodent de produits relativement simples. Tandis que sur les marchés peuvent se concevoir et se traiter des produits plus complexes et qui demandent un savoir-faire bien plus marqué. En ce sens, une étude de Tadesse (2002) montre que les systèmes dominés par les banques sont plus efficaces, c’est-à-dire plus favorables à la croissance, dans les pays dont le système financier est peu développé ; alors que les systèmes market-oriented sont au contraire plus efficaces dans les pays financièrement développés. Ce qui revient à dire qu’il existe un ordre optimal, ou du moins préférable, dans le développement des systèmes financiers. Il peut être dangereux de donner prématurément une place trop importante aux marchés ; la constitution d’un secteur bancaire rentable et performant est certainement un préalable ;
  • enfin, les caractéristiques optimales d’un système financier dépendent naturellement de la structure de l’économie. Ne serait-ce que parce que les types de financement requis (par exemple, le recours à la finance directe ou indirecte) sont fonction de la taille des entreprises, de leur maturité ou de la nature de leur activité. Il y a ici aussi une interaction potentielle entre la formation du système financier et celle du système productif. Mais en tout état de cause, il n’existe pas a priori (c’est-à-dire indépendamment des caractéristiques de l’économie) une configuration optimale du système financier.

Les structures de marché du crédit bancaire

Une autre limite du clivage que l’on vient d’évoquer tient à ce qu’il néglige les conditions de fonctionnement des marchés aussi bien que l’organisation du secteur bancaire. Par exemple, le rôle des marchés d’actions n’est pas le même selon les formes de détention du capital des entreprises. Le contrôle indirect par les prix s’exerce principalement lorsque le capital est dispersé entre un grand nombre d’actionnaires. Au contraire, s’il est concentré entre les mains d’un petit nombre d’investisseurs, ces derniers sont à même de contrôler directement les décisions de la firme, même s’il existe un capital flottant assez important pour entretenir un marché actif. On est alors dans une forme de gouvernance proche de celle qu’opèrent les intermédiaires financiers. Ce qui montre que ce n’est pas seulement la part des différents types de financement qui importe. Les caractéristiques des deux systèmes (finance directe ou indirecte) sont au moins aussi cruciales.

Cette proposition concerne particulièrement l’organisation du secteur bancaire. Car le comportement des institutions financières est évidemment conditionné par le contexte dans lequel elles opèrent. Notamment, la structure de marché, c’est-à-dire l’intensité de la concurrence, affecte sans doute fortement l’offre de crédit, son orientation et ses conditions. Il est donc important de comprendre l’incidence de la concentration bancaire et/ou de la politique de concurrence sur la distribution du crédit (surtout vers les entreprises dépendantes des financements bancaires), donc sur les investissements et la croissance.

De nombreux travaux théoriques et empiriques se sont d’ailleurs efforcés de répondre à ces questions qui sont relativement complexes car si l’on essaie d’appliquer au marché du crédit les raisonnements habituels sur l’effet de la concurrence, le résultat est sans surprise : logiquement, un marché plus concurrentiel se traduit par des marges d’intermédiation plus faibles, une réduction des coûts opérationnels, une argumentation et une meilleure allocation des financements distribués. Mais cette transposition est très contestable parce que les opérations financières diffèrent des transactions ordinaires, du fait de l’existence de ces phénomènes d’asymétrie d’information et d’incomplétude des contrats sur lesquels nous avons déjà insisté. La résolution de ce problème implique que l’on protège l’investissement des institutions financières dans la connaissance et le contrôle des emprunteurs. Or une concurrence trop vive peut faire obstacle à cet investissement si elle rend trop instable la relation de clientèle. Pour qu’une banque accepte de supporter le coût d’entrée dans une relation de long terme, pour qu’elle puisse réaliser sans perte des péréquations tarifaires dans le temps, il faut qu’elle soit assurée d’une certaine fidélité de l’emprunteur à l’avenir. Or si la banque anticipe que l’entreprise emprunteuse se tournera vers la concurrence (ou imposera ses conditions) dès qu’elle pourra se passer de son soutien, aucune relation durable n’est possible. Dans un tel contexte, les établissements de crédit se conduiront comme des « banques à l’acte », c’est-à-dire qu’ils traiteront et factureront indépendamment chaque opération de crédit. Ce faisant, ils reproduiront un comportement de marché, ce qui est la négation même de l’intermédiation.

