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 Introduction en bourse et croissance externe des PME françaises


Anaïs HAMELIN ** Professeur des Universités, LaRGE, EM Strasbourg Business School, Université de Strasbourg. Contact : anais.hamelin@unistra.fr.
Vivien LEFEBVRE * Enseignant-chercheur, LaRGE, EM Strasbourg Business School.Contact : viv.lefebvre@orange.fr.

L'introduction en bourse est une étape majeure du développement des entreprises. Cependant peu de travaux explorent l'articulation entre politique d'acquisition et introduction en bourse. Nos résultats soulignent que les PME françaises sont nombreuses à mener des acquisitions après l'introduction, même lorsqu'elles n'ont pas d'expérience préalable en la matière, adoptant une stratégie de croissance externe en deux étapes. Ainsi, nous montrons qu'il existe une imbrication étroite entre décisions financières et stratégiques dans le cadre de l'introduction en bourse.

En 2018, sur les dix-sept introductions réalisées à la bourse de Paris, onze l'ont été sur le marché Euronext Growth, réservé aux plus petites entreprises. Pour beaucoup d'observateurs, ces faits signalent la bonne santé du secteur des petites et moyennes entreprises (PME) et leur dynamisme. En effet, l'accès au marché est une condition importante de la capacité à croître des PME. Ces préoccupations se retrouvent d'ailleurs au niveau des politiques publiques qui visent à créer un écosystème favorable au financement des PME afin de soutenir la croissance, à l'instar de la création du PEA-PME et celle d'Enternext (Mahieux, 2016). Si tant d'efforts et d'attention sont consacrés au secteur des PME, c'est parce qu'elles représentent l'essentiel des entreprises et qu'elles contribuent pour une grande part à l'emploi et à la création de valeur. On estime ainsi que les PME représentent 99 % des entreprises dans l'Union européenne e t qu'elles contribuent à la moitié des créations d'emplois et de valeur ajoutée. Ainsi, la question du financement adéquat des PME est-elle une condition nécessaire pour accompagner la croissance (Dufourcq, 2014).

Les PME ne représentent toutefois pas un ensemble homogène. Une large part des PME est ainsi constituée de microentreprises1 pour lesquelles les besoins et l'accès à des financements ne se posent pas de la même manière que pour des sociétés embauchant plusieurs dizaines de salariés. Dès lors, comprendre les mécanismes par lesquels les PME se développent et grandissent revêt une importance centrale. Ces enjeux sont particulièrement poignants pour les PME « à très grande vitesse » (Betbèze, 2014), souvent issues de la nouvelle économie et dont la croissance est rapide, qui font l'objet de l'attention de cet article.

L'accès à la cote augmente les possibilités de financement de l'entreprise en lui fournissant un accès direct au financement par le marché. Au-delà de cet effet direct sur les possibilités de financement, l'introduction en bourse réduit le coût du capital de l'entreprise, ce qui lui permet ultérieurement de se procurer de nouvelles ressources financières plus facilement (Brav, 2009). Si l'introduction en bourse a clairement une influence sur le financement de la croissance des entreprises (Boutron et al., 2014), peu de travaux se sont interrogés sur l'articulation entre introduction en bourse et croissance externe des PME. Or le fait que des vagues d'acquisitions soient observées après des phases intensives d'introductions en bourse suggère qu'il existe un lien étroit entre admission à la cote et opérations de croissance externe (Maksimovic et al., 2013). En effet, les opérations d'acquisition sont gourmandes en financement (Schultz et Zaman, 2001) et l'introduction en bourse offre des ressources financières nouvelles pour les réaliser (Mahieux, 2016).

Une littérature émergente étudie les comportements d'acquisitions après l'introduction en bourse et souligne l'accélération consécutive des opérations de croissance externe (Brau et Fawcett, 2006 ; Schimdt et al., 2006 ; Celikyurt et al., 2010 ; Hovakimian et Hutton, 2010 ; Signori et Vismara, 2017). Néanmoins ces résultats empiriques portent principalement sur des entreprises américaines. Or celles-ci présentent d'importantes différences dans leur structure financière avec les entreprises d'Europe continentale, avec en particulier un recours plus rapide et plus marqué au financement par le marché (Pagano et Roell, 1998). Ces différences concernent également les motivations à l'introduction en bourse, plus orientées vers la croissance interne en Europe (Bancel et Mittoo, 2009). De plus, ces travaux se concentrent sur de grandes entreprises et des secteurs spécifiques. Or plusieurs raisons justifient de se pencher sur le cas particulier des PME. Tout d'abord, et par opposition aux grandes entreprises, les PME ne recourent pas systématiquement à la croissance externe. De plus, les PME qui s'engagent dans une stratégie de croissance externe le font en réalisant comparativement plus d'acquisitions que les grandes entreprises (Weitzel et McCarthy, 2011). Ces acquisitions sont de plus davantage financées par des paiements en titres que dans le cas des grandes entreprises (Weitzel et McCarthy, 2011). À notre connaissance, il n'existe pas d'étude empirique sur l'articulation entre stratégie de croissance externe et introduction en bourse dans le cas des PME de croissance. Or le poids économique et les contraintes particulières qui pèsent sur les PME du fait de leur taille justifient que l'on s'intéresse à la manière dont elles réalisent des opérations de croissance externe.

