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 Le rôle des marchés de capitaux dans le financement de l'économie américaine


Benoît MALAPERT Conseiller, Service économique régional, Ambassade de France aux États-Unis. Contact : benoit.malapert@dgtresor.gouv.fr.

À l'occasion des réflexions menées à l'échelle européenne sur le développement d'une union des marchés de capitaux, la référence est souvent faite au modèle de financement désintermédié de l'économie américaine qui repose, de manière plus limitée qu'en Europe, sur les financements bancaires. Cette structure de financement semble davantage le résultat d'un long processus historique, marqué par une influence conjointe de facteurs liés à la taille du marché et à la réglementation que celui d'un choix stratégique des autorités. La titrisation des crédits, très répandue notamment dans l'immobilier, contribue aussi à expliquer la structure du financement de l'économie.

Les marchés de capitaux sont beaucoup plus développés aux États-Unis qu'en Europe

L‘économie américaine est caractérisée par un modèle de financement qui repose fortement sur les marchés, avec un recours limité au financement bancaire. D'une part, les entreprises américaines ont davantage recours aux financements en fonds propres, ce qui contribue à ce que les marchés d'actions soient nettement plus profonds aux États-Unis, où la capitalisation boursière représente 92 % du PIB (produit intérieur brut), contre 42 % dans la zone euro. D'autre part, la dette des entreprises détenue par les banques est particulièrement faible aux États-Unis, ce qui conduit à une taille totale des marchés de la dette corporate non financière trois fois plus importante aux États-Unis (40,7 % du PIB en 2013) que dans l'Union européenne (UE) (12,9 % du PIB).

La palette d'outils de financement aux États-Unis est plus complète et les marchés correspondants sont très développés, notamment en matière de placements privés, de titrisation ou encore de venture capital. Le marché du placement privé est trois fois plus important aux États-Unis qu'en Europe, le capital-risque et le capital-investissement, en proportion du PIB, sont huit fois plus importants aux États-Unis que dans l'UE et le stock de produits titrisés est cinq fois plus important que dans l'UE, représentant 59 % du PIB, contre seulement 11 % en Europe.

Le marché de la titrisation aux États-Unis

Les marchés de la titrisation aux États-Unis ont considérablement progressé au cours des années précédant la crise, pour atteindre un stock total de 12 000 Md$. Depuis, ces marchés se sont significativement contractés. Les émissions totales aux États-Unis ont atteint 2 200 Md$ en 2013, soit environ deux tiers du niveau observé avant la crise. Ces émissions ont été principalement dominées par les titres adossés à des crédits hypothécaires bénéficiant d'une garantie publique (agency residential mortgage-backed securitiesagency RMBS). Le marché de la titrisation « privée » des crédits immobiliers, dit « non-agency  » ou « private-label »1, a quant à lui presque disparu, après avoir rivalisé avec les agency RMBS dans les années 2004-2008. Sur le segment des titres adossés à des créances (asset-backed securities – ABS), le niveau des émissions revient progressivement à sa moyenne de long terme. Seul le segment des prêts automobile a vu son niveau d'émission maintenu depuis la crise.

Au-delà du rôle prééminent des garanties publiques et de la présence d'une forte demande de la part des investisseurs, le développement de la titrisation aux États-Unis s'explique par un certain nombre d'avantages économiques : une plus grande liquidité, permise par l'existence d'un marché secondaire dynamique ; un support à la diversification des risques ; un coût de financement de la dette moins élevé pour l'émetteur, celui-ci ne dépendant plus de la qualité de l'émetteur, mais de celle des actifs sous-jacents ; une plus grande souplesse, permettant d'adapter le produit aux besoins précis des investisseurs (en termes de duration, de niveau de risque, de diversification, etc.) ; un moyen d'optimisation réglementaire de la part des banques, en particulier avant la crise (le poids prudentiel des actifs titrisés était moindre que celui des prêts sous-jacents, en particulier via l'utilisation de véhicules « déconsolidants » financés à court terme sur les marchés monétaires et bénéficiant de garanties implicites et explicites des banques ; il pouvait même être plus favorable pour les banques de conserver sur leur bilan les prêts titrisés, en raison du différentiel de notation de crédit).

L'essor de la titrisation aux États-Unis est également allé de pair avec la très forte croissance de la demande d'actifs sûrs de la part des investisseurs. Les actifs titrisés sont devenus une source majeure de collatéral utilisé pour les opérations de prise en pension (transactions dites « repos ») en particulier. Le surplus d'épargne à l'extérieur des États-Unis (phénomène de global savings glut), mais aussi la croissance très forte des trésoreries des entreprises (institutional cash pools) ont conduit à une forte demande d'actifs sûrs et liquides libellés en dollars, à compter du début des années 2000. La dette agency, émise par les agences gouvernementales (GSE – government-sponsored enterprises – ou agencies), considérée alors comme sans risque, a permis de satisfaire cette demande, face à un stock de treasuries insuffisant.