Dans une certaine mesure, la concentration du système bancaire est donc favorable à la croissance puisqu’elle permet la conclusion de contrats financiers qui seraient impossibles en situation de concurrence4. Ajoutons qu’une banque en position de monopole ou de concurrence monopolistique a la capacité de procéder à des péréquations tarifaires entre ses emprunteurs, c’est-à-dire de réduire le coût du crédit aux entreprises naissantes ou aux PME en surfacturant les firmes matures. Ce qui est aussi de nature à stimuler la croissance en contribuant au renouvellement du tissu industriel.

Cette argumentation paradoxale par rapport à l’analyse traditionnelle des structures de marché soulève cependant des objections. D’abord parce que la liberté dont disposent les banques pour fixer le prix de leurs crédits ne dépend pas seulement du nombre de concurrents et de leur taille relative. Elle est aussi fonction des actions qu’elles peuvent mener pour s’attacher durablement la clientèle de leurs emprunteurs (par une bonne adéquation des services offerts aux besoins identifiés, par une qualité de service adaptée…). Parce que le crédit n’est pas un service homogène, les efforts consentis pour mieux répondre aux particularités des demandes sont susceptibles de générer une certaine inertie des emprunteurs. En d’autres termes, les banques sont capables de se différencier et ont d’autant plus intérêt à le faire, c’est-à-dire à investir dans des relations de proximité, que la concurrence potentielle est vive. Car la pression sur les marges est d’autant plus forte que les produits distribués sont banalisés. La réplique à la montée de la concurrence n’est donc peut-être pas de renoncer aux relations de long terme, mais au contraire de trouver les moyens de les renforcer. C’est sans doute ainsi qu’il faut interpréter le redéploiement surprenant des réseaux d’agences bancaires.

Quoi qu’il en soit, la constitution de positions de monopole peut mettre les banques en situation non seulement de rentabiliser leur investissement en information, mais aussi de surfacturer (d’exploiter) leurs emprunteurs. Après avoir investi dans une relation qui rend leur clientèle captive (c’est-à-dire qui rend coûteuse sa migration vers la concurrence), elles sont à même d’imposer des conditions de crédit excessivement rigoureuses. Ce qui peut contredire les avantages de la concentration bancaire. Ce qui peut également amener la clientèle à refuser de s’engager dans une relation de long terme, dès lors qu’elle anticipe que cela débouchera sur une surfacturation du crédit à l’avenir. On retrouve un problème déjà signalé d’incomplétude du contrat financier : on refuse d’entrer dans une relation durable parce que l’on ne peut en préciser à l’avance toutes les conditions.

Enfin, même si cela ne se confond pas exactement avec la concentration bancaire, il semble que les banques de petite taille soient mieux à même de nouer des relations de proximité avec les PME. Leur organisation plus souple que celle des grandes institutions leur permet de collecter et de traiter plus efficacement les informations privées, non standardisées (soft informations), qui fondent ce type de relations (Berger et al., 2005 ; Stein, 2002). Ce qui implique que les PME trouveront plus difficilement et plus coûteusement à se financer dans une économie dont le secteur bancaire est principalement constitué de grandes banques.

En définitive, du point de vue théorique, les effets de la concurrence bancaire sur le financement et la croissance sont ambigus et c’est bien ce qui ressort des nombreuses études empiriques menées en ce domaine. Pour l’essentiel, elles montrent que la concentration est plutôt globalement (c’est-à-dire au plan macroéconomique) défavorable à la croissance parce qu’elle se traduit par un volume de crédits plus faible et un coût du capital plus élevé pour les entreprises. En revanche, elle profite à certains secteurs et à certains types de firmes. Plusieurs études mettent en évidence qu’un système bancaire concentré favorise la création d’entreprise et améliore l’accès au crédit des jeunes PME (Bonaccorsi Di Patti et Dell’Ariccia, 2006). Elle semble aussi stimuler la croissance des secteurs financièrement dépendants au sens de Rajan et Zingales (2000), ou encore ceux qui sont soumis à des phénomènes d’opacité (donc d’asymétrie d’information) plus élevés et qui nécessitent en conséquence une surveillance plus rigoureuse (Cetorelli et Gambera, 2001).

