Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !

 État actuel des connaissances en matière de réchauffement climatique


Philippe DROBINSKI * Senior Scientist, Laboratoire de météorologie dynamique, Institut Pierre Simon Laplace ; directeur de recherche, CNRS ; professeur, École Polytechnique. Contact : philippe.drobinski@lmd.polytechnique.fr.

Cet article aborde de façon très synthétique les principes physiques du changement climatique, en partant du concept d'équilibre énergétique de la Terre, mécanisme essentiel définissant la température de la Terre et son évolution en lien avec les activités humaines. Il présente les fondamentaux de la modélisation numérique et les protocoles de simulation élaborés pour comprendre le système climatique et son évolution. Il introduit le concept de sensibilité climatique, propriété fondamentale du système climatique et diagnostic de l'amplitude du réchauffement climatique en réponse aux émissions cumulées de gaz à effet de serre. L'amplitude du changement climatique global est illustrée par les variables géophysiques dont le lien avec le réchauffement climatique est indubitable, puis les réponses et les impacts régionaux du changement climatique global sont discutés.

Climat et équilibre énergétique de la Terre

La source principale d'énergie de la Terre est le Soleil. L'équilibre radiatif de la Terre définit la température d'équilibre de la Terre et exprime l'équilibre entre l'énergie reçue et l'énergie perdue par le système climatique de la Terre, sol-atmosphère-océans.

L'apport d'énergie provient principalement du Soleil. Le rayonnement par le Soleil est émis principalement dans le domaine spectral du visible. Plus précisément, son spectre d'émission s'étend de l'ultraviolet à l'infrarouge en passant par le visible. Une partie de ce rayonnement est réfléchie par la surface terrestre, les surfaces claires comme la neige réfléchissant plus le rayonnement incident que les surfaces sombres. Le coefficient de réflexion est appelé albédo. L'albédo moyen de la Terre au sommet de l'atmosphère est environ 30 %, c'est-à-dire que 30 % du rayonnement incident est réfléchi vers l'espace. Le rayonnement visible absorbé par la Terre est donc la différence entre le rayonnement incident et le rayonnement réfléchi. Ce rayonnement absorbé chauffe la Terre qui va émettre à son tour. C'est ce que l'on appelle le rayonnement tellurique qui, selon la loi de Stefan, dépend de la température à la puissance 4. Sur une planète sans atmosphère, l'équilibre énergétique de la Terre impose que la quantité d'énergie absorbée soit réémise. Cet équilibre énergétique donne une température de surface de la Terre de –18 °C, contre une température observée d'environ +15 °C. Cette différence entre température observée et restituée par la relation d'équilibre énergétique vient de l'absence de prise en compte de l'atmosphère et que cette atmosphère a pour propriété d'être transparente au rayonnement visible et d'absorber le rayonnement émis par la Terre. Cette propriété est vérifiée par la présence de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, qui absorbent et émettent de l'énergie rayonnante dans le domaine de l'infrarouge thermique. Le principal gaz à effet de serre dans l'atmosphère terrestre est la vapeur d'eau dont l'origine est essentiellement naturelle.

Si l'on tient compte que la Terre a une atmosphère, alors cette fois l'équilibre énergétique de la planète tient compte de l'émission de rayonnement de l'atmosphère elle-même. L'équilibre énergétique est obtenu pour une température de +29 °C. Si cette température d'équilibre reste supérieure à celle observée du fait des hypothèses fortes utilisées (par exemple, transparence complète de l'atmosphère au rayonnement visible), elle s'en rapproche et montre surtout le rôle essentiel des gaz à effet de serre sur la température de la Terre. En absence de gaz à effet de serre naturels, tels que la vapeur d'eau ou l'ozone, la température atmosphérique moyenne à la surface du globe serait de –18 °C. C'est grâce à la présence de ces gaz à effet de serre que la température moyenne en surface est de +15 °C et que la Terre est habitable. De ce modèle simple d'équilibre énergétique, il ressort que la température de la Terre dépend du rayonnement solaire et de la présence d'une atmosphère contenant des gaz dont la propriété principale est d'absorber le rayonnement tellurique.

Une cause de variabilité de la température de la Terre est donc d'origine astronomique. Ainsi, le rayonnement solaire éclairant la planète Terre varie avec le temps en raison des changements de l'orbite de la Terre autour du Soleil. Les changements lents de l'orbite de la Terre sont dus aux interactions avec les autres planètes du système solaire dont trois composantes principales expliquent la variabilité orbitale de la Terre :

  • excentricité (période de 413 000 et 100 000 ans) ;

  • inclinaison (période de 41 000 ans) ;

  • précession (période de 23 000 et 19 000 ans).