Cet article vise à combler cette lacune en explorant l'articulation entre introduction en bourse et croissance externe des PME. Pour cela, nous étudions l'ensemble des PME françaises, 107 au total, introduites en bourse sur Euronext Growth ainsi que sur les compartiments B et C d'Eurolist entre 2006 et 2014. Dans un premier temps, nous présentons les principales caractéristiques observées de ces opérations. Notre principal résultat est que de nombreuses PME françaises nouvellement cotées réalisent des acquisitions. En effet, 43 % des sociétés de notre échantillon réalisent au moins une opération d'acquisition dans les trois années qui suivent l'introduction. Dans un deuxième temps, nous proposons une typologie des entreprises en fonction de leur stratégie de croissance externe avant et après l'introduction en bourse. Cela nous permet d'apporter un éclairage nouveau sur le lien entre introduction en bourse et stratégie de croissance externe chez les PME en montrant l'imbrication de ces deux décisions. En effet, nos résultats montrent qu'un nombre important de PME de croissance a recours à une introduction en bourse pour financer des acquisitions. Enfin, nous étudions les caractéristiques des opérations d'acquisitions au regard de cette typologie. Il en ressort que les PME ayant une expérience préalable des acquisitions réalisent beaucoup plus d'opérations de croissance externe que celles qui n'ont jamais réalisé d'acquisitions avant l'introduction en bourse.

Dans un premier temps, nous passons en revue la littérature sur le lien entre croissance et introduction en bourse, en développant le cas particulier de la croissance externe. Ensuite, nous développons notre méthodologie et nos résultats. Enfin, nous présentons les implications de notre travail et nos conclusions.

Croissance, introduction en bourse
et acquisitions dans les
PME

Stratégie de croissance des PME

La croissance des entreprises nécessite l'acquisition et le développement de nouvelles ressources dont la combinaison permet le développement de nouveaux savoir-faire (Penrose, 1959). Cette croissance prend deux formes principales, soit le développement en interne de la société à travers la création de nouveaux points de vente ou de nouveaux produits et services, soit l'acquisition d'une autre société. La réalisation d'acquisitions, ou croissance externe, permet à l'acquéreur d'obtenir un ensemble de ressources, la cible. La combinaison des ressources de la cible avec celles dont il dispose déjà peut lui permettre d'établir un avantage concurrentiel (Barney, 1991).

Dans le cas des PME, la mise en œuvre d'une stratégie de croissance externe comporte plusieurs difficultés. Tout d'abord, les opérations d'acquisitions représentent des investissements importants, précisément car il faut acquérir la totalité d'une autre entreprise. Les PME, du fait d'un niveau élevé d'asymétrie d'information, ont une capacité à accéder à des financements externes limitée (Berger et Udell, 1998). Ensuite, la réalisation effective d'une opération d'acquisition mobilise l'attention des dirigeants pendant une longue période. De ce fait, les dirigeants disposent de moins de temps à consacrer aux opérations courantes et à la croissance interne de la société. Enfin, réussir l'intégration de deux sociétés nécessite des efforts constants d'adaptation afin de réaliser des synergies, ce qui est rarement accompli en pratique (Sheperd et Wiklund, 2009). Ainsi, la réalisation d'acquisitions ne concerne pas toutes les PME, mais seulement celles pour qui la croissance est un enjeu majeur en raison de la nécessité d'atteindre une taille critique (Schultz et Zaman, 2001). Ces PME de croissance disposent avec l'introduction en bourse d'un levier puissant pour financer leur stratégie de croissance, externe en particulier.

Introduction en bourse des PME

Le financement des PME de croissance s'analyse classiquement dans le modèle du cycle de croissance financière proposé par Berger et Udell (1998). Cette approche suggère que la structure financière des PME évolue au fil du temps et à mesure que les entreprises grandissent, du fait de la réduction des asymétries d'information. Ainsi, la constitution d'un historique de données, de relations avec ses partenaires et la présence de garanties facilitent l'évaluation de la société par des financeurs potentiels lorsque celle-ci grandit et murit. Du fait de cette diminution de l'asymétrie d'information, les PME accèdent progressivement à de nouvelles sources de financement. Dans cette perspective, l'introduction en bourse est une étape clé qui permet à l'entreprise de se financer directement sur le marché financier. L'introduction en bourse permet donc aux PME de financer plus facilement leur croissance future et en particulier de réaliser des acquisitions d'autres sociétés.

