Revue d’économie financière REF 159
La finance à l'ère de l'intelligence artificielle
La finance à l'ère de l'intelligence artificielle
Introduction Accès gratuit
Les enjeux économiques et financiers du déploiement de l'IA
Intelligence artificielle et finance au service de la société
L’intelligence artificielle (IA) vient avec tant de questions éthiques que leur présentation exhaustive est un défi ! D’abord, il y a tout simplement le risque de projets dévoyés, d’algorithmes qui déstabilisent un secteur ou un sujet. Mal mis en œuvre, ou gérés avec cynisme, ils sont capables du pire. En matière d’écologie et de justice sociale, l’IA a, dans ses applications, un bilan calamiteux. En matière de débat public, elle apporte déstabilisation et nouvelles possibilités pour les groupes d’influence. Une catégorie montante de problèmes éthiques est la façon dont l’IA vient capter nos émotions. Certaines de ces évolutions ne sont pas négatives, mais les risques sont considérables. La perte de savoir-faireface à la technique est également un cas d’école. Avoir une IA qui écrit et « pense » pour nous n’est pas, en soi, une incitation à faire travailler notre cerveau. Des outils systémiques doivent être mis en place pour aborder ces risques : comité éthique et réglementation de certains usages.
L'impact économique de l'intelligence artificielle
L’impact de l’intelligence artificielle (IA) sur l’économie suscite des débats. Premièrement, l’IA peut stimuler la croissance, de deux manières : en automatisant des tâches de production de biens et de services, et enfacilitant la génération d’idées nouvelles. Cependant, il est vrai que les effets de l’IA ne se reflètent pas encore dans les chiffres de productivité, car les révolutions technologiques prennent souvent du temps avant de se traduire par des gains concrets. L’IA a également le potentiel d’accélérer l’innovation, car elle automatise des tâches dans la production de nouvelles idées. En particulier, elle augmente considérablement la capacité à « recombiner » des idées existantes pour générer de nouvelles « possibilités ». Deuxièmement, l’IA permet une plus grande rapidité pour sélectionner de nouvelles idées parmi ces possibilités. Un point central est la nécessité d’une politique industrielle verte. Il est possible de diriger l’innovation vers la qualité plutôt que vers la quantité, ce qui pourrait avoir un impact positif sur l’environnement. Il est essentiel de réguler l’usage de l’IA, de protéger les individus contre les abus, mais il faut veiller à ce que la régulation ne nuise pas à la concurrence. Trop de réglementations peuvent avantager les grandes entreprises au détriment des petites, ce qui pourrait freiner l’innovation.
L'intelligence artificielle au service de l'innovation : une analyse sur des données de brevets
L'impact des technologies d'intelligence artificielle (IA) sur la croissance économique dépend, en grande partie, de leur capacité à accroître la productivité de la recherche. Dans cet article, nous proposons une mesure originale de la diffusion de l'IA à travers les technologies, fondée sur les brevets déposés aux États-Unis depuis 1990. Notre méthodologie identifie les brevets intégrant de l'IA via leurs références à des publications académiques classées comme relevant de l'IA. En décembre 2024, environ 5 % des brevets déposés peuvent ainsi être caractérisés comme utilisant l'IA. Cette approche permet de capturer l'intégration de l'IA dans d'autres domaines technologiques, en cohérence avec sa nature de technologie générique (general purpose technology). Nous montrons que ces brevets « IA » présentent systématiquement des indicateurs de qualité supérieurs à ceux des autres brevets, selon plusieurs métriques standards de la littérature.
La monnaie numérique de banque centrale au service de l'Union pour l'épargne et l'investissement
Le monde de la finance connaît d'importantes transformations sous l'impulsion d'une nouvelle vague de numérisation et de l'essor des nouvelles technologies. Dans ce contexte, de nouveaux acteurs sont apparus, dont la valeur ajoutée se fonde sur l'innovation technologique et qui viennent concurrencer les acteurs financiers historiques, comme les banques. Il s'agit non seulement des Fintechs, mais aussi des acteurs non financiers qui portent de nombreuses initiatives autour des technologies de registre distribué (distributed ledger technologies – DLT). Le développement, par l'Eurosystème, d'une monnaie numérique de banque centrale (MNBC) interbancaire s'inscrit dans ce contexte. Cette évolution pourrait déboucher sur un écosystème financier européen intégré via un registre distribué unique sur lequel s'échangeraient les actifs tokenisés. Les diverses fonctionnalités de la DLT permettraient alors de réduire les coûts de transaction et de surmonter les particularités nationales qui, aujourd'hui, en Europe, limitent l'intégration financière.
