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 Introduction


Jean-Michel CHARPIN Membre, Conseil consultatif européen pour la gouvernance statistique (CCEGS) ; ancien directeur général, Insee ; ancien président, Association française de science économique (AFSE).
Jean Paul POLLIN

* Professeur émérite, Laboratoire d'économie d'Orléans, Université d'Orléans. Contact : jean-paul.pollin@univ-orleans.fr.

Parler de « sortie de crise », en cet automne 2011, demande de faire preuve d’un peu d’optimisme. La « Grande Récession », comme on la nomme par analogie avec la « Grande Dépression » des années 1930, est peut-être terminée, mais la crise elle-même est bien loin d'être achevée. D’abord parce que l’expérience historique prouve que les crises d’endettement sont suivies de convalescences longues et douloureuses. Ensuite parce que les déséquilibres réels et financiers à l’origine de la crise n’ont pas été résorbés et peuvent à tout moment entraîner de nouvelles répliques. Enfin parce que le retour à l’équilibre se déroule sous la surveillance de marchés très fébriles et prêts à tirer profit des faiblesses ou des contradictions des politiques publiques.

Esquisser des politiques de sortie de crise est un exercice d’autant plus délicat que la pression des événements a pratiquement détruit les principes de politique économique qui faisaient à peu près consensus depuis une vingtaine d’années :

  • dans les pays développés (mais aussi dans un nombre croissant de pays émergents), les politiques monétaires avaient adopté, de façon plus ou moins explicite, des stratégies de ciblage d’inflation. Cela impliquait que les banques centrales délaissaient la prise en compte des déséquilibres financiers (au travers notamment des agrégats) pour se concentrer uniquement sur l’évolution des prix et éventuellement de l’activité. Quand, à la fin des années 1990, s’est posée la question d’une éventuelle réaction à l’envolée des prix d’actifs, les réponses furent incertaines et conclurent le plus souvent qu’il était préférable de l’ignorer. Ou du moins on considéra que cela relevait de la politique prudentielle qui n’était généralement pas de la compétence des banques centrales ;
  • les déséquilibres structurels (de répartition ou de compétitivité notamment) étaient envisagés de façon distincte des déséquilibres macroéconomiques, aussi bien du point de vue de leur analyse que de leur traitement. Cela signifie que l’on n’établissait pas de lien entre des conflits de répartition, par exemple, et les incitations à l’endettement, qui se sont ajoutées aux défaillances de la supervision bancaire. De même, les déséquilibres commerciaux américains ont pu être justifiés en tant que contrepartie d’entrées de capitaux induites par le potentiel de croissance des États-Unis. Par ailleurs, la résolution des déséquilibres structurels était renvoyée au niveau national et à l’utilisation des préconisations d’inspiration libérale de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) ou d’autres organisations internationales ;
  • la coordination des politiques économiques, qui était encore un thème très présent dans les préoccupations et dans la littérature des années 1980, a perdu au cours du temps de son actualité. Peut-être parce que la flexibilité des changes, qui s’accorde théoriquement avec le ciblage d’inflation, était censée assurer l’indépendance des politiques nationales. De ce fait, la question ne se posait que pour les zones ou pour les grandes économies à régimes de changes fixes. C’était donc le cas de la zone euro dans laquelle le problème a été réduit à la coordination des politiques budgétaires et sous la forme restrictive du Pacte de stabilité et de croissance (PSC). C’était aussi le cas pour les économies asiatiques auxquelles on reprochait la sous-évaluation de leur devise.

Or dans l’urgence de la « Grande Récession », une convergence des réactions et, dans une moindre mesure, des analyses de politique économique s’est produite dans les économies développées. Et ce nouveau « consensus » de circonstance s’est largement démarqué du précédent :