L'introduction en bourse améliore la capacité de financement de l'entreprise de différentes manières. Tout d'abord, l'entreprise nouvellement cotée lève des fonds sous forme de tranche primaire et dispose donc d'une manne de liquidités disponible (Certo et al., 2009). Ensuite, son coût du capital est réduit, à la suite de l'introduction en bourse, ce qui lui permet ultérieurement de se procurer de nouvelles ressources financières plus facilement (Brav, 2009). Cette réduction passe tout d'abord par une réduction du coût des fonds propres. En effet, la nouvelle visibilité de l'entreprise, à la suite de l'introduction en bourse, réduit les asymétries d'information et donc le coût du financement par émission d'action. De plus, on observe aussi une réduction du coût de financement par dette à la suite de l'introduction en bourse. Cela s'explique, d'une part, par le rééquilibrage de la structure financière. Dans la mesure où une introduction correspond généralement à une augmentation de capital, le levier financier est mécaniquement réduit à la suite de l'opération. Cela a pour conséquence de réduire le risque pour le banquier prêteur, permettant à l'entreprise d'emprunter à un coût plus faible. D'autre part, les entreprises cotées ont recours à un plus grand nombre de partenaires bancaires qui sont donc mis en concurrence les uns avec les autres (Pagano et Roell, 1998). Il en résulte une baisse du coût de l'endettement bancaire. De façon générale, une société nouvellement cotée voit donc son coût du capital se réduire, ce qui lui permet de se procurer de nouvelles ressources financières plus facilement et donc peut lui faciliter le financement des acquisitions.

L'articulation entre modes de croissance et introduction en bourse

Si l'introduction en bourse améliore la capacité de financement de l'entreprise, elle peut aussi jouer un rôle clé pour le financement de la croissance externe de l'entreprise. Ainsi, les fonds levés lors d'une introduction en bourse peuvent permettre de financer directement des opérations d'acquisitions. Toutefois, Hsieh et al. (2011) observent que les sociétés les plus actives sur le marché des acquisitions lèvent généralement de faibles montants lors de leur introduction. Cela interroge les modalités de financement des acquisitions et le lien entre ce financement et l'introduction en bourse. Par ailleurs, une société cotée peut directement payer une acquisition avec ses propres titres. Dans la mesure où l'introduction en bourse conduit à une réduction de l'asymétrie d'information, le cours de bourse donne un prix de marché pour les titres de l'acquéreur potentiel. Ce prix représente une évaluation fiable de cette nouvelle devise que sont les titres de l'acquéreur. Par conséquent, le paiement en titres est potentiellement plus acceptable pour le vendeur d'une entreprise (Brau et al., 2003). Brau et Fawcett (2006) soulignent que c'est l'opportunité créée par ce nouveau mode de financement des acquisitions qui est recherchée à travers l'introduction en bourse, devant la levée de fonds.

À la suite de l'article de Brau et Fawcett (2006), plusieurs études se sont penchées sur les comportements d'acquisitions après l'introduction en bourse. Elles relèvent ainsi une véritable boulimie d'acquisitions de la part des sociétés nouvellement cotées. Celikyurt et al. (2010) ont observé que près de 77 % des sociétés américaines ayant réalisé leur introduction en bourse entre 1985 et 2004 ont réalisé au moins une acquisition dans les cinq ans qui ont suivi. Tandis qu'elles n'étaient que 19 % à en faire dans les cinq années ayant précédé leur introduction. La rapidité avec laquelle une partie de ces acquisitions s'est faite est frappante : 31 % des sociétés étudiées ont fait une acquisition dans l'année qui a suivi l'introduction en bourse. Hovakimian et Hutton (2010) observent quant à eux une proportion de 19 % de sociétés cotées américaines ayant réalisé une acquisition dans l'année qui suit l'introduction en bourse, contre 36 % dans les trois ans sur la période 1980-2006. Ces auteurs soulignent que ce sont autant les fonds levés directement que la possibilité de payer en titres qui expliquent la fréquence importante des acquisitions. Ces études vont dans le sens de l'existence d'une articulation entre introduction en bourse et croissance externe.

Dans le cas d'entreprises jeunes et en forte croissance, l'introduction en bourse devient un levier très puissant pour conduire une stratégie de croissance externe. En effet, en raison du fort engouement suscité par l'introduction en bourse, leurs titres sont fortement valorisés par le marché. Payer en titres permet alors de réaliser des acquisitions de grandes cibles qu'il aurait été impossible de réaliser autrement (Schultz et Zaman, 2001). Or de nombreuses PME réalisent des opérations de croissance externe, lesquelles sont principalement financées par des augmentations de capital (Weitzel et McCarthy, 2011). Il se pose dès lors la question de savoir quelle est l'articulation entre stratégie de croissance externe et introduction en bourse pour des PME de croissance.

En effet, si l'on considère que l'introduction en bourse a pour seul objectif de fournir des ressources financières supplémentaires, elle ne devrait pas correspondre à un changement dans la stratégie de croissance de l'entreprise. En d'autres termes, les sociétés qui ont recours à la croissance externe devraient continuer à réaliser des acquisitions après l'introduction en bourse. Or les résultats de Celikyurt et al. (2010) confirment que beaucoup de sociétés nouvellement cotées poursuivent et même intensifient le recours aux acquisitions. De même, les sociétés qui ne se développent que par croissance interne devraient conserver ce mode de croissance. Il est toutefois également possible que l'introduction en bourse coïncide avec un changement stratégique et qu'elle soit même motivée par ce changement stratégique. Ainsi, une PME peut viser une acquisition, mais ne pas avoir les ressources financières pour la mener à bien sans recourir à un financement par le marché. L'introduction en bourse lui permet alors de trouver les ressources financières nécessaires. Enfin, l'introduction en bourse peut correspondre à une pause dans la croissance de l'entreprise rendue nécessaire par un développement rapide et un endettement bancaire important. Les nouvelles ressources en fonds propres issues de l'introduction en bourse permettent un rééquilibrage de la structure financière (Pagano et Roell, 1998) et les investissements se réduisent dans les années qui suivent (Carpenter et Rondi, 2006).