L'impact de l'IA sur le secteur financier
Intelligence artificielle et risques dans les services financiers
Dans un environnement où l'inflation réglementaire, la pression concurrentielle et l'instabilité géopolitique brouillent les repères, l'intelligence artificielle (IA) – et, plus spécifiquement, l'IA générative (Gen IA) – s'impose comme un levier décisif pour accroître la résilience opérationnelle, pour renforcer la détection et la prévention des risques financiers, cyber et réputationnels, et pour réinventer la productivité dans l'ensemble de la chaîne de valeur. L'IA permet-elle réellement de diminuer les risques ? La réponse est plus nuancée qu'il n'y paraît, tant les gains directs peuvent être compensés par d'autres risques moins visibles.
L'intelligence artificielle en finance de marché : données à pensée
Au-delà des applications de l'intelligence artificielle (IA) similaires à d'autres secteurs, il existe des perspectives spécifiques à la finance de marché pour cette technologie générique. Cet article passe en revue ses possibles applications dans trois directions : la personnalisation de l'expérience client, un meilleur contrôle des risques, et l'exploitation des données alternatives (c'est-à-dire non financières, comme les images satellites ou la géolocalisation). Cette analyse, qui commence en exposant la structure des algorithmes apprenants, y compris ceux d'IA générative, montre à quel point les données sont devenues centrales.
Par conséquent, si les concepteurs de solutions pensent qu'ils peuvent se passer de faire des choix de modèle, alors que les analystes quantitatifs l'ont toujours fait, ils font, parfois sans en avoir conscience, des choix équivalents, lorsqu'ils sélectionnent et étiquettent, ou non, les données qui nourriront leurs systèmes pendant les phases d'apprentissage ou d'utilisation. Il est facile de croire que les algorithmes transforment les données en pensée symbolique. En réalité, il est nécessaire de penser les données qui transitent le long des chaînes de production, et de faire émerger des procédés qui rendent ces choix explicites.
L'impact des données alternatives sur la finance
L'essor des données alternatives transforme la finance en permettant d'obtenir des prédictions plus précises des rentabilités ou des flux de trésorerie des actifs financiers, grâce à l'intelligence artificielle (IA). Si cette évolution améliore probablement l'efficience informationnelle, elle peut néanmoins réduire la qualité des anticipations à long terme et décourager la production d'information fondamentale, dégradant ainsi le contenu informationnel des prix des actifs. Leur utilisation par les intermédiaires financiers (fonds d'investissement, banques) peut favoriser une meilleure allocation du capital, mais peut compliquer le financement de projets très innovants, et, donc, atypiques. L'automatisation du traitement de l'information engendre un risque de substitution des experts par les machines. Ce risque demeure limité, si les experts ont accès à des informations non exploitables par des algorithmes (par exemple, de nature qualitative ou confidentielle) et s'ils conservent une capacité supérieure à décider dans des situations atypiques.
Intelligence artificielle et marché du crédit : opportunités et acceptabilité
Cet article propose une réflexion sur l'usage de l'intelligence artificielle (IA) sur le marché du crédit. Nous analysons deux types de modèles utilisés pour évaluer la probabilité de défaut d'un emprunteur : (1) les modèles d'octroi, appliqués lors de l'analyse des demandes de prêts, et (2) les modèles internes servant au calcul des fonds propres réglementaires des banques. Ces deux applications sont d'importance majeure : l'octroi conditionne l'accès au crédit pour les ménages et les petites entreprises, tandis que les modèles internes influencent la capitalisation des banques et la stabilité du système financier. Nous montrons que, bien que l'IA soit désormais incontournable dans les modèles d'octroi, son adoption demeure très limitée dans les modèles réglementaires.Ce faible niveau d'adoption s'explique par un usage restreint des données alternatives, par des gains économiques limités en capital réglementaire, et par un manque d'interprétabilité des modèles.
Mes copilotes, mes amis : grands modèles de langage et obligations fiduciaires
À mesure que les grands modèles linguistiques (large language models – LLM) assument des responsabilités croissantes dans le domaine du conseil financier, leur capacité à s'acquitter de leurs obligations fiduciaires devient plus critique. Nous examinons les différences entre les LLM et les robots-conseillers traditionnels, en matière de respect des obligations légales et éthiques de diligence et de loyauté. Nous proposons un programme de recherche visant à rendre opérationnelles les normes fiduciaires dans les systèmes d'intelligence artificielle (IA) grâce à des cadres normatifs, à des modules de conformité et à une conception réglementaire commune. En alignant les LLM sur les principes fiduciaires, nous visons à démocratiser les conseils financiers fiables, tout en anticipant les implications plus larges de l'utilisation des LLM dans d'autres domaines professionnels régis par des obligations éthiques.
