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« L’activité s’annonce soutenue en 2020 »

06/02/2020 AGEFI Visiter le site source

PHILIPPE POLETTI, président du directoire d'Ardian France, affiche les ambitions de croissance du groupe en Amérique du Nord et en Asie. Entretien intégral

Comment débute 2020 pour votre société de capital-investissement ?

Nos cinq piliers, que sont le fonds de fonds et les fonds directs de private equity, l’infrastructure, la dette privée et plus récemment l’immobilier, fonctionnent à plein régime. Ardian, qui gère 96 milliards d’euros, vient de clôturer un exercice 2019 très dynamique, avec 15,8 milliards d’euros investis, 7,3 milliards cédés et 15,5 milliards levés. L’année 2020 s’inscrit dans cette continuité, plusieurs cessions devant notamment intervenir. L’activité s’annonce par ailleurs très soutenue dans les levées de fonds. Nous avons bouclé en septembre 2019 un fonds de co-investissement de 2,5 milliards de dollars, nous venons de boucler en janvier un fonds de dette de 3 milliards d’euros et sommes en train de lever un véhicule secondaire de huitième génération, dont le montant devrait être supérieur au précédent (14 milliards de dollars, NDLR). Dans le LBO (leveraged buy-out ou opération à effet de levier, NDLR), notre prochain fonds sera également supérieur à celui levé en 2016 dont le montant était de 4 milliards d’euros, tout comme pour notre fonds Expansion, dont le dernier (bouclé en 2016) s’élevait à 1 milliard d’euros. Dans l’immobilier, où nous avons lancé un premier fonds de 700 millions d’euros il y a deux ans, un deuxième véhicule, plus important, va prochainement voir le jour.

N’y a-t-il pas trop de capitaux sur le marché qui seraient non investis ?

L’argent à déployer est à mettre en rapport avec les opportunités d’investissement. Il reste encore un potentiel important de sociétés familiales et les retraits de la cote pourraient représenter dans les prochaines années un nouvel eldorado pour le non-coté. De plus en plus de sociétés cotées sont déçues par la Bourse, notamment sur de faibles valorisations (inférieures à 3 milliards d’euros) et voient dans le private equity une meilleure alternative (vision moyen/long terme, gouvernance, support des équipes). Et aujourd’hui, le non-coté ne représente que 4 % des 65.000 milliards de dollars de capitalisation des marchés publics, ce qui laisse un énorme potentiel de croissance. Le souci est davantage d’avoir les bonnes équipes et le bon dispositif pour déployer ces capitaux. Chez Ardian, nos effectifs ont crû de 550 à 660 personnes l’an passé et les recrutements vont se poursuivre. Sur les neuf derniers mois, nous avons investi dans six dossiers (Elivie, Frulact, Cérélia, Audiotonix, Agfa/ Dedalus, Staci) pour 2 milliards d’euros rien que dans le buy-out.

Comment investir dans un contexte de valorisation particulièrement élevé ?

Nous nous concentrons sur nos secteurs de prédilection (santé, chaîne alimentaire, chimie de spécialité/chimie verte, services B to B, technologies du divertissement), travaillons très en amont sur les dossiers et misons sur des équipes locales fortes et avec un niveau de séniorité important (40 % de managing directors dans l’equipe buy-out). Cela nous permet d’accroître la part des deals propriétaires (en gré à gré), qui a atteint 50 % pour notre dernier fonds LBO (fonds 6) dans un marché où les deux tiers des opérations sont vendus à travers des enchères. Nous agissons très en amont, et l’investissement est généralement réalisé plusieurs années après la première rencontre avec les managers d’une société (4 ans pour DRT, 5 ans pour Cérélia). Par ailleurs, nous privilégions les deals primaires (qui n’ont jamais fait l’objet de LBO, NDLR), à savoir les sociétés familiales ou les carve-out (sorties d’activités, NDLR) de grands groupes sur lesquels nous avons de meilleures performances. Ceux-ci atteignaient 56 % en volume du fonds 6 (contre 30 % pour le fonds 3), ce qui peut paraître surprenant au regard de la taille importante des opérations sur lesquelles nous travaillons (800 millions d’euros de valeur d’entreprise en moyenne). Plus globalement, nous cherchons à créer des leaders mondiaux sur des marchés de niche (ingrédients naturels, sécurité alimentaire...). Des multiples importants se justifient si la croissance est là et que des opérations de consolidation sont possibles. Sur les opérations réalisées en 2019 et début 2020, nous avons payé des multiples d’Ebitda raisonnables (12x en moyenne) pour des sociétés qui ont connu des croissances fortes et souvent à deux chiffres sur les cinq dernières années telles Elivie, Audiotonix ou Celli Group. Par ailleurs, nous nous projetons toujours sur la sortie en cherchant à évaluer quel sera l’appétit des industriels sur la société ciblée.