Caractéristiques des acquisitions
des
PME françaises cotées

Nous avons sélectionné les PME françaises ayant réalisé une introduction en bourse entre 2006 et 2014, que celle-ci ait eu lieu sur Euronext Growth2 ou sur les compartiments B et C d'Euronext. Le choix de PME françaises est guidé par le fait que les motivations à l'introduction en bourse ne sont pas les mêmes en Europe et aux États-Unis. Bancel et Mittoo (2009) indiquent ainsi que pour les entreprises européennes, la réalisation d'acquisitions n'est pas la principale raison de l'introduction en bourse. Nous avons éliminé toutes les sociétés qui n'étaient pas des PME au sens de la Commission européenne3, tous les cas de transferts d'un compartiment du marché et les entreprises appartenant aux secteurs financiers et de l'immobilier. Nous obtenons un échantillon de 107 entreprises dont 84 se sont introduites sur Euronext Growth (78,50 %), 21 sur le compartiment C d'Euronext (19,63 %) et 2 sur le compartiment B (1,87 %). Il convient de noter que l'intégralité des sociétés de notre échantillon lève des fonds dans le cadre de l'introduction en bourse. Cela n'exclut pas que pour certaines sociétés de l'échantillon, il y ait des opérations de cessions de titres de la part des actionnaires en place. Toutefois, le montant levé, hors cessions de titres, est en moyenne de 13,02 M€ et le montant médian de 7,63 M€, ce qui assure que les sociétés nouvellement cotées, dans notre échantillon, disposent bien de ressources financières nouvelles. De surcroît, 99 % des sociétés de l'échantillon ont levé un montant de capitaux, net de cession, d'au moins 3,61 M€. Cela signifie que les capitaux levés représentent en moyenne 137 % du total de bilan avant l'introduction en bourse. Nous avons aussi collecté des informations relatives aux caractéristiques des opérations d'acquisition (King et al., 2004) : le mode de paiement des acquisitions, la proximité entre les activités de l'acquéreur et celle de la cible, et l'expérience antérieure en matière d'acquisitions de l'acquéreur, la nationalité de la cible et le fait qu'elle soit une société individuelle ou un groupe. Lorsque l'information est disponible, nous relevons également le prix de l'acquisition.

Le tableau 1 montre la proportion d'entreprises de l'échantillon ayant réalisé une acquisition dans les trois années qui suivent l'introduction en bourse. À titre de comparaison, les résultats des études de Celikyurt et al. (2010) et Hovakimian et Hutton (2010) sont indiqués. Il en ressort que près de 28 % des sociétés de notre échantillon ont réalisé une acquisition dans l'année qui a suivi leur introduction en bourse. Pour ces entreprises, l'introduction en bourse semble être motivée, au moins en partie, par la nécessité de financer l'opération. Cette proportion passe à 40 % environ dans les deux ans qui suivent l'introduction en bourse et à près de 43 % au bout de trois ans. Au regard des résultats des études comparables, il apparaît que les sociétés de notre échantillon se sont montrées très actives en termes d'acquisitions.

Tableau 1
Délai jusqu'à la première acquisition après l'introduction en bourse
(en % de l'échantillon total)

* IPO entre 1985 et 2004 d'un montant levé supérieur à 100 M$.

** IPO entre 1980 et 2003, acquisitions d'un montant de 1 M$ minimum.

Sources : prospectus d'introduction, offerings circular et rapports annuels.

Passons, à présent, aux principales caractéristiques des opérations d'acquisitions. Les deux tiers (66,36 %) des acquisitions concernent des cibles françaises, ce qui montre que les PME privilégient la proximité géographique lorsqu'elles font des acquisitions. Dans une très large majorité (83,64 %), les cibles sont des sociétés individuelles et non des groupes. Cela s'explique par la complexité qu'il peut y avoir à intégrer un groupe complet par rapport à une société individuelle pour l'acquéreur. La quasi-totalité (90 %) des cibles appartiennent au même secteur d'activité que l'acquéreur. Par ailleurs, 70 % des acquisitions sont payées en numéraire, contre 4,55 % en titres et 17,27 % sont des opérations mixtes. Le prix moyen des acquisitions est de 4,85 M€, et le prix médian de 2,66 M€. Enfin, trois secteurs concentrent près de 70 % des opérations d'acquisitions. Il s'agit des éditeurs de logiciel, des prestataires de services numériques et des sociétés de conseil en marketing. Les sociétés du secteur des technologies de l'information et de la communication sont donc très largement représentées.