Les travaux qui ont tenté d’évaluer l’incidence des mesures de déréglementation ont aussi fait ressortir des résultats contrastés. Aux États-Unis, par exemple, Zarutskie (2006) montre que la déréglementation (précisément le Riegle-Neal Act de 1994) a réduit les possibilités d’endettement et donc d’investissement des petites entreprises ; tandis que les firmes plus matures ont au contraire obtenu plus facilement du crédit. Dans le même sens, plusieurs études ont établi que la consolidation bancaire, dans un contexte de montée de la concurrence et de la globalisation, avait été défavorable aux PME. Pour la France, le travail de Bertrand, Schoar et Thesmar (2006) indique que la déréglementation bancaire des années 1980 a dissuadé les banques de prêter à des entreprises non performantes et qu’elle a incité les firmes dépendantes des financements bancaires à entreprendre des restructurations. Il en aurait résulté des réductions de la concentration industrielle et une réallocation des ressources entre firmes, favorables à l’efficience productive.

Enfin, il semble que l’effet de la concurrence soit différent selon le stade de développement. C’est dans les pays les moins avancés que les industries financièrement dépendantes gagnent le plus à ce qu’il y ait un secteur bancaire concentré. Alors que le lien est moins évident dans les économies développées dans lesquelles les firmes peuvent mobiliser des formes de financement alternatives au crédit bancaire, et notamment les émissions d’actions5.

Les facteurs déterminants du développement financier

S’ils n’épuisent pas les débats sur la causalité entre finance et croissance, les développements qui précèdent suggèrent, au moins, qu’il existe une incidence significative de la taille et de la composition des systèmes financiers sur le rythme et la régularité de la croissance. On est alors amené à se demander quels sont les facteurs qui conditionnent le développement financier et quelles sont, en conséquence, les dispositions ou les politiques capables de façonner une architecture financière favorable à la croissance économique.

Si l’on en reste à une approche formelle, pour ne pas dire superficielle, les réponses à ces questions se trouvent du côté des règles de droit et de leur application. Mais en allant un peu au-delà, on peut montrer qu’elles mettent en jeu l’ensemble des institutions qui structurent les façons de faire des agents économiques, c’est-à-dire la conception des modèles économiques et sociaux. L’efficience d’un système financier se juge à la façon dont il participe à l’optimisation des comportements, au regard des objectifs que se fixe une société donnée.

Le cadre juridique et réglementaire

Au premier abord, un système financier est avant tout une affaire de contrats. On doit donc considérer que la qualité du cadre juridique est nécessaire à la réalisation des opérations financières. C’est un facteur essentiel pour que les apporteurs de capitaux soient en mesure de faire respecter leurs intérêts en cas de conflits avec les utilisateurs de ces capitaux, disons les entreprises, ou en cas de défaillance de celles-ci. Dès lors, la lettre et les conditions d’exécution des contrats ainsi que la réglementation des intermédiaires et des marchés apparaissent comme des déterminants majeurs du développement financier.

En ce qui concerne les opérations de marché, le cadre réglementaire couvre deux aspects. Il s’agit, d’une part, des obligations d’information, auxquelles sont soumises les entreprises envers les investisseurs (présentation des comptes, communication sur certaines opérations, gouvernance…), et des possibilités de contestation auprès de juridictions compétentes des décisions des dirigeants ou des actionnaires majoritaires. Il est question, d’autre part, du statut et de l’étendue des pouvoirs de l’autorité de régulation : son indépendance, ses pouvoirs d’investigation, les sanctions qu’elle peut imposer… Si l’on se réfère au travail récent de La Porta, Lopez-de-Silanes et Shleifer (2005), ce serait plutôt la qualité des informations diffusées par les émetteurs ainsi que les recours dont disposent les investisseurs contre leur insuffisance ou leur caractère erroné qui expliqueraient la capitalisation boursière, le niveau des émissions ou l’accessibilité du marché aux PME. Ce résultat tend à conforter la conviction des auteurs de l’étude qui considèrent que la loi offre une meilleure protection que l’intervention d’un régulateur. Il est obtenu en utilisant une série d’indicateurs largement discutables. Mais son principal intérêt est précisément de provoquer une discussion sur les formes préférables du cadre réglementaire. Sans que l’utilité de celui-ci puisse être mise en doute.

