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 Démographie et finance : attitude face au risque, anticipations et mécanismes de transmission


Bertrand ACHOU Paris School of Economics (PSE), Paris 1 ; Sciences Po. Contact : bertrand.achou@gmail.com

 La théorie économique prédit que les décisions d'investissement des individus ou des ménages dépendent à la fois de leurs préférences par rapport au risque et de leurs croyances quant aux rendements des actifs financiers. Des travaux ont montré que ces variables ne sont pas distribuées de manière aléatoire dans la population, mais sont liées à des facteurs objectifs tels le genre ou l'âge, ce qui permet d'expliquer certaines différences de comportements, notamment financiers. Si ces mesures objectives prédisent l'attitude vis-à-vis du risque, il n'en reste pas moins que celle-ci peut être la conséquence de mécanismes de transmission, ou d'influence, intergénérationnels ou sociaux. Par exemple, on peut se poser la question de savoir si le fait que les femmes sont en moyenne plus averses au risque que les hommes est d'origine génétique ou est la conséquence d'une influence sociale. Dans ce dernier cas, il est possible que les comportements financiers d'une catégorie démographique donnée puissent changer au cours du temps. Enfin, l'expérience vécue peut influencer les croyances et l'attitude face au risque, induisant des différences significatives entre générations.

Nous voyons ainsi que les comportements financiers peuvent être liés à des facteurs démographiques, que ce lien peut se modifier au cours du temps du fait d'évolutions sociales et que l'expérience vécue de chaque cohorte peut les influencer de manière significative. Nous présentons ici quelques travaux de recherche importants démontrant la pertinence des mécanismes mentionnés ci-dessus.

Attitude face au risque, comportements financiers et variables démographiques

Dohmen et al. (2011) s'intéressent aux déterminants de l'attitude face au risque et, en particulier, étudient l'impact du genre, de l'âge, de la taille et de l'éducation des parents. Ils utilisent une mesure de la disposition à prendre des risques basée sur la question suivante1 : « Comment vous considérez-vous : êtes-vous en général une personne complètement prête à prendre des risques ou essayez-vous d'éviter les risques ? Merci de cocher une case sur l'échelle, où une valeur de 0 signifie : « pas prêt(e) du tout à prendre des risques » et une valeur de 10 signifie « très prêt(e) à prendre des risques ». » Ils montrent qu'être une femme ou être âgé diminue la disposition à prendre des risques. Au contraire, être grand ou avoir des parents éduqués2 (en particulier, une mère éduquée) augmente cette disposition3. Ces résultats sont robustes à l'inclusion de nombreux contrôles.

On peut toutefois se demander si ce type de mesures reflète véritablement des différences de comportements réels face au risque4. Une première validation de celles-ci est apportée par une expérience. Les auteurs étudient sur un échantillon plus petit les comportements des agents lors d'une loterie à enjeux réels. Ils montrent que les agents se déclarant les plus enclins à prendre des risques sont ceux qui prennent le plus de risques lors de la loterie, même en contrôlant pour de nombreux autres facteurs. Une deuxième validation provient du fait que la mesure du risque déclarée a un effet significatif positif, même après avoir contrôlé pour de nombreuses autres variables, sur les probabilités d'investir dans des actions, d'effectuer un sport exigeant physiquement, d'être travailleur indépendant ou de fumer5. Ils utilisent ces derniers résultats pour déterminer si les variables expliquant les différences déclarées de prises de risque ont un effet économique important via l'effet sur ces dernières. Leurs résultats suggèrent que le fait d'être une femme, via son seul effet sur la propension à prendre des risques, réduit la probabilité de détenir des actions de 12 %. De même, avoir vingt ans de moins, faire vingt centimètres de plus ou avoir deux parents éduqués augmenteraient la probabilité de détenir des actions de 8 %, via le seul effet sur la volonté de prendre des risques. Pour ce qui est de l'analyse des comportements financiers, il semble donc important de prendre en compte la manière dont certaines variables démographiques sont liées aux comportements face au risque. Dans la partie suivante, nous nous intéressons à l'origine de certaines de ces différences qui peuvent être liées aux interactions sociales.