En synthèse, un profil type d'acquisition se dégage de ces résultats. Il s'agit de l'acquisition d'une PME française, société individuelle, et payée en numéraire. Ces résultats sont cohérents avec les travaux ayant étudié les caractéristiques des acquisitions menées par des PME (Iacobucci et Rosa, 2005 ; Wiklund et Shepherd, 2009). En effet, il est difficile pour les dirigeants de PME d'intégrer rapidement et efficacement des sociétés étrangères ou œuvrant dans des secteurs d'activité différents. Nos résultats suggèrent que la proximité, géographique et sectorielle, est un facteur important dans le choix des cibles.

Typologie des stratégies de croissance observées

Afin d'explorer dans quelle mesure les PME françaises qui s'introduisent en bourse réalisent des opérations d'acquisitions, nous présentons une typologie des entreprises nouvellement introduites en bourse en fonction d'une approche dynamique de leur stratégie de croissance.

Le tableau 2 (infra) présente la répartition des entreprises de notre échantillon en fonction de leur stratégie de croissance avant et après leur introduction en bourse. Nous observons qu'environ un tiers des sociétés de l'échantillon a déjà réalisé des acquisitions avant l'introduction en bourse, ce qui est supérieur au niveau de 19 % observé par Celikyurt et al. (2010). Un tel niveau peut sembler surprenant pour des PME. Toutefois, l'âge moyen des sociétés de notre échantillon, 12 ans, est plus élevé que celui de l'étude de Celikyurt et al. (2010). Il est donc possible que ce niveau soit expliqué par le temps supplémentaire dont elles ont disposé pour réaliser des acquisitions. Comme nous l'avons déjà souligné, environ 43 % des entreprises étudiées réalisent au moins une opération de croissance externe dans les trois ans qui suivent l'introduction en bourse. Cela montre l'ampleur du recours à la croissance externe parmi les PME de croissance.

Tableau 2
Typologie de croissance

Sources : prospectus d'introduction, offerings circular et rapports annuels.

Le croisement de ces deux critères, stratégie de croissance avant et après introduction en bourse, nous permet de définir quatre catégories d'entreprises correspondant à quatre articulations spécifiques entre stratégie de croissance et introduction en bourse.

Catégorie A : croissance externe

21,50 % des sociétés de l'échantillon ont déjà une expérience de la croissance externe préalablement à l'introduction en bourse et réalisent des acquisitions après l'introduction. Pour celles-ci, l'introduction en bourse vise à amener des ressources financières nouvelles pour poursuivre une stratégie de croissance externe déjà en place. Pour cette catégorie d'entreprises, l'introduction en bourse joue un rôle de facilitateur de la croissance externe en donnant à des sociétés ayant déjà l'expérience des acquisitions des ressources financières nouvelles. Cela concerne environ la moitié des sociétés réalisant une croissance externe.

Catégorie B : autres modes de croissance

44 % des sociétés de notre échantillon n'ont eu recours à la croissance externe ni avant ni après l'introduction en bourse. Cela suggère le recours à d'autres modes de croissance, internes ou hybrides comme les alliances stratégiques, le développement en réseau de franchise ou le développement sous forme de licences. Les sociétés de biotechnologies, dont la croissance repose avant tout sur la recherche et le développement, sont tout particulièrement représentées dans cette catégorie. Leur objectif principal est en effet le développement et la commercialisation de nouvelles technologies, ce qui mobilise l'attention des équipes dirigeantes. Il est également possible que ces sociétés se soient introduites en bourse non seulement pour trouver les ressources financières utiles à leur développement, mais aussi pour permettre leur rachat futur. En effet, l'argument de réduction de l'asymétrie d'information consécutive à l'introduction en bourse signifie qu'un acquéreur potentiel dispose avec le cours de bourse d'un prix de marché (Signori et Vismara, 2017).

Catégorie C : changement de cap stratégique

21,50 % des sociétés de notre échantillon réalisent la première opération d'acquisition de leur histoire après l'introduction en bourse, un niveau équivalent à celui de 21 % rapporté par Celikyurt et al. (2010). Pour ces entreprises, l'introduction en bourse correspond à un changement de mode de croissance, interne vers externe. Ce résultat rejoint l'analyse de Brau et Fawcett (2006) qui montraient que la réalisation d'acquisitions est la principale motivation rapportée par les dirigeants pour expliquer la volonté de s'introduire en bourse. Il est cependant remarquable de noter que notre résultat porte sur des PME alors que les études précédemment citées intègrent des sociétés de toutes tailles. Ainsi, nos résultats indiquent que l'introduction en bourse n'est pas seulement un facilitateur de la croissance externe, mais qu'elle correspond bien à un changement de cap stratégique pour certaines sociétés. On peut en déduire une stratégie de croissance à deux temps. Il est ainsi possible qu'une société, bloquée dans sa croissance interne, s'introduise en bourse précisément pour pouvoir réaliser une opération de croissance externe qu'il est difficile de financer sans le recours au marché. Mais il est également possible que l'introduction en bourse amène un opportunisme dans le comportement d'acquisition. Ainsi, il se peut que la disponibilité des fonds consécutive à l'introduction en bourse conduise l'entreprise à opter pour une croissance externe. Cependant, cette seconde explication nous semble moins probable dans la mesure où la proximité temporelle entre l'introduction en bourse et les acquisitions suggère que la décision d'acquisition est antérieure à l'introduction en bourse.