Ces mêmes questions se posent à propos de la régulation des institutions financières. On sait, en effet, que les particularités des établissements de crédit, c’est-à-dire la différence entre le caractère illiquide de leurs actifs et l’exigibilité de leurs passifs, les rendent potentiellement instables. Ce qui montre la nécessité d’une assurance de leurs dépôts, laquelle fait naître un aléa de moralité : une incitation à prendre des risques excessifs puisque ceux-ci sont au moins partiellement pris en charge par l’institution d’assurance (privée ou publique) lorsqu’ils se matérialisent. Une réglementation est donc nécessaire pour permettre la conclusion et le respect de contrats équitables entre les banques, d’une part, les déposants et l’institution d’assurance des dépôts, d’autre part. Un cadre minimal, commun à un grand nombre de pays, a été fixé par les accords de Bâle. Mais il laisse subsister des différences importantes d’un pays à l’autre dans les textes réglementaires, comme dans leur mise en œuvre. Et ces différences sont susceptibles de rendre compte d’écarts de croissance, de performances et de stabilité.

Toutefois, sans ce domaine également, ce n’est pas la rigueur des autorités de régulation ou l’intensité de contrôle prudentiel qui importent le plus. Dans certains cas, une réglementation excessive peut être contre-productive : c’est le sens de la thèse de la « répression financière » développée par McKinnon (1973). Des études comparatives semblent montrer que la qualité des informations disponibles et les incitations des actionnaires ou des créditeurs (déposants et autres) à contrôler les institutions financières, mais aussi à assumer leur responsabilité et leur capacité à faire valoir leur droit (en cas de liquidation), contribuent à rendre les banques plus sûres et plus efficaces (Barth, Caprio et Levine, 2004). Ici encore, ce résultat et la façon de l’obtenir sont certainement sujets à discussion. Mais l’intérêt de la discipline de marché comme mécanisme de régulation doit néanmoins être pris au sérieux.

Quoi qu’il en soit, tous les travaux empiriques en ce domaine confirment l’importance du cadre juridique et réglementaire dans le développement financier.

La fable de l’origine légale

Le courant que l’on désigne par l’expression de « law and finance », initié par les travaux de La Porta, Lopez-de-Silanes, Schleifer et Vishny (LLSV), entend cependant situer les causes du développement financier en amont de ces explications (La Porta et al., 1997 et 1998). Il s’efforce de montrer que c’est l’origine historique et conceptuelle des systèmes juridiques qui constitue la source des différences essentielles. La distinction entre quatre grandes catégories de systèmes permettrait de rendre compte des disparités dans la protection des investisseurs (plus généralement des intérêts privés) entre les pays. Et c’est de là que proviendraient les écarts observés entre les systèmes financiers.

Ainsi, le système anglo-saxon de common law autoriserait un recours plus facile des entreprises aux financements, et notamment aux financements de marché, parce qu’il préserve mieux les intérêts des apporteurs de capitaux (particulièrement ceux des actionnaires) et parce qu’il est plus souple et se prête donc mieux aux innovations. Une argumentation historique, quelque peu sommaire, est censée prouver que les systèmes juridiques français et allemand ont été édifiés pour conforter la prédominance de l’État par rapport aux intérêts particuliers. Alors que le système anglo-saxon a, au contraire, privilégié le respect des droits de propriété privés. Pour cette raison, il est plus favorable à la conclusion de contrats entre agents, donc à la finance directe, puisqu’il offre de meilleures garanties aux apporteurs de capitaux. En particulier, la protection des actionnaires minoritaires permet une plus grande dispersion du capital et donc un marché boursier plus actif et plus liquide. Tandis que la sécurisation des opérations de financement dans les systèmes d’Europe continentale (notamment en France et en Allemagne) nécessite l’intervention d’institutions qui s’interposent entre les apporteurs et les demandeurs de capitaux : l’intermédiation compense la fragilité des contrats par une surveillance directe. On prétend ainsi rendre compte du clivage entre les systèmes où les marchés ont une place prépondérante et ceux où prédominent les banques.

Les défenseurs de cette thèse ajoutent que les systèmes de common law fondés sur la jurisprudence sont plus souples que les systèmes de civil law fondés sur des lois écrites. Car le fait de donner au juge le pouvoir de créer une loi permet de mieux régler les conflits qui ne sont pas expressément envisagés par les codes. De plus, la jurisprudence est censée mieux capitaliser l’expérience et s’adapter plus vite aux évolutions du contexte économique et social. De ce point de vue, ce ne sont pas tant les termes de la loi qui importent que la flexibilité dont on dispose pour l’appliquer (Beck, Demirguc-Kunt et Levine, 2003 ; Ergungor, 2004). La nature des sources du droit est plus essentielle que le contenu des lois ; ce sont donc les fondements mêmes des systèmes juridiques qui sont déterminants.