Cette prépondérance des marchés s'explique par une conjonction de facteurs et s'appuie sur un écosystème favorable, avec un marché unifié et une base d'investisseurs d'une taille critique

Les marchés de capitaux américains sont intégrés à l'échelle fédérale, avec un cadre réglementaire solide et unifié, élaboré dès les années 1930. Il n'existe quasiment pas de barrières juridiques (le droit des faillites ou le droit des valeurs mobilières aux États-Unis sont unifiés à l'échelle fédérale), fiscales ou réglementaires de nature à restreindre les investissements entre États fédérés. La réglementation et la supervision des marchés de capitaux sont unifiées au niveau fédéral et les infrastructures de marché sont généralement de dimension nationale.

Encadré 1
Le cas des infrastructures de marché

Alors que les infrastructures de marché européennes sont généralement fragmentées selon des lignes nationales, les plateformes aux États-Unis opèrent à l'échelle fédérale et certaines infrastructures de marché relèvent dans les faits d'un service mutualisé (public utility function). Ces plateformes sont souvent détenues par leurs membres et opèrent sur une base « prix coûtant » (at cost). Ces situations quasi monopolistiques sont le résultat des forces du marché et n'ont pas été explicitement organisées par les pouvoirs publics. Ces différences transatlantiques expliquent ainsi que le coût du règlement d'une opération sur titres transfrontière en Europe est environ dix fois plus élevé qu'aux États-Unis.

Sur le marché des plateformes boursières, il existe principalement deux acteurs pour les introductions en Bourses aux États-Unis (le New York Stock Exchange – Nyse, groupe ICE – et le Nasdaq), contre environ quinze en Europe.

Sur le marché du règlement-livraison et de la compensation, alors qu'en Europe l'intensité concurrentielle est très forte avec une fragmentation des acteurs selon des lignes nationales, la plupart des acteurs aux États-Unis sont en situation quasi monopolistique sur un type de produits :

  • la Depository Trust and Clearing Corporation (DTCC), détenue par ses utilisateurs (securities brokers), a une position quasi monopolistique sur le segment des actions et des obligations ;

  • pour les CCP (central counterparties) de paiement, le Clearing House Interbank Payments System (CHIPS) est une plateforme privée (détenue par les institutions financières) de règlement des opérations en dollars. La Federal Reserve (Fed) gère par ailleurs trois systèmes de paiement : le Fedwire Funds Service, le Fedwire Securities Service et le National Settlement Service ;

  • pour les transactions sur le marché des dérivés, le paysage est plus complexe. Pour les dérivés compensés centralement, il existe essentiellement deux CCP, ICE Clear Credit (ICE), qui a un quasi-monopole sur le marché des dérivés de crédit (credit default swaps– CDS), et CME Clearing (filiale de CME), qui traite 96 % du marché des futures et des options sur commodités aux États-Unis et qui est également très présent sur le marché des dérivés de taux. L'Options Clearing Corporation (OCC) a un quasi-monopole sur le marché des options sur actions (equity options).

DTCC est l'unique dépositaire central de titres aux États-Unis pour les marchés cash et l'unique référentiel central pour les opérations sur dérivés non compensés centralement.

Enfin, contrairement à l'UE, il existe aux États-Unis une base de données de marché consolidée sur les transactions, essentielle au fonctionnement efficace et transparent des marchés. Une telle base de données permet aux investisseurs et aux autorités de supervision de suivre les transactions ainsi que la formation des prix sur les marchés.

Enfin, la large taille de la base d'investisseurs aux États-Unis est notamment le fruit :

  • du modèle de financement des retraites, les États-Unis ayant fait le choix de régimes de retraite par capitalisation, qui consistent en des plans d'épargne-retraite et des fonds de pension, alimentés conjointement par les salariés et les entreprises. Les fonds de pension américains sont devenus, depuis le début des années 1980, des opérateurs financiers majeurs. Les principaux fonds de pension nord-américains représentent ainsi 66 000 Md$ à la fin de 2014, soit 43 % des actifs totaux des trois cents premiers fonds de pension dans le monde2 ;

  • du rôle du dollar comme monnaie de réserve internationale et de l'attractivité du marché américain pour les investisseurs internationaux ;

  • d'une culture du risque plus répandue et de choix d'allocation d'épargne différents : les actifs risqués pèsent trois fois plus dans le patrimoine des ménages américains que dans la zone euro.