Attitude face au risque : transmission intergénérationnelle et influence sociale

Dohmen et al. (2012) étudient en quoi l'attitude face au risque des individus peut être le résultat de processus de transmission intergénérationnels et de l'environnement dans lequel ils vivent6. En particulier, ils veulent savoir (1) s'il y a effectivement transmission des attitudes face au risque des parents vers les enfants et (2) si l'attitude face au risque d'un enfant est influencée par celle des habitants de sa région. Enfin, ils souhaitent comprendre (3) si les individus ont tendance à se mettre en couple avec des personnes ayant des attitudes face au risque proches, afin de mieux transmettre leurs préférences à leurs enfants.

Pour y répondre, ils utilisent un échantillon d'enfants allemands pour lesquels ils connaissent l'attitude face au risque des deux parents. La mesure de la disposition à prendre des risques utilisée est la même que dans Dohmen et al. (2011). Ils montrent tout d'abord que même après avoir contrôlé pour de nombreux autres facteurs, plus les parents sont disposés à prendre des risques, plus l'enfant l'est aussi7. Ils utilisent ensuite, outre cette mesure générale, des mesures pour des contextes particuliers, c'est-à-dire la disposition à prendre des risques : en voiture, en matière financière, en sport, au travail ou avec la santé. En régressant, par exemple, la disposition de l'enfant à prendre des risques en voiture sur l'ensemble des mesures du risque pour les parents (simultanément la mesure générale et l'ensemble des mesures spécifiques), ils trouvent que celle-ci est significativement associée à la disposition à prendre des risques en voiture de chacun des parents, mais pas aux autres mesures (que ce soit la mesure générale ou les autres mesures spécifiques). On observe ce schéma pour l'ensemble des autres mesures. Ce résultat mène les auteurs à deux conclusions : le processus de transmission des attitudes face au risque est assez raffiné et cela suggère que cette transmission a peu de chance d'être seulement d'origine génétique8. De plus, quand la mesure du risque utilisée provient d'une loterie hypothétique, on obtient des résultats similaires. Enfin, d'autres éléments corroborent l'idée de transmission sociale et non seulement génétique : la transmission des dispositions face au risque est plus forte pour un enfant unique, diminue avec le rang de l'enfant dans les naissances9 et diminue si l'enfant a tendance à se disputer avec ses parents.

Ils confirment aussi l'hypothèse (3) : la corrélation entre la disposition face au risque des deux parents est forte, elle est également forte pour les couples récemment mariés10 et la transmission à l'enfant des attitudes face au risque est plus forte si les parents ont la même disposition vis-à-vis du risque. Cela suggère donc que les individus pourraient avoir tendance à se mettre en couple avec des personnes aux caractéristiques proches, en partie, afin de mieux transmettre ces caractéristiques à leurs enfants. De manière intéressante, les femmes célibataires transmettent aussi bien leurs comportements face au risque qu'un couple avec des attitudes face au risque homogènes. Ce résultat peut être intéressant pour comprendre certaines évolutions des structures familiales et leur impact sur les modes de transmission des comportements face au risque notamment. Ils montrent enfin que l'hypothèse (2) est vérifiée, c'est-à-dire que la disposition moyenne face au risque des habitants de la région a un impact significatif sur l'attitude face au risque d'un enfant.

Nous voyons ainsi que les attitudes face au risque ont, en partie au moins, des origines sociales et que celles-ci sont donc potentiellement à prendre en compte pour comprendre l'évolution des comportements financiers. L'évolution de ces modes de transmission peut constituer un sujet d'étude pertinent pour l'économie financière. Enfin, les effets décrits ci-dessus peuvent être quantitativement importants. Par exemple, les auteurs suggèrent qu'une augmentation d'un écart type de la disposition à prendre des risques à la fois du père et de la mère augmente la probabilité que l'enfant détienne des actions à l'âge adulte de 10 %.