Catégorie D : consolidation de la structure financière

Enfin, 13 % des sociétés de l'échantillon avaient déjà réalisé des opérations d'acquisitions avant l'introduction en bourse, mais n'en ont pas conduit après. Il est possible que les sociétés concernées utilisent l'introduction en bourse pour rééquilibrer leur structure financière si les acquisitions réalisées ont été financées par de la dette. Pagano et Roell (1998) indiquent ainsi que l'introduction en bourse coïncide avec une diminution de l'endettement financier et des investissements qui avaient fortement augmenté dans la période précédant l'introduction en bourse. Dans ce cas, il convient de s'interroger sur les coûts relatifs de ces modes de financement, car il est possible qu'une introduction en bourse préalable à la réalisation d'acquisitions soit moins coûteuse. En effet, rééquilibrer la structure financière par une introduction en bourse sous-entend que les coûts financiers sont élevés avant l'introduction en bourse.

Méthodologie

Afin de valider empiriquement l'existence d'une relation de causalité entre l'introduction en bourse et les opérations de croissance, nous adoptons une démarche de régression linéaire multiple entre le nombre d'acquisitions, l'expérience d'acquisition et l'introduction en bourse. La collecte manuelle des informations sur les acquisitions nous permet de disposer d'informations sur les acquisitions avant l'introduction en bourse. Du fait de données manquantes ou inexploitables, les informations comptables et financières n'ont pu être collectées que pour 105 sociétés de notre échantillon. La période de collecte s'étend sur six ans et comprend les deux années avant l'introduction en bourse, l'année de l'introduction en bourse, et les trois années suivantes. Les données comptables et financières requises pour les variables de contrôle proviennent de la base de données Amadeus de Bureau Van Dijk.

Notre variable dépendante correspond au nombre d'acquisitions réalisées par la société dans une année donnée. Nous utilisons deux variables binaires comme variables indépendantes. La première (Expérience d'acquisition) représente l'expérience d'acquisition et est égale à 1 si l'entreprise considérée a réalisé une ou plusieurs acquisitions dans le passé et égale à 0 sinon. La seconde (Cotée en bourse) est égale à 1 si l'entreprise considérée est cotée en bourse l'année considérée et égale à 0 sinon. Les coefficients de ces deux variables doivent être positifs pour indiquer un effet accélérateur de l'introduction en bourse sur le nombre d'acquisitions (Cotée en bourse) et un effet d'apprentissage à travers des acquisitions antérieures (Expérience d'acquisition). Nous ajoutons également le terme d'interaction (produit des deux variables binaires) qui nous permettra d'observer si l'introduction en bourse amène une accélération des opérations d'acquisitions pour les sociétés qui en ont déjà réalisées. Nous utilisons plusieurs variables de contrôle dans les régressions qui peuvent influencer le nombre d'acquisitions réalisées. Tout d'abord, nous incluons l'âge et la taille comme variables de contrôle car les entreprises plus matures et plus grandes sont plus enclines à la croissance externe (Jensen, 1986 ; Weitzel et McCarthy, 2011). Nous utilisons pour cela le logarithme népérien du total de bilan (taille) et du nombre d'années d'existence (âge). Le niveau de rentabilité (return on assets, ROA, calculé comme le rapport entre le résultat opérationnel et le total de bilan) est également à prendre en compte car les sociétés les plus rentables sont souvent plus actives en matière de croissance externe (Jensen, 1986). Le niveau d'endettement (dettes financières sur capitaux propres) et les réserves de disponibilités (disponibilités et équivalents sur total de l'actif) conditionnent la capacité à financer des acquisitions, nous les incluons donc également. Enfin, les investissements dans le cycle d'exploitation limitent la capacité à réa liser des acquisitions, donc nous incluons le niveau de besoin en fonds de roulement (BFR) ramené au chiffre d'affaires (Aktas et al., 2015).

Le tableau 3 (infra) présente les statistiques descriptives concernant les sociétés de l'échantillon. En moyenne, les sociétés de l'échantillon sont âgées de 9,5 ans et ont un total de bilan de 14,01 M€. La rentabilité moyenne est de –10,50 %, ce qui s'explique par la forte proportion d'entreprises des biotechnologies dont les dépenses de recherche et de développement sont très élevées et qui ne sont pas rentables lors de l'introduction en bourse. Le niveau de levier moyen est de 1,93 ce qui indique que les sociétés de l'échantillon ont deux fois plus de dettes que de capitaux propres. Les disponibilités représentent 30 % du total de bilan. Ce niveau élevé est logique dans un contexte d'introduction en bourse. Enfin, le niveau de BFR sur chiffre d'affaires est négatif en moyenne. Là encore, le grand nombre de sociétés de services pour lesquelles le poids des stocks est faible explique ce niveau. La comparaison entre les sociétés ayant réalisé au moins une opération d'acquisition sur la période et celle n'en ayant pas mené montre que les premières sont en moyenne plus grandes, plus rentables et plus endettées. Elles disposent également de moins de disponibilités et ont un niveau de BFR plus élevé. Enfin, la comparaison des statistiques descriptives avant et après l'introduction en bourse montre, sans surprise, une baisse significative de l'endettement et une hausse significative des disponibilités.