La réglementation américaine n'a pas été favorable au développement des grandes banques

Les origines de l'importance des marchés aux États-Unis sont lointaines et remontent notamment au financement des infrastructures (canaux, puis chemins de fer) par l'émission d'obligations au début du xixe siècle, puis aux émissions de war bonds pour financer l'effort de guerre, tandis qu'en Europe, l'infrastructure bancaire était déjà très développée et que les guerres ont été financées par les banques centrales.

L'environnement réglementaire américain a longtemps été très défavorable à l'émergence de grandes banques : séparation entre les banques de détail et les banques d'investissement prévue par le Glass-Steagall Act (GSA) de 1933, qui prévoyait également un plafonnement pour le paiement d'intérêts sur les dépôts bancaires ; imposition pour toutes les banques américaines d'un ratio de levier au niveau fédéral dès les années 1980 ; freins à l'expansion géographique jusqu'à un stade avancé du xxe siècle, en raison de restrictions très fortes à l'établissement de succursales dans d'autres États fédérés. Depuis la crise financière, la réglementation bancaire américaine comporte un degré élevé de proportionnalité et va souvent au-delà des règles internationales pour les plus grandes banques, à l'image du coussin de capital applicable aux banques systémiques (G-SIB surcharge) ou du standard d'absorption des pertes (total loss-absorbing capacity – TLAC). La taille des plus grandes banques américaines a toutefois fortement progressé depuis la crise, mais principalement en raison de l'élargissement du périmètre des acteurs bancaires régulés (changement de statut et absorption des broker-dealers).

Encadré 2
La réglementation bancaire américaine avant la crise financière

Les banques américaines ont été limitées dans leur expansion géographique jusqu'à un stade avancé du xxe siècle, en raison de restrictions très fortes à l'établissement de succursales dans d'autres États fédérés, empêchant l'émergence d'activités bancaires panaméricaines. Jusqu'à la création d'un statut de national banks en 1865, les banques étaient exclusivement enregistrées au niveau des États fédérés. En 1914, il existait près de 28 000 banques aux États-Unis et 95 % d'entre elles ne possédaient aucune succursale dans un autre État fédéré.

Alors qu'en Europe, le modèle bancaire prédominant est celui de la banque universelle, les États-Unis ont pendant une longue période été caractérisés par une séparation entre les banques de détail et les banques d'investissement, depuis le GSA de 1933, de facto abrogé par le Gramm-Leach-Bliley Act de 1999. Le GSA a encouragé le développement des banques d'investissement aux États-Unis, et donc le financement par les marchés, en les protégeant de la concurrence des banques commerciales. Les marchés du papier commercial (commercial paper), des obligations à haut rendement (high yield), de la titrisation et des fonds monétaires sont des innovations qui se sont développées en raison de l'incursion réussie des banques d'investissement sur le marché du crédit, aidées par un poids réglementaire moindre, en tant qu'entités non bancaires (broker-dealers).

Le GSA interdisait le paiement d'intérêts sur les dépôts à vue et imposait des plafonds sur les taux d'intérêt rémunérant d'autres types de dépôts, tels que les comptes d'épargne ; cette disposition désavantageait les banques, puisque les dépôts bancaires étaient moins attractifs pour les épargnants que d'autres véhicules d'investissement.

L'imposition pour toutes les banques américaines d'un ratio de levier au niveau fédéral dès les années 1980 a constitué une contrainte forte pour la croissance des bilans bancaires.

En outre, le cadre juridique ne prévoit pas de monopole sur les opérations de crédit : l'origination de prêts par les entités non bancaires est une pratique courante. Les assureurs et les fonds de pension prêtent directement aux entreprises et les fonds communs de placement (mutual funds) peuvent racheter des prêts (loan funds), ce qui n'est pas possible en Europe en vertu de la directive UCITS. L'octroi de prêts immobiliers par des institutions non bancaires a fortement augmenté au cours des dernières années, puisque la proportion de l'origination par des firmes indépendantes est passée de 35 % en 2010 à 47 % en 2014. D'autres mécanismes d'incitations favorables aux marchés existent, tels que le récent cadre réglementaire relatif au crowdfunding, ou encore un droit boursier qui met en avant la notion de proportionnalité, en allégeant les exigences pour les petits et les moyens émetteurs.