Dans le passé, une augmentation de l'irradiance solaire dans le cycle astronomique de Milankovitch (ou théorie astronomique des changements climatiques), causée par une distance Terre-Soleil plus faible, s'est traduite par une augmentation de la température, une augmentation des émissions de dioxyde de carbone (CO2) par les océans et la biosphère et une augmentation des gaz à effet de serre produisant une rétroaction auto-entretenue. Actuellement une décorrélation de l'irradiance solaire et de la température est apparue du fait des émissions de gaz à effet de serre d'origine anthropique. Avec une concentration en gaz à effet de serre en constante augmentation du fait des activités humaines, la basse atmosphère s'étendant de la surface à environ 10 km-15 km se réchauffe pendant que la haute atmosphère se refroidit. Le système climatique se retrouve dans un état de déséquilibre entretenu, la température d'équilibre n'est pas atteinte et seule la stabilisation de la concentration des gaz à effet de serre peut permettre d'atteindre un nouvel état d'équilibre. Cette stabilisation dépend de nos actions présentes et futures.

Modélisation du climat

Comprendre le fonctionnement du système climatique et son évolution sous la pression anthropique nécessite de faire appel à la modélisation climatique. Dans la modélisation météorologique ou climatique, l'ensemble des équations de conservation de la quantité de mouvement, de l'énergie et de l'eau sont résolues numériquement par le modèle.

Figure 1
Maillage atmosphérique pour résoudre numériquement
les équations de conservation

Note : la partie des équations encadrées en pointillés représente le transport des variables atmosphériques entre les mailles, alors que la partie des équations encadrée de gris correspondent aux termes de source ou de puits dans la maille. Ces termes sont appelés « paramétrisations physiques ».

Source : Crédit : K. Cantner, American Geosciences Institute.

La résolution numérique des équations de conservation requiert un maillage artificiel, tridimensionnel du milieu à modéliser, ici l'atmosphère et l'océan (cf. figure 1). La zone géographique est découpée virtuellement en mailles de plusieurs kilomètres de côté. La taille de la maille conditionne le temps de calcul informatique. Les équations sont résolues à l'intérieur de chaque maille. Dans la résolution des équations, une partie traduit les échanges entre mailles et est résolue de façon explicite en discrétisant les équations aux dérivées partielles sur les mailles pour leur résolution numérique. Cette partie est identifiée en pointillés dans la figure 1. Certains phénomènes ne sont pas explicitement résolus et doivent être pris en compte dans les équations de conservation comme un terme source ou puits et sont entourés en gras dans la figure 1.

Ces termes source ou puits sont appelés « paramétrisations physiques » et leur élaboration constitue un domaine de recherche à part entière dans les sciences du climat. La paramétrisation est une méthode de remplacement par un processus simplifié des processus trop petits ou complexes pour être physiquement représentés dans un modèle numérique. Les exemples incluent la vitesse de chute des gouttes de pluie, les nuages convectifs, les simplifications du transfert radiatif atmosphérique, la microphysique des nuages, la turbulence, les échanges surface/atmosphère. Le nombre de processus à paramétrer est d'une vingtaine. Depuis l'avènement dans les années 1970 de la modélisation numérique comme outil d'analyse et de prévision du climat, les modèles ont fortement évolué. Tout d'abord, leur résolution spatiale s'est très fortement raffinée quelles que soient les applications du modèles en mode prévision du temps ou projection climatique. D'une résolution horizontale de plusieurs centaines de kilomètres pour le premier rapport du GIEC1 (FAR pour First Assessment Report), les modèles climatiques ont dans le dernier rapport du GIEC (AR5) une résolution de l'ordre d'une (ou inférieure à une) centaine de kilomètres. Les processus physiques paramétrés se sont multipliés et complexifiés. Très rudimentaires dans les années 1970, les modèles couplés pour la météorologie et le climat intègrent un très grand nombre de processus contrôlant le fonctionnement du système Terre (cf. figure 2 infra). Aujourd'hui, les modèles utilisés pour les simulations analysées dans le dernier rapport du GIEC (AR5) prennent en compte les processus physiques et chimiques qui se produisent dans l'atmosphère, à la surface du sol, dans la mer, au niveau des aérosols, du cycle du carbone (air-mer-terre), de la chimie atmosphérique, dans la dynamique de la végétation et dans les glaciers (cf. figure 2).

Figure 2
Phénomènes pris en compte suivant le niveau de modèle

Source : IPCC AR5 WG1 (2013).

