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Compte-rendu - Matières premières : volatilité et régulation avec Steve Ohana

20/04/2016 AEFR

SYNTHESE DE L'ETUDE SUR LA PREDICTION DES MOUVEMENTS EXTREMES DES PRIX AGRICOLES

Notre objectif dans cette étude était de mieux comprendre les causes et les signaux prédictifs des mouvements extrêmes des prix agricoles survenus depuis 2007.

Nous avons dans un premier temps mis en lumière un saut structurel dans les prix agricoles survenu en 2006/2007, que nous avons attribué à l’explosion de la demande pour les biocarburants dans les années 2000.

Puis, nous nous nous sommes attachés à :

  • fournir une méthode d’identification des mouvements extrêmes
  • éclairer leurs causes
  • identifier des signaux anticipatifs de ces mouvements extrêmes.

L’analyse a permis d’identifier cinq mouvements extrêmes, définis comme des variations de prix se détachant nettement du reste de la distribution des variations sur l’horizon de temps où elles se sont déroulées :

  • la hausse de fin mai 2007-février 2008
  • la baisse de mars-décembre 2008
  • la hausse de fin juin 2010- début février 2011
  • la hausse de juin-juillet 2012
  • la baisse de fin juillet 2012- fin septembre 2014

Nous avons examiné le rôle explicatif et le pouvoir prédictif de trois types de variables :

  • variables liées aux prix seuls (prix spot des 3 grains au Golfe du Mexique et du blé à Rouen, prix à terme à Chicago)
  • variables liées à l’information délivrée mensuellement par l’USDA sur les stocks de fin de campagne
  • variables liées aux volumes sur les marchés à terme des trois grains à Chicago, et à l’information délivrée chaque semaine par la CFTC sur les positions des différents types d’intervenants sur 12 marchés dérivés agricoles américains

Nos résultats peuvent être résumés ainsi :

- en ce qui concerne les variables de prix, les variables prédictives suivantes ont été identifiées :

  • un spot sous-valorisé par rapport au premier prix à terme coté à Chicago (précurseur des hausses de 2007-2010 et de la baisse de 2008)
  • écarts de valorisation blé américain/blé français (précurseur des hausses de 2007-2010 et des baisses de 2008-2013)
  • écarts de valorisation inter-grains aux Etats-Unis (précurseur de tous les mouvements hormis la hausse de 2010)
  • volatilité implicite (la corrélation volatilité/prix permet de savoir si le risque est identifié à la hausse ou à la baisse) : précurseur de la hausse de 2012 et de la baisse de 2012-2014 (indisponible avant 2012)
  • mouvements extrêmes sur des horizons courts (identification précoce de tous les mouvements extrêmes)

- en ce qui concerne les variables de stocks, le pouvoir explicatif varie entre 25% et 100% d’un épisode et d’un marché de grain à l’autre et les ruptures dans la relation spot/stocks ont été identifiées comme prédictives de mouvements extrêmes ultérieurs  (précurseur de la hausse de 2007, contemporaine de la hausse de 2010 et des baisses de 2013 et 2014)

- en ce qui concerne les variables de volumes et de positions, le pouvoir explicatif des flux indiciels est potentiellement important pour les épisodes de 2007-2008 et une déviation positive à la relation de long terme volume/prix a été identifiée comme prédictive (supérieure à un écart-type avant chacun des mouvements extrêmes)

En conclusion, les indicateurs prédictifs les plus fiables à considérer sont :

  • les volatilités implicites (associées à la corrélation volatilité/prix pour prédire le sens)
  • les écarts de valorisation spot/first-nearby, inter-grains et géographiques (plusieurs écarts de valorisation simultanés renforcent la confiance de la prédiction), qui ne prédisent pas en général le sens du mouvement futur potentiel
  • les mouvements extrêmes d’horizons plus courts (qui prédisent le sens du mouvement extrême)
  • les ruptures dans la relation prix/stocks (et prix/spreads calendaires), qui peuvent prédire des mouvements de hausse ou de baisse extrême
  • les déviations volume/prix, qui prédisent hausses et baisses extrêmes

Chacune des variables présentées plus haut donne lieu également à des signaux en dehors des épisodes extrêmes. L’observation d’une conjonction des signaux précédents peut réduire la probabilité de prédire à tort un mouvement extrême imminent.

Une analyse « out-of-sample » (examinant le pouvoir prédictif des indicateurs précédents sur les mouvements extrêmes post-2014) viendrait utilement compléter l’analyse « in-sample » conduite dans ce rapport. Celle-ci pourra faire l’objet de travaux ultérierieurs.

Une question de régulation importante consiste à savoir ce que doit faire le régulateur face à des signaux prédicteurs de futurs mouvements extrêmes.

Une première approche consisterait à tenter de prévenir ou d'amortir le futur mouvement extrême par l'intermédiaire d'un "fonds de régulation" pouvant intervenir sur les marchés physiques ou à terme de façon contra-cyclique (acheteur dans les périodes de forte baisse, vendeur dans les épisodes de forte hausse). Une seconde approche, moins interventionniste, pourrait consister à simplement alerter de façon transparente les opérateurs physiques (producteurs, éleveurs, transformateurs etc.) et les gouvernements sur la possibilité d'occurrence d'un mouvement extrême de prix pour leur permettre d'atténuer ses effets par des politiques de couvertures adaptées.