Les risques et la supervision de l'IA
L'avenir de l'intelligence artificielle sur les marchés de capitaux
L'intelligence artificielle (IA) générative commence à avoir un impact plus significatif sur les transactions des marchés financiers, dans le sillage du déploiement généralisé de l'apprentissage automatique qui a déjà révolutionné les échanges au cours des deux dernières décennies. L'impact de l'IA générative se caractérise par sa capacité à traiter de vastes quantités de données, permettant aux acteurs du marché de traduire rapidement les nouvelles informations en indications de prix. Si de nombreux changements actuels semblent plutôt évolutifs, des changements plus révolutionnaires pourraient voir le jour, prenant potentiellement les décideurs politiques au dépourvu. L'IA générative peut amplifier les risques existants, mais elle peut aussi créer des risques nouveaux. Son adoption rapide pourrait remettre en question l'adéquation des cadres de surveillance et de réglementation existants. Cependant, l'IA pourrait également aider les régulateurs à suivre le rythme de la complexité croissante des marchés, même si le manque de compétences pourrait freiner l'adoption de la SupTech.
Comment limiter les risques de l'intelligence artificielle en finance ?
Selon le rapport du World Economic Forum de janvier 2025, les entreprises de services financiers ont consacré 35 Md$ dans l'intelligence artificielle (IA) en 2023, et les investissements attendus dans le secteur bancaire (assurances, marchés des capitaux et services de paiement) s'élèvent, en 2027, à 97 Md$. Ce secteur est donc l'un des plus importants investisseurs dans l'IA. Les bénéfices de l'IA dans le secteur financier sont bien identifiés et nombreux, comme le traitement automatique et rapide des demandes de prêts, la personnalisation des services clients, l'évaluation de la solvabilité, la détection d'anomalies financières, l'analyse prédictive des tendances de marché. En revanche, moins de publications portent sur les effets problématiques de l'IA dans le secteur financier. Cet article se focalise donc sur les défis et les risques de l'IA en finance, et la manière de les limiter.
Applications de l'intelligence artificielle aux marchés financiers : opportunités et risques
Historiquement, le secteur financier a toujours été précurseur dans l'adoption de nombreuses avancées technologiques, des systèmes électroniques au Big Data. L'avènement de l'intelligence artificielle générative (GenAI), telle que les grands modèles linguistiques (large language models – LLM), a représenté une avancée majeure dans l'évolution de l'innovation en matière d'IA, a capté l'attention du public, et a suscité un regain d'intérêt de la part des acteurs des marchés financiers, des consommateurs financiers et des décideurs politiques. L'intégration de l'IA a le potentiel de transformer rapidement le secteur financier mondial en apportant, aux acteurs du marché et aux consommateurs, des innovations améliorant l'efficacité et la productivité. La réduction des coûts pourrait améliorer la qualité des produits et des services. Cependant, à côté de ces avantages, l'IA peut également amplifier les risques existants et introduire de nouveaux risques. Dans cet article, nous présentons d'abord un survol des principales applications de l'IA sur les marchés financiers et des opportunités qui en découlent pour les acteurs du marché, les consommateurs et les régulateurs. Ensuite, nous analysons les principaux risques créés ou amplifiés par l'utilisation de l'IA sur les marchés financiers. Enfin, nous exposons brièvement le cadre réglementaire existant.
Intelligence artificielle et finance : tendances et approches réglementaires internationales
L'utilisation de l'intelligence artificielle (IA) se retrouve dans tous les domaines : de l'activité financière, de la banque et du crédit à la consommation, à la gestion d'actifs, au négoce (trading) et à l'assurance. L'IA est également utilisée par les autorités de surveillance financière, afin de les assister dans leurs missions de contrôle. Toutefois, la supervision de l'IA en finance soulève des défis spécifiques, liés aux caractéristiques propres à cette technologie : son rythme d'évolution rapide, l'opacité et la complexité des modèles sous-jacents, ainsi que sa nature dynamique et son degré potentiel d'autonomie croissant. Ces éléments rendent plus difficiles l'évaluation des risques et la mise en œuvre d'un contrôle efficace.
Chronique d'histoire financière
Bismarck et la fabrique du système de retraite : retour sur la soutenabilité financière d'un modèle inachevé
Finance et littérature
Bernanos : la Civilisation des Machines contre la liberté de l'esprit
Article divers
Éligibilité des OPCVM au Plan d'épargne en actions et arbitrage réglementaire : une analyse économique critique
Cet article propose une analyse économique critique de la règle d'éligibilité des OPCVM au Plan d'épargne en actions (plus communément appelé PEA). Ce produit d'épargne réglementé a pour but d'inciter les ménages français à investir dans les fonds propres des entreprises européennes, afin de réduire leurs coûts de financement. Cet article analyse l'adéquation des règles d'éligibilité des OPCVM au PEA, avec les objectifs recherchés. Il sera démontré que l'utilisation de techniques de structuration, comme la réplication synthétique, permet de se conformer à ces critères, sans nécessairement atteindre les objectifs affichés. D'une manière plus large, cet article invite à reconsidérer l'efficacité des mesures réglementaires traditionnelles, dans un contexte de développement des innovations financières utilisées comme des outils d'arbitrage réglementaire. Cet article conclut sur la nécessité de modifier ces règles et ces pratiques de marché en question, afin qu'elles puissent parvenir aux objectifs affichés.