La modélisation peut également être réalisée à l'échelle régionale pour pouvoir appliquer une résolution spatiale plus fine sans surcoût numérique rédhibitoire et obtenir ainsi une représentation plus réaliste des phénomènes atmosphériques. Dans ce cas, un sous-domaine est défini avec un maillage plus fin. La simulation à l'échelle globale est alors utilisée pour pouvoir fournir au modèle régional des conditions aux limites latérales à chaque pas de temps. Depuis le début des années 2000, des modèles régionaux du climat sont utilisés pour affiner la représentation des phénomènes météorologiques dans des régions données. C'est à l'aide de ce genre de modèle que des rapports régionaux d'évaluation du changement climatique sont également élaborés. C'est ainsi que le premier rapport pour la Méditerranée du MedECC2 (MAR1 pour First Mediterranean Assessment Report) a été publié en 2020 (MedECC, 2020).

Du point de vue méthodologique, plusieurs ensembles de simulations sont réalisés. Les simulations du climat préindustriel ou simulations de contrôle sont destinées à estimer la variabilité naturelle liée à la dynamique interne au système climatique. Cette estimation est réalisée grâce aux simulations de contrôle où l'influence des forçages externes est maintenue constante. On choisit traditionnellement les forçages de 1850, dits préindustriels.

Les simulations des 150 dernières années ou simulations historiques servent à étudier l'évolution du climat en réponse aux activités humaines observées. Dans ces simulations, l'évolution temporelle des forçages observés est imposée. Ces simulations démarrent en 1850 à partir de la simulation de contrôle, puis reçoivent un jeu de forçages observés pour étudier l'impact climatique de l'un des facteurs. L'évolution des gaz à effet de serre est ainsi prescrite dans les modèles. Il s'agit, par exemple, du dioxyde de carbone (CO2) produit par la combustion fossile dont la durée de vie est environ 100 ans, du méthane (CH4) d'origine agricole de durée de vie d'environ 10 ans et dont le pouvoir réchauffant est 20 fois supérieur au CO2, du protoxyde d'azote (N2O), sous-produit de la combustion fossile dont la durée de vie est environ 100 ans et le pouvoir réchauffant 300 fois supérieur au CO2. L'évolution des gaz à effet de serre est prescrite en fonction de mesures directes (depuis 1958 pour le CO2) ou indirectes quand elles proviennent des bulles d'air piégées dans les glaces, ainsi que l'évolution des concentrations d'aérosols, les changements d'usage des sols par les activités humaines, les variations du rayonnement solaire, les éruptions volcaniques majeures du xxe siècle.

Ces simulations de contrôle et simulations historiques sont essentielles pour attribuer les changements en cours aux activités humaines. La figure 3 compare les anomalies de température moyennes mondiales observées de trois ensembles de données d'observation aux simulations historiques des modèles de l'AR5 utilisant, d'une part, les forçages anthropiques et naturels combinés (cf. figure 3a), ou les forçages naturels uniquement (éruptions volcaniques, variation du rayonnement solaire) (cf. figure 3b). Toutes les séries chronologiques sont rapportées à une valeur de référence de 1901-1960. Il ressort d'abord que depuis l'ère préindustrielle, le climat s'est réchauffé de près de 1,1 °C. La courbe en tiret noir du graphique (a) est la moyenne de 36 simulations, tandis que son enveloppe grise représente ± 2 fois l'écart type. La courbe en pointillés noir du graphique (b) est la moyenne de 18 simulations utilisant uniquement des forçages naturels, tandis que son enveloppe grise représente ± 2 fois l'écart type. Les observations après environ 1980 se révèlent incompatibles avec les simulations utilisant uniquement des forçages naturels (indiquant un réchauffement détectable) et également cohérentes avec les simulations utilisant les forçages anthropiques et naturels combinés, ce qui implique que le réchauffement est attribuable en partie au forçage anthropique.

Figure 3
Comparaison des anomalies de température moyennes mondiales
observées de trois ensembles de données d'observation aux expériences
historiques des modèles climatiques utilisés pour les simulations
analysées dans le dernier rapport du GIEC (AR5) utilisant les forçages
anthropiques et naturels combinés, ou les forçages naturels uniquement

Source : Knutson et al. (2018).

Une autre manifestation observable de l'origine humaine du réchauffement climatique par l'augmentation des concentrations de gaz à effet de serre est le refroidissement de la stratosphère, la couche d'atmosphère qui s'étend entre typiquement 10 et 50 km d'altitude, au-dessus du niveau de radiation effectif (environ 6 km d'altitude) (cf. tableau infra).