Comme nous avons pu le voir précédemment, les femmes ont en moyenne une plus grande réticence par rapport au risque que les hommes. Booth et Nolen (2012) essaient de comprendre si ces différences sont liées à des caractéristiques inhérentes aux différents genres ou si elles sont au moins en partie la conséquence d'une influence sociale.

Afin de répondre à cette question, ils ont construit une procédure expérimentale. Ils ont d'abord sélectionné des élèves d'environ quinze ans provenant d'écoles publiques anglaises. Certaines d'entre elles étaient mixtes et d'autres étaient des écoles de filles ou de garçons. Étant donné que la sélection dans chacune de ces écoles n'est pas aléatoire, ils mettent en place une série de procédures afin de réduire ces problèmes de sélection, pour pouvoir comparer de manière pertinente les élèves d'écoles mixtes et les autres. Lors de la procédure expérimentale, chaque élève (fille ou garçon) est alloué de manière aléatoire à un groupe de quatre personnes. Il existe trois types de groupes : mixtes, composés uniquement de filles, ou composés uniquement de garçons. Chaque élève doit alors choisir entre deux options : (1) recevoir 5 livres sterling pour sûr, ou (2) recevoir, après avoir lancé une pièce, 11 livres sterling si le résultat est face et 2 livres sterling s'il est pile. Cette loterie pouvait donner lieu à de vrais paiements aux élèves. À l'aide d'un modèle probit – où la variable dépendante est égale à 1 si l'option (2) est choisie, et à 0 sinon –, ils montrent qu'être une fille réduit la probabilité de choisir l'option (2), mais que les filles ont relativement plus de chances de choisir l'option (2) si elles sont dans une école de filles plutôt que dans une école mixte et si elles sont dans un groupe composé uniquement de filles lors de l'expérience plutôt que dans un groupe mixte. Ces résultats vont dans le sens d'une influence sociale sur le comportement vis-à-vis du risque des filles. Aucun résultat semblable n'est trouvé pour les garçons : par exemple, un garçon venant d'une école mixte a la même probabilité de choisir l'option (2) que celui venant d'une école de garçons. Afin de vérifier si l'influence du type d'écoles où les filles sont scolarisées n'est pas liée à un biais de sélection, ils utilisent une méthode de variables instrumentales. Ils instrumentent la variable indiquant qu'un élève n'est pas dans une école mixte par la région où il habite (car toutes les régions n'ont pas d'écoles publiques non mixtes) et par deux mesures de la distance à une école non mixte. Leurs résultats obtenus en utilisant cette procédure sont inchangés. Ils montrent par ailleurs que même si l'effet marginal d'être une fille dans une école de filles (par rapport au fait d'être un garçon) sur la probabilité de choisir l'option (2) est négatif, celui-ci est non significatif et, en général, bien plus faible que l'effet moyen d'être une fille. Il apparaît donc qu'une partie importante des différences de comportements vis-à-vis du risque entre filles et garçons pourraient être liées à des phénomènes sociaux, et donc pas à des caractéristiques inhérentes aux différents genres.

En revanche, ils ne trouvent pas les effets significatifs décrits ci-dessus11 quand ils utilisent une mesure de la propension à prendre des risques similaire à celle de Dohmen et al. (2011), mais les coefficients estimés ont des signes en général identiques. Ils trouvent en revanche que les filles d'écoles non mixtes investissent plus dans une loterie hypothétique que les garçons d'écoles mixtes, ce qui semble confirmer en partie les résultats de leur expérience. En conclusion, leur analyse montre que le lien entre variables démographiques et attitude vis-à-vis du risque peut dépendre de l'environnement social, et que donc les modifications de ce dernier peuvent modifier ce lien. Dans la partie suivante, nous montrons que les comportements financiers peuvent également différer entre générations, du fait notamment que chacune d'entre elles peut baser ses anticipations sur sa propre expérience.