  • d’abord des politiques monétaires très accommodantes ont été engagées. Ce qui s’est traduit par un abaissement des taux d’intérêt (du moins à partir d’août 2008, pour ce qui est de la BCE – Banque centrale européenne) très en dessous du « taux de Taylor ». Mais aussi par la mise en place de politiques non conventionnelles qui ont amené les banques centrales à injecter massivement des liquidités en contrepartie d’achats d’actifs de différentes natures et qualités. Il en est résulté un important gonflement des bilans des banques centrales : multiplication par deux et demi de celui de la Federal Reserve (en pourcentage du PIB), par trois de celui de la Banque d’Angleterre et par un et demi de celui de la BCE ;
  • des politiques budgétaires à la fois laxistes et volontaristes ont été menées, qui ont entraîné une explosion des déficits et une augmentation des dettes publiques des pays avancés de l’ordre de 20 % en proportion du PIB. Ce dérapage a majoritairement été dû au jeu largement accepté des stabilisateurs automatiques, mais aussi aux plans de relance et aux soutiens au secteur financier ;
  • très vite, des réflexions ont été engagées pour durcir les dispositifs de régulation des institutions et des marchés financiers. Dans le même temps, on a reconnu la nécessité de mettre en place des instruments de traitement du risque systémique, c’est-à-dire une régulation de nature macroprudentielle, s’ajoutant à la surveillance des institutions prises séparément ;
  • enfin, une coopération internationale spectaculaire, au sens propre, s’est mise en place utilisant le G20 et les autres instances de concertation existantes ainsi que les compétences des organisations internationales, tout particulièrement le FMI (Fonds monétaire international). Cette démonstration était utile pour affirmer une unité de conception et d’action entre les dirigeants des grandes économies, y compris les économies émergentes. Mais naturellement, derrière cette unité de communication, ce récit soigneusement mis en scène, subsistaient des divergences stratégiques sur la nature et l’ampleur des changements structurels qui devaient accompagner cette sortie de crise. D’autant que les responsables politiques ont pris conscience que cette sortie serait difficile à piloter et donc politiquement coûteuse.

Ainsi, la sortie de crise ne nécessitera pas seulement d’effacer les traces des interventions passées, c’est-à-dire la dérive des dettes publiques, le gonflement et la dégradation des bilans des banques centrales, les pertes subies par les institutions financières… C’est aussi une révision en profondeur des politiques économiques qu’il faudra envisager. Les articles de ce numéro de la Revue d’économie financière tentent de les analyser.

Particularités et conséquences de la crise

La première partie de ce numéro étudie les caractéristiques de la crise actuelle, la « Grande Récession » et plus précisément ce qui la différencie des crises précédentes. L’article de Virginie Coudert et Valérie Mignon répond à cette question en mesurant d’abord l’ampleur de la contagion financière ; il montre que la crise récente a touché la quasi-totalité des économies, à la différence de celles qui se sont succédé depuis la fin des années 1990. En conséquence, elle a eu un impact tout à fait singulier sur le PIB et le commerce extérieur de la plupart des pays avancés : d’un pur point de vue statistique, elle constitue la récession la plus grave de l’après-guerre par son étendue et sa durée. Il est donc vraisemblable qu’au-delà du rebond (éphémère ?) de l’activité induit par les interventions publiques, elle laissera des traces sur le niveau d’activité et peut-être sur la croissance, notamment à travers les nécessaires restrictions budgétaires qui s’ensuivront.

Cette question des influences à venir de la crise est au centre de la contribution de Étienne Debauche, Éric Dubois et Pierre Leblanc. Ces auteurs s’interrogent d’abord sur les évolutions possibles de l’activité économique en sortie de récession : rattrapage des pertes subies, retour au rythme de croissance antérieur, mais sans rattrapage ou baisse durable du taux de croissance. Les auteurs se réfèrent aux travaux empiriques qui ont tenté d’évaluer l’incidence des crises bancaires passées sur les trajectoires des économies. Cela conduit naturellement à regrouper dans un même échantillon des crises, des pays et des périodes bien différents, ce qui laisse subsister une large incertitude sur les résultats. Les auteurs en viennent cependant à considérer le scénario intermédiaire (celui d’un retour au taux de croissance antérieur sans rattrapage) comme le plus probable. Mais la suite de l’article nuance beaucoup cette conclusion. D’abord parce que l’évolution de l’emploi pendant et après la récession laisse prévoir une baisse future de la productivité du travail, donc de la croissance potentielle. Ensuite parce que l’accumulation des dettes publiques impliquera des ajustements budgétaires importants qui pèseront fatalement (par les prélèvements supplémentaires et la baisse des dépenses) sur l’activité. L’idée d’une croissance durablement affaiblie est donc bien loin d'être exclue.