Tableau
Estimations des tendances et des intervalles de confiance à 90 %
de la température globale, mesurée par les radiosondages
et sondeurs micro-ondes satellitaires, dans la basse troposphère (LT)
(0-5 km environ), la moyenne troposphère (MT) (5-10 km environ)
et la basse stratosphère (LS) (10-50 km environ)

Source : IPCC AR5 WG1 (2013).

Depuis l'ère préindustrielle, la concentration en CO2 a progressé d'environ 300 à environ plus de 410 parties par million. Avant l'ère industrielle, la concentration en CO2 a oscillé entre 180 et 300 parties par million, suivant le cycle de Milankovitch d'environ 100 000 ans.

Changement climatique global

Aujourd'hui, le climat s'est réchauffé de 1,1 °C par rapport à l'ère préindustrielle, du fait des émissions d'origine humaine de gaz à effet de serre. La façon dont cela va évoluer n'est pas à proprement parler prévisible, puisque la trajectoire va largement dépendre des actions que vont prendre les nations de la planète pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. L'analyse de l'évolution future du climat s'appuie cette fois sur les projections climatiques.

Les projections climatiques reposent sur l'élaboration de scénarios prospectifs. Les scénarios sont produits en utilisant des hypothèses démographiques et socioéconomiques qui sont converties en émissions de gaz à effet de serre. Concrètement, un scénario est une « représentation d'un avenir possible dans un but prospectif ». Il est exploratoire, doit être plausible, peut être simpliste ou idéalisé, voire même délibérément utopique ou inacceptable. Il est de coutume de ne pas envisager un, mais plusieurs scénarios. L'élaboration des scénarios pour les rapports du GIEC de 2001 et 2007 était séquentielle. Ces scénarios socioéconomiques, organisés en quatre familles (A1, A2, B1 et B2), étaient traduits en termes d'émissions de gaz à effet de serre et d'aérosols, utilisées ensuite comme données d'entrée des modèles simulant le climat futur. Les scénarios climatiques émergeant de ces simulations étaient à leur tour utilisés dans des modèles d'impacts (par exemple, sur les écosystèmes ou l'hydrologie), puis enfin utilisés dans des études socioéconomiques sur les impacts et l'adaptation aux changements climatiques. L'élaboration du dernier rapport du GIEC en 2013 reposait sur une approche parallèle. Quatre trajectoires d'émissions et de concentrations de gaz à effet de serre, d'ozone et d'aérosols, ainsi que d'occupation des sols baptisés RCP (Representative Concentration Pathways ; van Vuuren et al., 2011). À partir de ces scénarios de référence, les projections climatiques ont été réalisées utilisant les RCP comme entrée, tandis qu'en parallèle, les scénarios d'émission élaborés sur des hypothèses socioéconomiques ont été comparés aux scénarios RCP. Les quatre scénarios RCP d'évolution des concentrations des gaz à effet de serre ont été traduits en termes de forçage radiatif, c'est-à-dire de modification du bilan radiatif de la planète. Le bilan radiatif représente la différence entre le rayonnement solaire reçu et le rayonnement infrarouge réémis par la planète. Les scénarios RCP correspondent chacun à une évolution différente de ce forçage à l'horizon 2300. Plus la valeur du forçage radiatif est élevée, plus le système terre-atmosphère gagne en énergie et se réchauffe. Les quatre scénarios vont de 2,6 W.m−2 à 8,5 W.m−2 de forçage radiatif.

La figure 4 (infra) montre le changement de la température moyenne globale à la surface de la terre du milieu par rapport à la fin du xxe siècle pour trois des quatre scénarios présentés précédemment. Les courbes divergent à partir du début du xxie siècle. En gris foncé, le scénario le plus émetteur. Dans la partie droite de la figure 4, en gris clair, le scénario permettant de limiter le réchauffement global à 2 °C, en gris foncé le moins émetteur des scénarios intermédiaires. En fonction du scénario, le réchauffement pourrait être de 1 °C à 4 °C en moyenne.

Figure 4
Projections climatiques multimodèles utilisées dans le cadre du 5e rapport
du GIEC (AR5, 2013) de 1950 à 2100 pour la variation de la température
moyenne annuelle de la surface mondiale par rapport à 1986-2005

Note : la moyenne intermodèles des projections climatiques et l'incertitude associée (enveloppe) sont présentées dans la partie droite de la figure pour les scénarios RCP2.6 (gris foncé) et RCP8.5 (gris clair). Dans la partie gauche de la figure, la courbe noire (et l'enveloppe grise) correspond à l'évolution historique modélisée à l'aide de forçages historiques reconstruits. La moyenne et les incertitudes associées moyennes sur 2081-2100 sont données pour tous les scénarios RCP sous forme de barres horizontales. Le nombre de modèles utilisés pour calculer la moyenne multimodèles est indiqué.