Expérience vécue, attitude face au risque et croyances : les différences intergénérationnelles

Malmendier et Nagel (2011) cherchent à comprendre si les différences intergénérationnelles de comportements par rapport au risque peuvent s'expliquer par les différences d'expériences vécues. L'hypothèse de départ de leurs travaux est qu'il est possible que les individus construisent leurs anticipations de rendements financiers en se basant principalement non sur l'ensemble des données préexistantes, mais sur les rendements financiers qu'ils ont connus au cours de leur vie. De plus, il se peut, dans ce cas, que le poids donné aux différentes observations ne soit pas identique : plus de poids pourrait être donné aux expériences récentes ou, inversement, plus de poids pourrait être donné aux rendements du temps où l'individu était jeune.

Afin de déterminer si ces hypothèses sont vérifiées, ils utilisent quatre mesures de prises de risque : (1) l'acceptation de prendre un risque financier comme déclarée dans une enquête, (2) la détention d'actions, (3) la détention d'obligations et (4) la proportion de la richesse liquide qui se trouve sous forme d'actions. Dans leur modèle économétrique, ils font l'hypothèse que chaque agent i, d'âge ageit à la période t, est influencé dans ses stratégies d'investissement par une moyenne Ait des rendements qu'il a connus au cours de sa vie12 pour un type d'actifs financiers, selon la formule :

où wit (k, λ) est le poids donné par cet agent au rendement de la période t – k. Ce poids est a priori non constant et dépend d'un paramètre λ dont ils estiment la valeur : si λ > 0 (resp. < 0), alors plus (resp. moins) de poids est donné aux observations les plus récentes. Ils estiment une équation du type13 :

γit = α + βAit(λ) + contrôles + εit

où γit est l'une des mesures (1) à (4). Leur stratégie d'estimation se base sur le fait qu'à une date t, on observe des différences en coupe entre les différentes générations, que ces différences varient au cours du temps et qu'elles sont liées aux différences de rendements connus au cours de la vie14.

Ils montrent tout d'abord qu'une baisse de la moyenne des rendements connus Ait sur les actions au cours de la vie diminue le niveau d'acceptation du risque financier ainsi que la probabilité de détenir des actions, la part de la richesse liquide investie sous forme d'actions conditionnellement à la détention d'actions et les anticipations de rendements futurs. De même, la probabilité de détenir des obligations diminue si les rendements obligataires qui ont été connus sont faibles. De manière intéressante, la valeur de λ qu'ils trouvent implique que les observations les plus récentes sur les rendements ont le plus de poids, mais que, par exemple, les rendements d'il y a 25-30 ans ont un effet non négligeable sur les choix d'investissement d'un individu de cinquante ans. De plus, cela implique que les jeunes générations seront plus sensibles aux rendements récents que les anciennes. Cette différence est importante. Par exemple, en 2008, la baisse du marché américain des actions devrait avoir eu un impact négatif sur le taux de participations des individus de trente ans de 7 points de pourcentage (pp), alors que ce taux était de 45 % pour eux en 2007, mais de seulement 3,5 pp pour les individus de soixante ans, alors qu'il était pour eux de 65 % en 2007. Par conséquent, il apparaît important d'inclure les différences d'expériences vécues des différentes cohortes afin de comprendre les différences de comportements financiers. Notons enfin que leurs résultats montrent que les rendements connus affectent les anticipations, même s'ils n'évacuent pas un impact possible sur les préférences par rapport au risque.

Dans un autre article récent, Malmendier et Nagel (2016) confirment l'importance de ces différences entre cohortes. Ils étudient la manière dont les individus forment leurs anticipations d'inflation et, en particulier, si ces dernières dépendent de l'inflation connue au cours de la vie. Ils font l'hypothèse que les individus essaient d'estimer un processus AR(1) pour l'inflation π : πt + 1 = α + Φπt + ηt + 1. De plus, ils assument que les agents estiment ce processus AR(1) via un algorithme d'apprentissage où le poids donné aux observations passées dépend de l'âge d'un individu à la date t. Comme précédemment, ce poids est estimé. Ils supposent cependant que les agents ne se basent pas seulement sur l'estimation de ce processus AR(1) pour former leurs anticipations, mais qu'ils peuvent également être influencés par d'autres informations, communes à chaque cohorte, capturées dans leur cadre de base par la présence d'effets fixes temporels. Ils régressent ainsi, par cohorte, les anticipations d'inflation observées dans les données sur ces derniers et sur la composante AR(1) estimée simultanément15.