Encadré 3
Un environnement réglementaire des entreprises cotées proportionné et favorable aux petits et moyens émetteurs

La Securities and Exchange Commission (SEC) attache une grande importance à l'adaptation du droit boursier aux entreprises de faible et moyenne capitalisation. Un certain nombre de règles de déclaration et d'information financière ont été modifiées afin de créer un régime réglementaire spécifique pour ces entreprises (smaller reporting companies). Les États-Unis ont imposé une taille limite pour le résumé du prospectus, centré sur des informations quantitatives clés, et il existe par ailleurs un prospectus adapté aux entreprises de faible capitalisation. Enfin, un régime véritablement simplifié a été mis en place pour les émissions secondaires pour les « émetteurs réguliers ».

Conformément au Jobs Act adopté en avril 2012, la SEC a mis en place un cadre réglementaire du crowdfunding, qui a pour objet de permettre aux petites sociétés de lever plus facilement des fonds par le biais de plateformes électroniques, auprès de tous types d'investisseurs (et pas seulement les investisseurs qualifiés), sous la forme de placements privés dans une limite de 20 M$ ou 50 M$ selon les cas. Cela crée une forme de pré-introduction en Bourse et peut être utilisé comme test pour certaines entreprises innovantes afin de mesurer l'appétit des investisseurs sans être directement dans une offre publique. Dans ce contexte, le marché du crowdfunding a continué à croître très fortement aux États-Unis pour atteindre un montant estimé à 9,5 Md$ au début de 2015 (incluant le Canada), avec une forte prépondérance du crowdfunding sous forme de prêts. Ces chiffres restent limités par rapport aux autres modes de financement sur le marché américain, mais la croissance de ce secteur est particulièrement forte.

La titrisation des prêts immobiliers, qui fait l'objet d'un soutien puissant du secteur public, contribue à expliquer la structure de financement de l'économie américaine

Le marché de la titrisation de crédits aux États-Unis, qui représente 10 500 Md$ à la fin de 2014 (soit 60 % du PIB), est beaucoup plus développé qu'en Europe (2 000 Md$). Cette situation, combinée à la prépondérance du financement direct des entreprises par les marchés (dette et capital), explique que les actifs des banques aux États-Unis ne représentent que 90 % du PIB américain, contre plus de 300 % du PIB pour les banques européennes.

Le système américain de financement du marché immobilier, dans lequel la majorité des crédits sont aujourd'hui cédés aux GSE, a permis aux banques d'adopter progressivement un modèle « originate-to-distribute ». Ce modèle très ancien (Fannie Mae a été créé en 1938) a connu son essor au cours des années 1980 et 1990, notamment grâce à la garantie implicite du gouvernement fédéral accordée à ces agences. Cette garantie s'est exprimée plus directement pendant la crise financière, notamment via leur mise sous tutelle en 2008 par l'État fédéral et par les interventions de la Fed pour racheter massivement sur le marché les titres émis par les GSE. Cette action pendant la crise a permis de compenser le recul des titrisations privées et le secteur public demeure un soutien fondamental au fonctionnement du marché, en garantissant la quasi-totalité des crédits immobiliers faisant l'objet d'une titrisation.

Encadré 4
L'intervention des autorités publiques sur le marché de la titrisation

La disparition du marché de la titrisation privée des crédits immobiliers3 a obligé l'État fédéral à une intervention sans précédent pour soutenir le marché immobilier au lendemain de la crise. Bénéficiant d'une garantie de l'État fédéral, les GSE et la Federal Housing Administration (FHA) ont vu leur mandat de titrisation étendu durant la crise pour soutenir le crédit immobilier, notamment par l'élargissement des conditions d'éligibilité à la garantie des agences et l'augmentation de leurs plafonds d'achat de crédits immobiliers. Le soutien au marché de la titrisation s'illustre également par (1) les achats massifs par la Fed des RMBS garantis par les GSE, (2) le traitement prudentiel très favorable de ces types d'actifs en termes d'exigences prudentielles pour les actifs pondérés par le risque (risk-weighted assets – RWA) et le ratio de liquidité (les RMBS garantis par les GSE sont en effet considérés comme des actifs liquides de haute qualité, high quality liquid assets – HQLA).

Jusqu'à présent, les différentes initiatives législatives au Congrès visant à réformer le régime des GSE n'ont pas abouti faute de soutien politique suffisant. En l'absence de réforme, le secteur public demeure un soutien fondamental au fonctionnement du marché, en garantissant la quasi-totalité des crédits immobiliers faisant l'objet d'une titrisation, et est responsable en premier lieu de l'absorption des pertes. Cette situation inquiète désormais les autorités américaines. Le Trésor américain a ainsi mené en 2014 un appel à consultation sur les moyens de relancer le marché privé de la titrisation.