Cette thèse est théoriquement séduisante et elle s’accorde bien avec une conception purement libérale du développement. C’est la raison pour laquelle la Banque mondiale a largement contribué à sa diffusion : la mise en place d’un cadre juridique respectueux des droits de propriété (en fait, des intérêts des investisseurs) est la condition nécessaire, sinon suffisante, du développement financier et donc de la croissance. Pourtant, même si l’on ne peut nier à cette argumentation un certain pouvoir explicatif, elle est bien loin de rendre compte de toute la réalité des modèles de financement. De nombreuses expériences historiques prouvent qu’il n’y a pas de lien évident entre les évolutions du droit et celles de la finance. Rajan et Zingales (2000) ont montré que le développement financier ne s’opérait pas de façon continue : au début du xxe siècle dans divers pays d’Europe centrale (en France en particulier), l’importance des marchés financiers était plus forte qu’aujourd’hui. Or ce ne sont pas les transformations des systèmes juridiques (du moins dans leurs fondements qui sont par définition très stables) qui peuvent expliquer ces renversements. Elles n’expliquent pas non plus les mutations financières observées dans nombre de pays développés au cours de ces vingt dernières années. À l’évidence, le système de French civil law n’a pas empêché le mouvement de désintermédiation, ni le développement des innovations financières dans notre pays.

Qui plus est, les réformes des régimes juridiques mises en place dans les pays de l’Est, avec pour objectif explicite d’améliorer la protection des investisseurs, ont souvent donné des résultats décevants, parfois même désastreux (Black, Kraakman et Tarassova, 2000 ; Glaeser, Johnson et Shleifer, 2001). Ce qui prouve que l’on ne peut implanter un régime juridique de façon artificielle, sans égard pour la culture, les valeurs ou le système institutionnel du pays concerné. Des travaux ont du reste montré que la classification des modèles de gouvernance (en particulier la protection des actionnaires et des créditeurs) était mieux expliquée par les modèles culturels avec lesquels ils s’accordent que par le principe de l’origine légale (Licht, Goldschmidt et Schwartz, 2005). C’est-à-dire que les valeurs dont s’inspire une société (par exemple, sa valorisation de l’action collective, au contraire de l’individualisme, son acceptation des inégalités de pouvoir, son comportement à l’égard de l’incertitude...) rendent mieux compte des droits accordés aux apporteurs de capitaux et des protections dont ils disposent que la fable simpliste de LLSV.

Les complémentarités institutionnelles

Au


Notes

1 Cette partie s’appuie largement sur le tour d’horizon complet de la littérature théorique et empirique proposé par Levine (2005).
2 Cette diversification consiste en général à investir simultanément dans des secteurs différents faisant face à des chocs non corrélés. Levine (2005) souligne aussi la possibilité de diversification intertemporelle du risque.
3 Cité par Levine (2005, p. 17).
4 La question est en réalité qu’il n’est pas possible d’écrire et de faire respecter des contrats de long terme permettant des péréquations intertemporelles. C’est ce qui provoque l’inefficience de la concurrence. Et le monopole est une façon de remédier à cette incomplétude des contrats.
5 Ce résultat ressort du travail de Carlin et Mayer (2003).
6 Le fait de contracter une dette, et particulièrement une dette qui ne peut être renégociée, revient, en effet, à s’engager à se comporter de façon « agressive » vis-à-vis de ses concurrents actuels ou potentiels. De même que le fait de s’assurer d’une stabilité financière (en contractant une dette de long terme) permet de se garantir contre un comportement de prédation se traduisant par une guerre des prix et des pertes à court terme. On trouvera un résumé de cette littérature notamment dans le chapitre 7 de Tirole (2006).
7 Sur la microfinance, voir notamment : Forestier (2005) et le site du Consultative Group to Assist the Poor (DGAP) : https://www.cgap.org.
8 Ces chiffres proviennent du rapport de la Banque mondiale sur les finances en Afrique (Honohan et Beck, 2007). Il fournit une étude très détaillée des caractéristiques et des faiblesses des systèmes financiers africains. Une nouvelle étude, fondée sur des données plus larges et incluant les pays d’Afrique du Nord, a été publiée en 2011 (Beck et al., 2011). Elle confirme et précise les conclusions du précédent rapport, en montrant cependant le chemin parcouru dans les années récentes.
9 Pour une étude de la problématique de la libéralisation des services financiers dans les pays pauvres, voir, par exemple : Dobson et Jacquet (1998).

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