Ils trouvent, tout d'abord, que l'inflation récente a plus de poids dans les anticipations d'inflation que celle qui est plus éloignée dans le temps. Toutefois, le poids donné aux observations lointaines est non négligeable. De manière assez remarquable, du fait des différences de méthodologie, de données et de variables dépendantes, ces poids sont très proches de ceux trouvés dans Malmendier et Nagel (2011). Comme précédemment, cela implique, en général, que les jeunes générations sont plus sensibles à l'inflation récente que les anciennes. De plus, les différences d'inflation connues ont un impact important sur l'inflation anticipée. Une différence de 1 pp de la prédiction d'inflation basée sur AR(1) (supra) entraîne une augmentation de l'inflation anticipée d'environ 0,67 pp en moyenne.

Les auteurs montrent ainsi que leur modèle peut expliquer une grande partie des différences d'anticipations d'inflation entre générations. Par exemple, dans les années 1970-1980, on observe que les individus de moins de quarante ans ont des anticipations d'inflation bien plus fortes que ceux de plus de soixante ans. Le modèle estimé explique une part quantitativement importante de ces différences du fait que les jeunes générations avaient un historique court, marqué par une inflation élevée et persistante, alors que les générations plus anciennes avaient connu des épisodes où l'inflation était relativement faible.

Enfin, ils montrent que les différences d'inflation vécue, via leur effet sur l'inflation anticipée, ont un impact significatif, et cohérent avec l'intuition économique, sur certains choix d'épargne et d'investissement des différentes cohortes. Ils regardent l'influence de ces différences sur (1) la balance sur les emprunts hypothécaires à taux fixes, (2) le montant investi en obligations de long terme, (3) la valeur des nouveaux emprunts hypothécaires à taux fixes et (4) la valeur des nouveaux emprunts hypothécaires à taux variables. Toutes ces variables sont exprimées par tête pour chaque cohorte. Elles sont régressées sur l'inflation prédite par le processus AR(1) pour chaque cohorte. Les contrôles incluent le revenu, la richesse nette et des effets fixes par âge et par année16. Par exemple, ils trouvent qu'une augmentation de 1 pp de l'inflation prédite par le processus AR(1) est liée à une augmentation de la balance des emprunts hypothécaires à taux fixes (1) égale à entre un quart et un tiers de celle liée à une augmentation d'un écart type du logarithme du revenu. On est donc en présence d'effets quantitativement importants. Le montant investi dans les obligations de long terme (2) est lui, comme on devrait s'y attendre, négativement lié à une augmentation de l'inflation prédite17, de même pour la valeur des nouveaux emprunts à taux variables (4). Les nouveaux emprunts à taux fixes (3) sont, quant à eux, positivement associés à l'inflation prédite.

On voit donc que les épisodes d'inflation qu'ont connus les individus au cours de leur vie ont une influence non négligeable sur leurs anticipations d'inflation, ce qui explique une partie importante des différences d'anticipations d'inflation entre cohortes et, par conséquent, une partie de leurs différences de choix de portefeuille. On conclut de ces deux articles que la structure démographique, ici la taille des différentes cohortes et l'expérience de ces dernières, peut être importante à prendre en compte pour comprendre les demandes d'actifs financiers au niveau agrégé.