Enfin, plusieurs initiatives ont été lancées par le gouvernement américain en faveur des prêts aux petites et moyennes entreprises (PME). Ainsi la Small Business Administration (SBA) propose un soutien en garantissant jusqu'à 85 % du principal sur les prêts à destination des PME originés par certaines institutions financières « approuvées ».

Réformes réglementaires du marché de la titrisation

Les réformes du marché de la titrisation depuis la crise financière ont augmenté le coût pour les émetteurs et ont ainsi conduit à une réduction de l'offre. On peut schématiquement classer ces réformes en cinq catégories :

  • le renforcement de la transparence sur les actifs sous-jacents ;

  • la réduction de la dépendance aux notations de crédit externes ;

  • l'adoption de mécanismes de responsabilisation, en obligeant la banque sponsor à conserver à son bilan une partie des créances titrisées ;

  • une augmentation de la charge en capital réglementaire pour mieux refléter les risques associés aux opérations de titrisation ;

  • la suppression des « privilèges » en matière de traitement comptable des véhicules hors bilan, qui rend plus difficile la sortie du bilan des opérations de titrisation réalisées par les banques.

Pour renforcer la qualité des prêts octroyés, le Dodd-Frank Act introduit ainsi de nouvelles règles (ability-to-repay, qualified mortgage) et prévoit que tout écart vis-à-vis des standards d'octroi de crédits puisse être sévèrement sanctionné par le Consumer Financial Protection Bureau (CFPB), notamment par le rachat forcé des prêts vendus aux GSE ou l'annulation des garanties gouvernementales. Les prêteurs doivent désormais procéder à des vérifications additionnelles quant à la solvabilité des emprunteurs.

La Risk Retention Rule, publiée en octobre 2014, oblige les banques à conserver une partie (5 %) du risque de crédit quand elles titrisent certains de leurs prêts. La règle, qui fait suite aux dispositions du Dodd-Frank Act, vise à diminuer les comportements risqués des sponsors des opérations de titrisation, en les alignant avec les intérêts des investisseurs. Elle comporte toutefois de très nombreuses exemptions, en particulier pour les prêts immobiliers résidentiels « qualifiés », dont les critères d'éligibilité sont très peu contraignants. Cela laisse à penser que la reprise du marché immobilier et l'accès à la propriété des ménages modestes ont été privilégiés. En raison de leur étendue, ces exemptions sont contestées au sein même des régulateurs, la règle finale constituant selon de nombreux observateurs une version dénaturée de la notion de détention du risque prévue par le Dodd-Frank Act. S'agissant des obligations adossées à des prêts (collateralized loan obligations – CLO), la risk retention rule pourrait en revanche s'avérer incitative pour les banques, qui pourraient faire preuve de davantage de prudence au moment de l'octroi des prêts et réduire leur activité dans ce domaine. Des exemptions à la règle de rétention minimale sont également prévues pour certains émetteurs d'ABS.

Enfin, les exigences de transparence ont été renforcées, afin de permettre aux investisseurs de mieux évaluer les risques auxquels ils s'exposent. Les règles adoptées par la SEC le 27 août 2014 obligent les émetteurs d'ABS à rendre public davantage d'informations sur la qualité des actifs sous-jacents.

Conclusion

La diversification des sources de financement (recours accru aux marchés obligataires, aux placements privés, à la titrisation, ou aux prêts directs par les fonds d'investissement) a permis aux États-Unis d'être moins pénalisés par les risques d'un deleveraging du secteur bancaire, et de mettre en œuvre une réglementation bancaire plus exigeante que les standards internationaux sans redouter les conséquences négatives sur le financement de la croissance de l'économie. La maîtrise des risques liés aux financements non bancaires constitue désormais une priorité des autorités américaines.


Notes

1 Ces RMBS sont adossés à des sous-jacents non éligibles à une garantie des agencies (typiquement les crédits prime de montant important ou les crédits subprime).
2 Source : étude Pensions & Investments/Towers Watson. D'après l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), les fonds de pension américains représentent 75 % du PIB (à la fin de 2012). Les fonds américains sont fortement investis en actions (en moyenne environ 50 % des actifs).
3 L'arrêt des titrisations privées de crédits immobiliers s'explique notamment par (1) la moindre demande des investisseurs (les produits titrisés n'étant plus perçus comme sûrs et money-like), (2) le moindre volume de crédits pouvant faire l'objet d'une titrisation et (3) un nouveau cadre réglementaire moins favorable.