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Le système monétaire : analyse et nouvelle approche de régulation

06/05/2015
Frappée (dès 700 ans avant notre ère, en Turquie), scripturale, désormais électronique, la monnaie, clef de voute de tout édifice économique, ne cesse de varier dans ses formes. Cette évolution est spectaculaire aujourd’hui, alors qu’est attaqué et remis en cause un système monétaire bicentenaire où des banques centrales nationales déléguaient en l’encadrant leur monopole d’émission de la monnaie à des banques commerciales, qu’elles surveillaient et contrôlaient, cela avec des résultats globalement positifs en matière de régulation.
 
Ce système a été concurrencé et mis à mal par le développement à marche forcée des marchés financiers, à partir des années 1970, sous l’œil bienveillant des professions du droit et du chiffre et dans le sillage des préconisations de Milton Friedman et de ses émules de l’Ecole de Chicago. Cette montée en puissance de l’économie financière a été telle qu’aux Etats-Unis, la désintermédiation – l’octroi de crédits en dehors du système bancaire – s’applique aujourd’hui à 75 % de l’activité économique. En Europe, le mouvement, qui a été lancé il y a moins longtemps, est en train de prendre de l’ampleur.
 
Il est ainsi nécessaire et urgent de réformer le système monétaire existant, ont expliqué Jean-François Serval et Jean-Pascal Tranié : les indicateurs traditionnels censés rendre compte de l’évolution des masses monétaires (en particulier M3, agrégat très suivi par les banques centrales, qui se compose de la monnaie fiduciaire, des dépôts à vue, des dépôts à terme de moins de deux ans, des OPCVM monétaires et des titres de créances de moins de deux ans) sont en effet désuets.
 
Au niveau mondial, l’agrégat M3 atteint quelque 60 000 milliards de dollars, un ordre de grandeur qui n’a rien à voir avec, par exemple, les 700 000 milliards de dollars d’instruments financiers négociés de gré à gré.
Par ailleurs, la formidable expansion de la titrisation – procédé permettant de rendre liquides des actifs qui ne le sont pas -, ou encore la généralisation de la comptabilité en valeur de marché (marked-to-market), agissent comme des accélérateurs de la création monétaire, cela dans des proportions qu’on ne peut mesurer à l’aide des outils et indicateurs existants.
 
Jean-François Serval et Jean-Pascal Tranié plaident ainsi pour la mise en place et la promotion d’indicateurs permettant d’analyser et de prendre la mesure du shadow banking, dont les G20 de crise avaient estimé qu’il fallait le contrôler et le réduire. 
 
Ils proposent de créer deux agrégats, M5, qui engloberait l’ensemble des dettes et créances classées selon leur nature (ce qui permettrait, notamment, de rendre compte de l’importance du crédit interentreprise ou encore de l’évolution des paiements en ligne), et M6, qui agrégerait l’ensemble des bilans (et dont la comparaison avec les comptes de résultat permettrait de mesurer la vitesse de circulation de la monnaie, cela pour chaque catégorie d’instruments financiers). 
 
Avec Raphaël Douady, économiste et mathématicien, Jean-François Serval et Jean-Pascal Tranié ont proposé une formule dite du explosion index (E) :
E = (V – P) x (S x M5) où
S : vitesse de circulation de la monnaie
V : valeur nominale des portefeuilles
P : estimation des portefeuilles lorsque des cessions secondaires ont lieu
 
Chaque cession avant échéance créé un accroissement des bilans et un solde en résultat.
 
Et où la dérivée de S (S’) s’exprime comme suit : S’ : k x (V-P) x (S)  où
k : coefficient d’élasticité
 
« Il convient de passer des agrégats traditionnels à l’observation des échanges », a estimé Jean-François Serval, qui projette de lancer une association ouverte à tous ceux que les questions d’économie monétaire intéressent et destinée à promouvoir ces deux nouveaux instruments de mesure.
 
Anticiper les dérèglements du système monétaire, plutôt qu’agir dans l’urgence à coups d’injections massives d’argent public comme cela a été fait lors de la crise des subprimes, cela nécessite non pas d’ajouter des règles aux nombreuses règles existantes (avec le risque, avéré, de créer des effets pervers, celui notamment de « chasser l’argent du domaine réglementé vers le non réglementé »),  mais de s’atteler à une surveillance au moyen d’outils pertinents, ont expliqué les auteurs de The Monetary System et précédemment de La Monnaie virtuelle qui nous fait vivre (Eyrolles, Editions d’organisation).
 
Cependant, pour que l’utilisation d’indicateurs comme M5 et M6 soit efficace, elle doit être mondialement partagée, ce qui nécessite d’ajouter « une brique au système monétaire existant » sous l’espèce d’un droit international de la monnaie, seul capable de rehausser le niveau de confiance de l’ensemble des acteurs économiques dans le système global.