D’autant que la gestion de ces ajustements risque fort, argumente la contribution de Jacques Le Cacheux, de signer le retour d’une orthodoxie peu éclairée. Le choc de la crise a été si brutal que l’on a pu croire brièvement à un retour en force, sinon en grâce, du keynésianisme. Face à la profondeur de la récession, les politiques économiques ont choisi de s’affranchir des consensus qui prévalaient jusqu’ici, aussi bien en matière monétaire que budgétaire. Mais ce temps de doute a finalement été assez court même s’il a été marquant, et tout indique que l’on en revient aux conceptions antérieures. Peut-être, analyse Jacques Le Cacheux, parce que l’on a épuisé les marges de manœuvre qui existaient avant la crise, ou parce que les contraintes institutionnelles (ou plus simplement les conflits d’intérêts) empêchent l’émergence de solutions plus coopératives, ou encore parce que certaines voies de sortie (l’inflation, par exemple) sont récusées.

Rétablir l’équilibre des finances publiques

Le rétablissement des finances publiques constitue une composante obligée des politiques de sortie de crise. En effet, le jeu conjugué des stabilisateurs automatiques, des programmes de relance et des soutiens au secteur financier a entraîné des augmentations massives des dettes publiques. Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff avaient d’ailleurs montré que c’était systématiquement le cas lors des crises financières passées.

L’article de Patrick Villieu s’interroge sur la possibilité de définir une cible de dette publique optimale. La grande diversité des conclusions de la littérature sur ce point n’est pas contradictoire avec le diagnostic d’un seuil compris entre 60 % et 100 % du PIB, au-delà duquel la dette publique nuit à la croissance. On sait que Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff ont donné une forte visibilité au seuil de 90 %, inclus dans cette fourchette. L’article examine alors les apports possibles d’une « règle d’or », n’acceptant le déficit que pour financer des dépenses d’investissement. Il étudie ensuite les différents moyens qui permettraient de liquider, au moins partiellement, les dettes publiques excessives.

Très attentif à la fois à la reconstitution du potentiel de croissance et aux réactions des marchés, Philippe Marini revient sur les difficultés dans la mise en œuvre de la solidarité financière européenne. Il est dès lors conduit à privilégier les règles nationales et les institutions permettant de les faire respecter. Il détaille les enjeux de la réforme constitutionnelle actuellement en débat et discute ses conditions d’efficacité, en portant une attention particulière à son positionnement par rapport aux prérogatives historiques du Parlement.

Réparer le système monétaire et financier

La crise financière a également laissé des traces sur le système de paiement et de crédit. D’une part parce que les politiques monétaires très accommodantes et pour partie non conventionnelles ont pu perturber les comportements bancaires ; d’autre part parce que la crise a révélé la fragilité, et ébranlé un peu plus encore, des situations de solvabilité et de liquidité des banques qu’il faut maintenant consolider.

Les politiques non conventionnelles ont suscité beaucoup d’interrogations sur leurs objectifs, leurs canaux d’actions et leurs éventuelles conséquences indésirables. En décrivant minutieusement les actions conduites par la BCE, d’août 2007 à aujourd’hui, Christian Bordes et Laurent Clerc apportent des réponses à ces différentes interrogations et démystifient par la même occasion ces politiques. Leur point de départ se situe au moment où les échanges sur le marché monétaire se sont taris, du fait de la défiance qui s’est instaurée entre les institutions financières. Dès lors, le taux au jour le jour s’est écarté sensiblement du taux directeur qui constitue le principal instrument d’action de la banque centrale. Les mesures non conventionnelles ont donc consisté pour la BCE à s’interposer entre les apporteurs et les demandeurs de liquidité pour compenser le grippage des transactions. Elle a ainsi repris la maîtrise des taux courts sans pour autant perdre le contrôle de la liquidité. Quand elle a jugé que les conditions de marché revenaient à peu près à la normale, elle a pu réduire le montant et la durée de ses refinancements, sans laisser proliférer les germes d’un dérapage monétaire. De même, lorsque sont apparues, au début de 2010, les premières tensions sur les dettes souveraines, les achats d’obligations publiques ont permis de stabiliser partiellement l’envolée des taux de long terme. La stérilisation simultanée de la monnaie centrale utilisée pour ces achats a permis d’éviter une expansion incontrôlée de la liquidité. Dès lors, la sortie des politiques non conventionnelles ne semble pas être l’opération hautement risquée que certains prédisent.