Tableau 3
Statistiques descriptives

* p < 010 ; ** p < 0,05 ; *** p < 0,01.

* p < 0,10 ; ** p < 0,05 ; *** p < 0,01.

Sources : prospectus d'introduction, offering circular et rapports annuels ; base Amadeus ; calculs des auteurs.

Pour tester nos hypothèses, nous disposons d'un panel non cylindré représentant 105 entreprises sur une période de six ans. De façon à s'assurer du sens de la causalité, les variables indépendantes et de contrôle sont retardées d'un an par rapport à la variable dépendante, ce qui nous donne 503 observations entreprises-années. Afin de déterminer le modèle économétrique à utiliser, nous avons tout d'abord utilisé un test de Breusch-Pagan (1979) dont les résultats rejettent l'hypothèse nulle de variance constante du terme d'erreur. En conséquence, nous avons le choix entre un modèle à effets fixes ou à effets aléatoires. Le test d'Hausman (1980) ne rejette pas l'hypothèse nulle selon laquelle le terme d'erreur est corrélé avec les régresseurs, ce qui nous conduit à opter pour un modèle à effets aléatoires. Les résultats de la régression sont présentés dans le tableau 4 infra.

Le modèle 1 inclut uniquement les variables de contrôle. Le modèle 2 inclut les variables indépendantes relatives à l'expérience antérieure en matière d'acquisition ainsi que le fait d'avoir réalisé une introduction en bourse. Le coefficient de la variable « Expérience d'acquisition » est positif et statistiquement significatif. Cela indique que les sociétés ayant une expérience en matière d'acquisition sont plus actives en matière d'acquisitions nouvelles que les sociétés n'ayant pas       cette expérience. Le modèle 3 inclut le terme d'interaction entre les deux variables indépendantes. Le coefficient de la variable expérience d'acquisition est toujours positif et statistiquement significatif, mais indique à présent que l'expérience d'acquisition joue un rôle dans la réalisation d'acquisition avant l'introduction en bourse. Le coefficient du terme d'interaction est négatif et statistiquement non significatif. Les entreprises ayant une expérience d'acquisition ne réalisent pas significativement plus d'acquisition après l'introduction en bourse (catégorie A). Le coefficient de la variable « Coté en bourse » est positif et statistiquement significatif, ce qui indique que les entreprises n'ayant pas d'expérience préalable en matière d'acquisition réalisent davantage d'acquisition après l'introduction en bourse qu'avant. Pour cette catégorie d'entreprises, l'introduction en bourse joue bien un rôle de catalyseur de la croissance externe (catégorie C).

Tableau 4
Résultats des régressions à effets aléatoires expliquant le nombre d'acquisitions réalisées

Les erreurs standards sont robustes à l'hétéroscédasticité. Nous les indiquons sous les coefficients.

* p < 0,10 ; ** p < 0,05 ; *** p < 0,01.

Sources : prospectus d'introduction, offering circular et rapports annuels ; base Amadeus ; calculs des auteurs.

Comparaison des opérations d'acquisitions entre les catégories A et C

Après avoir identifié les articulations possibles entre introduction en bourse et croissance externe, le tableau 5 (infra) présente les caractéristiques des opérations d'acquisitions menées post-introduction (soit les catégories A et C). Il ressort que les sociétés ayant déjà une expérience des opérations de croissance externe (groupe A) réalisent deux fois plus d'opérations d'acquisition que les entreprises qui n'avaient pas d'expérience d'acquisition préalablement à leur introduction en bourse (groupe C). Ainsi, l'expérience en matière d'acquisition permet une stratégie de croissance externe particulièrement dynamique. À l'inverse, les sociétés n'ayant pas d'expérience préalable en acquisitions semblent déployer leur stratégie de croissance externe à un rythme plus lent. Le mode de paiement des opérations d'acquisition est principalement le numéraire. À noter toutefois que les sociétés n'ayant pas d'expérience préalable (C) ont davantage recours à des paiements mixtes, tandis que les sociétés ayant une expérience préalable (A) sont plus enclines à des paiements exclusivement en titres. Le faible nombre de paiements en titres et de façon mixte conduit toutefois à relativiser la portée de cette observation. Les cibles acquises sont, pour les deux catégories, majoritairement françaises et opèrent dans le même secteur que l'acquéreur. La proportion d'acquisitions faites à l'étranger est légèrement plus élevée dans le groupe C, ce qui est étonnant. En effet, on s'attendrait à ce que les sociétés n'ayant pas d'expérience en matière d'acquisition privilégient la proximité géographique pour limiter les difficultés d'intégration de la cible résultant de différences culturelles (Wiklund et Shepherd, 2009). Les sociétés du groupe C réalisent un peu plus d'acquisitions dans des secteurs différents du leur, ce qui indique une stratégie de diversification des activités (Iacobucci et Rosa, 2005).

Tableau 5
Comparaison des comportements et caractéristiques
des opérations d'acquisitions

Sources : prospectus d'introduction ; offerings circular ; rapports annuels.