Conclusion

Dans cet article, nous avons vu que les comportements face au risque et les croyances des individus peuvent différer de manière systématique entre les individus, et que certaines de ces différences peuvent être reliées à des variables démographiques telles le genre, l'âge ou l'année de naissance, ce qui a des effets non négligeables sur les choix de portefeuille des individus. Ces différences sont également le fruit de phénomènes sociaux qui peuvent évoluer au cours du temps, du fait de transformations démographiques ou sociales, via, par exemple, les transformations de la structure familiale. Enfin, nous avons vu que les anticipations peuvent différer du fait des différences d'expériences vécues. Prendre en compte ces éléments apparaît essentiel pour comprendre les décisions d'investissement des ménages.


Notes

1 Ils utilisent des données allemandes.
2 L'éducation de chaque parent est ici mesurée par le passage ou non de l'Abitur, examen nécessaire à l'entrée à l'université en Allemagne.
3 Ils montrent également qu'être veuf ou veuve, s'estimer en mauvaise santé, être sorti du marché du travail, avoir plus d'enfants ou avoir une satisfaction quant à sa vie plus faible réduisent la tendance à vouloir prendre des risques.
4 L'un des avantages de ces mesures est qu'elles sont peu coûteuses à collecter, à la différence d'une expérience en laboratoire. Le fait de déterminer leur pouvoir informationnel peut donc s'avérer très utile.
5 Ils montrent aussi que les mesures de risques plus proches de chaque activité ont un pouvoir prédictif plus fort sur la probabilité d'effectuer ou non ces activités.
6 Ils étudient aussi la transmission de la confiance.
7 Notons que l'enquête est menée de manière à ce que les différentes personnes interrogées ne puissent pas se coordonner sur leurs réponses.
8 Notons qu'ils rejettent les problèmes de causalité inverse, via notamment l'utilisation de variables instrumentales.
9 Ces deux résultats sont cohérents avec l'idée que la transmission sociale prend du temps et ont a priori peu de chances d'être expliqués par la génétique.
10 Ce qui réduit la possibilité que cette corrélation des préférences soit seulement due à l'influence de l'autre époux.
11 Ceux-ci incluent aussi le fait d'être une fille une fois inclus les contrôles pour le fait d'être en école mixte ou non.
12 Leurs résultats sont robustes s'ils supposent que les agents utilisent les données à partir de leur dixième anniversaire ou, alternativement, les données à partir de dix ans avant leur naissance.
13 Cette équation correspond exactement à celle estimée pour la mesure (4). Pour les mesures (1) et (2)-(3), ils estiment respectivement un modèle probit ordonné et un modèle probit dans le même esprit. Ils utilisent des données américaines.
14 Ils peuvent ainsi contrôler par l'âge et l'année sans faire face au problème bien connu de la colinéarité de ces deux mesures et des effets de cohortes.
15 Les données sont ici encore américaines.
16 Ces derniers capturent notamment les variations de taux d'intérêt a priori communes à chaque cohorte.
17 Notons que certains des effets décrits ici sont estimés de manière imprécise.

Bibliographies

Booth A. L. et Nolen P. (2012), « Gender Differences in Risk Behaviour: Does Nurture Matter? », The Economic Journal, vol. 122, n° 558, F56-F78, février.
Dohmen T., Falk A., Huffman D. et Sunde U. (2012), « The Intergenerational Transmission of Risk and Trust Attitudes », Review of Economic Studies, vol. 79, n° 2, pp. 645-677.
Dohmen T., Falk A., Huffman D., Sunde U., Schupp J. et Wagner G. G. (2011), « Individual Risk Attitudes: Measurement Determinants and Behavioral Consequences », Journal of the European Economic Association, vol. 9, n° 3, juin, pp. 522-550.
Malmendier U. et Nagel S. (2011), « Depression Babies: Do Macroeconomic Experiences Affect Risk Taking? », The Quarterly Journal of Economics, vol. 126, n° 1, pp. 373-416.
Malmendier U. et Nagel S. (2016), « Learning from Inflation Experiences », The Quarterly Journal of Economics, vol. 131, n° 1, pp. 53-87, https://qje.oxfordjournals.org/content/131/1/53.