Quoi qu’il en soit, cette sortie ne pourra se faire que lorsque le système bancaire aura trouvé une solidité suffisante pour assumer les risques accumulés et ceux de l’activité à venir, sans solliciter à nouveau leur prise en charge par la collectivité. Cela requiert une révision de la régulation microprudentielle à laquelle Jean-Paul Pollin consacre sa contribution. Il rappelle d’abord que de nombreux travaux, dont ceux du Comité de Bâle, ont montré une trop faible capacité d’absorption des capitaux propres requis, de graves imperfections dans les calculs de risques et une forte croissance du risque de liquidité dans les banques de la plupart des économies développées. Ce sont ces observations qui ont déterminé les orientations des accords de Bâle III. Mais le lobby bancaire a immédiatement engagé une polémique pour faire valoir que ce nouveau dispositif allait accroître le coût et réduire le montant des crédits distribués. En se plaçant successivement d’un point de vue théorique, puis empirique, Jean-Paul Pollin démontre qu’il n’en est rien : le coût de la nouvelle réglementation est faible au regard des avantages qu’il présente. En revanche, il se peut que Bâle III incite à la titrisation, si un meilleur contrôle du shadow banking n’est pas également mis en place. Il se peut aussi qu’existent des incompatibilités entre Bâle III et Solvabilité II, le nouveau système de régulation des assurances. En d’autres termes, il reste à tester la cohérence d’ensemble de la régulation du système financier.

Mais la crise financière n’a pas seulement permis de constater les faiblesses de la régulation microprudentielle, elle a aussi permis de redécouvrir la réalité du risque systémique. Et cela a conduit à compléter la conception du contrôle prudentiel par un volet macroéconomique prenant en compte les interactions (les externalités) au sein du système financier, mais aussi entre ce dernier et le secteur réel de l’économie. Ce principe qui définit la régulation macroprudentielle constitue l’objet de l’article de Laurence Scialom. Cette dernière commence par définir les deux grands aspects du problème : sa dimension temporelle, qui se traduit par la procyclicité du crédit, et sa dimension transversale, qui concerne les interactions déstabilisantes entre institutions. Puis l’article se concentre sur l’analyse des instruments susceptibles de répondre aux deux types d’instabilité potentielle. Résoudre la question de la procyclicité implique un ajustement dans le temps des ratios microprudentiels, mais cela nécessite aussi l’utilisation de nouveaux instruments qui interfèrent en partie avec la politique monétaire. Ce qui devrait troubler la séparation plus ou moins stricte qui prévalait jusqu’ici entre l’action des banques centrales et celle des régulateurs. Quant à la question des interdépendances transversales, elle se heurtera à la fois à des difficultés analytiques (mesure du risque systémique, définition des institutions qui le génèrent) et pratiques (comment réduire la capacité de nuisance d’institutions complexes et politiquement puissantes). De plus, le contrôle de ces établissements systémiques suppose, comme l’indique en conclusion Laurence Scialom, une coordination internationale des régulations et des superviseurs.

Réduire les déséquilibres à l’origine de la crise

Après avoir présenté les voies de sortie des déséquilibres dont la résorption conditionne une sortie de crise sont abordés des déséquilibres d’une nature différente : ils ont accompagné la crise, peut-être même l’ont-ils facilitée ou amplifiée. Mais on ne peut considérer ni qu’ils ont une responsabilité directe dans son déclenchement, ni que le retour à une croissance équilibrée soit impossible sans leur traitement.

C’est le cas des inégalités de revenus qu’étudie Jean-Michel Charpin. Leur étirement vers le haut depuis une vingtaine d’années dans l’ensemble du monde a pu constituer l’un des aliments de la crise des subprimes aux États-Unis. Mais l’article considère qu’il n’y a pas d’argument convaincant pour lui imputer aussi la récession, ni pour faire de l’atténuation des inégalités un préalable à la sortie de crise. Il analyse les raisons qui pourraient cependant justifier une inflexion de trajectoire vers plus de modération des hauts revenus et présente les modalités par lesquelles elle pourrait passer.

Parallèlement, André Cartapanis n’est pas convaincu ni que les déséquilibres globaux de paiements courants aient joué un rôle déterminant dans la fragilité du système bancaire et plus généralement dans la crise financière, ni que de tels déséquilibres soient systématiquement nocifs. Son article très documenté plaide en conséquence pour une résorption raisonnée et progressive de ces déséquilibres, compatible avec une reprise de la croissance de l’économie mondiale.