Conclusion

Cet article s'est intéressé à l'articulation entre l'introduction en bourse et la croissance externe des PME. Nos résultats indiquent, sur un échantillon de sociétés françaises, que le recours à la croissance externe après l'introduction en bourse est très courant. 43 % des sociétés de notre échantillon réalisent ainsi au moins une opération d'acquisition dans les trois années qui suivent l'introduction en bourse. Ces résultats sont à considérer à la lumière d'études menées auprès des grandes sociétés cotées et montrent que les PME cotées sont tout aussi actives que les sociétés plus grandes en matière de croissance externe. Les caractéristiques des opérations d'acquisitions que nous avons relevées montrent un schéma récurrent. La majorité des acquisitions sont payées en numéraire, et non en titres comme on pourrait s'y attendre, concernent des cibles françaises, elles-mêmes des PME et œuvrant dans le même secteur que l'acquéreur. Les caractéristiques des cibles montrent bien une préférence pour des sociétés qu'il sera plus facile d'intégrer grâce à la proximité géographique et sectorielle. Nos résultats apportent ainsi un éclairage nouveau sur le lien entre introduction en bourse et stratégie de croissance externe chez les PME en montrant l'imbrication de ces deux décisions. Un nombre important de PME de croissance ont recours à une introduction en bourse pour financer des acquisitions. Cela dénote une réflexion stratégique qui vise à anticiper le financement d'un investissement à venir, l'acquisition d'une autre société, en réalisant une introduction en bourse.

Les résultats de cet article ont des implications managériales et en termes de politiques publiques. Premièrement, nos travaux contribuent à alimenter la réflexion sur la question du « milieu manquant », la sous-représentation d'entreprises de taille moyenne, particulièrement marquante en France, en montrant l'interaction étroite entre accès aux marchés financiers et dynamisme des PME. Plus précisément, nos résultats soulignent la pertinence des mesures ayant pour objectif de développer un écosystème favorable au financement des PME, pour soutenir leur croissance. Deuxièmement, nos résultats peuvent avoir des implications managériales tant pour les dirigeants de PME que les acteurs du conseil aux PME. En effet, ils soulignent la nécessité d'articuler stratégie de croissance et modes de financement. Ainsi, l'introduction en bourse apparaît comme un moyen privilégié de financer la croissance externe de l'entreprise. Cela peut s'avérer essentiel pour franchir une étape supplémentaire de développement pour les PME de croissance tout en évitant d'être soi-même la cible d'une acquisition. Particulièrement, nos résultats indiquent qu'une option est une stratégie de croissance en deux étapes : introduction en bourse, puis acquisition.

Par ailleurs, nos résultats s'inscrivent dans le prolongement des travaux de Berger et Udell (1998) sur le cycle de croissance financière. En montrant que les PME nouvellement cotées réalisent des acquisitions financées presque exclusivement en numéraire, nos résultats suggèrent que la réduction d'asymétrie d'information liée à l'introduction en bourse n'est pas totale. En effet, il est moins coûteux de financer une acquisition en titres qu'en numéraire pour une société nouvellement cotée. Nous interprétons nos résultats comme une preuve indirecte que ce paiement en titres n'est pas possible, car il subsiste encore une certaine asymétrie d'information vis-à-vis de la société nouvellement cotée. En quelque sorte, malgré son nouveau statut, celle-ci doit encore faire ses preuves et démontrer sa solidité pour que ses titres soient acceptés comme moyen de paiement. Ce n'est qu'alors que le cycle de croissance financière sera complet.

Comme tout article, notre travail a plusieurs limites. En premier lieu, nos résultats portent sur un échantillon spécifique et il est donc délicat de généraliser nos conclusions. Il serait intéressant de comparer nos observations, qui portent sur le cas de la France, à celui d'autres pays européens. De plus, nous étudions uniquement des PME qui ont fait le choix de l'introduction en bourse afin de financer leur croissance. Cependant, les entreprises ont de plus en plus recours à des modes alternatifs de financement de la croissance tels que le capital-risque ou l'intégration dans un groupe (Doidge et al., 2018). Ainsi, de futures recherches pourraient s'intéresser au lien entre ces modes de financement alternatifs des PME à forte croissance et les stratégies de croissance. Par ailleurs, nous n'avons pu recueillir qu'indirectement des informations sur les cibles des acquisitions à travers les rapports annuels et les prospectus d'introduction des acquéreurs. D'autres travaux pourraient ainsi s'intéresser aux caractéristiques propres des cibles des opérations de croissance externe menées par les sociétés cotées. Enfin, nous n'avons pas étudié dans quelle mesure ces opérations de croissance externe s'avéraient ou non réussies. La croissance externe permet-elle d'obtenir de meilleures performances et de grandir plus vite ou relève-t-elle davantage d'une décision managériale peu opportune ?


Notes

1 97 % des PME françaises sont des microentreprises (sources : rapport PME France 2017 ; BPI France).
2 Anciennement Alternext.
3 Une PME est une entreprise de moins de 250 salariés et respectant de plus l'une des conditions suivantes : chiffre d'affaires inférieur à 50 M€ ou total de bilan inférieur à 43 M€.