Quels sont vos axes de développement ?

Nous sommes aujourd’hui le premier acteur européen du private equity, et le cinquième mondial derrière un quatuor américain. Nous souhaitons nous développer davantage en Amérique du Nord, marché le plus important à l’échelle mondiale. Nous y avons un fort potentiel de développement dans les activités directes (qui représentent aujourd’hui moins de 10 % de nos encours dans cette région). Ardian, qui compte 15 bureaux à l’échelle mondiale, en a ouvert un nouveau au Chili en 2018 pour mieux couvrir l’Amérique du Sud. En Asie, où nous sommes présents en fonds de fonds et co-investissement, nous cherchons à nous développer, nous avons d’ailleurs récemment ouvert des bureaux à Tokyo et Séoul. Notre expansion se fera en premier lieu par croissance organique, même si nous n’excluons pas des acquisitions.

Quels sont vos autres projets ?

Nous avons été un pionnier en matière d’investissement responsable en systématisant le partage de la valeur avec les salariés lors de nos sorties. Depuis 2009 nous avons redistribué plus de 56 millions d'euros à 22.000 salariés (entre 1 et 6 mois de salaire). Nous souhaitons jouer un rôle de leader en matière d’investissement responsable. Nous avons aujourd’hui une équipe de 5 personnes, basée à Paris, qui travaille sur diverses problématiques telles que le partage de la valeur, l’impact sociétal, la diversité, pour Ardian, mais également pour les sociétés du portefeuille. Dans notre dernier fonds buy-out, nous avons mis en place une méthodologie pour mesurer l’impact sur la société et l’environnement de chacune des sociétés achetées.

Etre une plate-forme réunissant l’ensemble des expertises est-il la nouvelle norme ?

Ardian a lancé le mouvement dès son origine et nous constatons que nous avons aujourd’hui une longueur d’avance par rapport à un grand nombre de nos compétiteurs. La grande majorité de ces derniers veut aujourd’hui prendre ce virage, qui présente de nombreux avantages. Cela est bénéfique en termes de levées de fonds, permettant de présenter une offre globale à nos investisseurs, qui sont en moyenne investis dans plus de trois de nos différentes stratégies. Cela accélère par ailleurs le partage du savoir entre les expertises et permet d’accroître les compétences tout en mutualisant les coûts. Chez Ardian, 396 personnes, sur les 660 que comptent le groupe, sont dédiées aux fonctions supports. Et 45 d’entre eux (sans compter les prestataires externes) sont par exemple exclusivement centrés sur l’IT (innovation et transformation digitale, solutions technologiques pour le business) ce qui nous permet d’avoir une expertise poussée en la matière. 

Le profil de vos investisseurs a-t-il évolué ?

Nos investisseurs (plus de 1.000) sont de tous types (47 % de fonds de pension, 19 % des compagnies d’assurances, 16 % de fonds souverains, 7 % de HNWI et 12 % autres) et de toutes nationalités (46 % en Europe, 28 % aux Amériques et 26 % en Asie). Leur rapport avec les gérants a globalement évolué, beaucoup d’entre eux souhaitant investir en direct. Nous donnons de plus en plus de co-investissements à nos clients, pour pouvoir avoir une capacité d’investissement plus importante mais aussi pour accompagner le développement des sociétés achetées, notamment sur les territoires où ils ont des intérêts stratégiques.

Propos recueillis par Virginie Deneuville