Ces mêmes déséquilibres globaux de paiements courants sont attribués par Anton Brender et Florence Pisani pour une large part à la nature des régimes de change dans les différentes régions de l’économie mondiale. Leur article s’interroge alors sur les ajustements de change qui pourraient permettre, sans déclencher une guerre des monnaies, un redémarrage de la croissance et un retour progressif vers le plein-emploi. Il débouche sur la conclusion plutôt rassurante qu’une appréciation du taux de change réel des économies émergentes jointe au maintien du dynamisme de leur demande intérieure desserrerait de façon importante les contraintes sur les économies américaine et européenne, sans que la parité euro-dollar ait besoin de nouveaux ajustements significatifs.

La coordination internationale des sorties de crise

La conclusion du texte de Patrick Artus est bien différente de celle d’Anton Brender et de Florence Pisani, pour ne pas dire contradictoire. Cela tient principalement à ce que, selon Patrick Artus, l’appréciation des taux de change des pays émergents n’est pas favorable aux économies développées, car elle accroît le prix des importations sans augmenter les volumes exportés. En conséquence, les politiques laxistes menées par les pays de l’OCDE profitent aux pays émergents parce qu’elles stimulent leurs exportations et limitent leur inflation. Tandis qu’à l’inverse, les politiques restrictives des pays émergents sont pour les économies de l’OCDE une source de pressions inflationnistes et de réduction de la demande extérieure. En l’absence de coordination, l’opposition des conjonctures prévalant dans les deux types de pays conduit à des politiques économiques qui contrarient le rebond des économies développées.

Il reste alors à s’interroger sur ce que pourrait apporter une telle coordination. C’est l’objet de l’article de Bruno Cabrillac et Pierre Jaillet, qui s’intéresse plus précisément au rôle joué en ce domaine par le G20. Après avoir rappelé les conditions de son émergence et le rôle qu’il a joué pendant la crise, ces auteurs présentent le cadre de coopération qui semble s’ébaucher au fil des réunions de ce « club ». À ce stade, les pays membres se sont accordés sur la construction d’indicateurs susceptibles d’identifier les principaux déséquilibres de l’économie mondiale qu’il conviendrait de corriger. Ce qui peut être une façon de susciter une réflexion et des discussions sans se focaliser directement sur les sujets qui fâchent. L’étape suivante consistera à traduire en actions coopératives le diagnostic obtenu, mais ces auteurs ne cachent pas la difficulté du projet. Entre autres, parce que les économies concernées ont des régimes de change différents, parce que l’on est bien loin d’avoir défini les instruments macroprudentiels nécessaires, parce que les prescriptions devraient être spécifiées au cas par cas… Pour finir, ils conviennent que la prolongation des déséquilibres actuels peut être une réelle tentation à court terme, en dépit des dangers qu’elle présente pour l’avenir. Une telle solution a politiquement le grand avantage de repousser à plus tard la révision douloureuse des modèles de croissance du passé.

La route est également longue pour parvenir à une véritable coordination des politiques économiques en Europe, et particulièrement dans la zone euro. Mais la crise a beaucoup raccourci le temps disponible pour atteindre le but. L’article de Laurence Boone entend retracer les grandes étapes de ce parcours. À l’origine, la coordination se limitait à la contrainte du PSC destinée à contenir les déficits budgétaires susceptibles de porter atteinte à l’indépendance de la politique monétaire et finalement à la valeur de l’euro. Tout le reste était pratiquement laissé à la responsabilité des États membres. Mais on sait que ce dispositif a été incapable de remplir son objectif qui n’avait d’ailleurs que peu à voir avec une réelle coordination. Les contraintes budgétaires n’ont guère été respectées parce qu’elles étaient trop rigides, mal conçues et qu’elles ignoraient toutes les autres sources de déséquilibres possibles. La crise a mis en évidence ces faiblesses. Elle a obligé à reconsidérer les procédures visant à discipliner les politiques budgétaires, mais aussi à élargir les indicateurs de surveillance et à mettre en place un système d’aide aux pays touchés par une crise de leur dette publique. Mais pour aller plus loin, Laurence Boone considère qu’il faut réviser les rapports entre politiques monétaires et politiques budgétaires, centraliser la régulation et la supervision prudentielle et aller plus profondément vers une coordination des politiques structurelles et des stratégies économiques des pays de la zone euro. Ce qui suppose de véritables transferts de souveraineté, afin d’effacer pour partie le péché originel de l’euro : une monnaie commune bâtie en l’absence d’union politique préalable.