Source : IPCC AR5 WG1 (2013).

Pour caractériser l'évolution de la température de l'atmosphère terrestre en réponse à un forçage radiatif donné, deux indicateurs sont utilisés traditionnellement : la sensibilité climatique à l'équilibre (ECS) et la réponse climatique transitoire (TCR). L'ECS donne une mesure du changement de température en réponse à un changement de la concentration de CO2 à l'équilibre, généralement un doublement de cette concentration. Cependant, le retour à l'équilibre du système climatique après un changement de forçage n'est pas instantané. En raison de la réponse lente des composants du système climatique tels que l'océan ou les calottes glaciaires, ce retour à l'équilibre peut prendre des siècles ou plus. Ainsi, aujourd'hui et dans un avenir proche, le système climatique ne devrait pas être à l'équilibre. La TCR est définie pour prendre en compte cette réponse transitoire du système climatique au forçage et ainsi mieux représenter le changement climatique attendu au cours du xxie siècle. En revanche, contrairement à l'ECS qui ne dépend que de la valeur initiale et de la dernière valeur de concentration de CO2, la réponse climatique transitoire dépend de la trajectoire vers le doublement du CO2. C'est pourquoi la TCR est précisément définie pour une augmentation continue de 1 % par an de la concentration de CO2 dans l'atmosphère jusqu'à un doublement. En d'autres termes, l'ECS détermine le réchauffement éventuel en réponse à la stabilisation de la composition atmosphérique sur des échelles de temps de plusieurs siècles, tandis que la TCR détermine le réchauffement attendu à un moment donné à la suite de toute augmentation régulière du forçage sur une période de 50 ans à 100 ans.

Pour évaluer la sensibilité climatique sont utilisés des enregistrements instrumentaux, des simulations climatiques et des enregistrements paléoclimatiques. Les mesures donnent des estimations pour la TCR d'environ 1,3 °C et l'ECS de 1,5 °C à 2,0 °C, ce qui se situe dans la gamme inférieure des projections issues des modèles climatiques. Les modèles utilisés pour le rapport AR5 du IPCC (2013) donnent l'ECS entre 2,1 °C à 4,7 °C pour un doublement de la concentration de CO2 et une TCR entre 1,1 °C et 2,6 °C, avec une prévision médiane de 1,8 °C. Il est à noter que les résultats issus des rapports successifs du GIEC évoluent avec la mise à jour régulière des modèles climatiques. Si la gamme d'évolution de la température a très peu varié au fil des rapports, un nombre important de modèles climatiques utilisés pour réaliser les simulations analysées pour l'élaboration du 6e rapport du GIEC montrent cependant une sensibilité climatique plus élevée que précédemment. Les données paléoclimatiques donnent une ECS entre 2 °C et 5,2 °C. La figure 5 (infra) résume la variabilité des estimations de la sensibilité climatique selon les sources de données (Knutti et Hegerl, 2008).

Figure 5
Estimations de la sensibilité climatique d'après différentes sources

Source : Knutti et Hegerl (2008).

Il y a donc une incertitude quant à la valeur de la sensibilité climatique. Une première source d'incertitude provient du fait que des rétroactions modifient la réponse brute à un doublement de la concentration de CO2. Il y a tout d'abord les rétroactions rapides avec, d'une part, la rétroaction de la vapeur d'eau, gaz à effet de serre. En effet, la teneur en vapeur d'eau évolue avec le réchauffement car un air plus chaud peut contenir plus d'humidité. Cette évolution se fait avec une humidité relative fixe, donc une humidité absolue croissante. La deuxième rétroaction rapide provient du gradient thermique qui augmente dans les régions polaires et diminue dans les régions tropicales. Enfin la rétroaction nuageuse est de loin la plus incertaine, à la fois dans sa compréhension, sa mesure et sa modélisation. Elle est très probablement positive. Enfin, il existe des rétroactions lentes comme la modification de l'albédo. Les calottes glaciaires et les surfaces enneigées ont un albédo élevé, si elles se rétractent du fait du réchauffement climatique, le sol plus sombre sera exposé aux rayonnements solaires et plus à même d'amplifier le processus de réchauffement. Enfin, le réchauffement climatique tend à faire fondre les sols gelés du pergélisol dans lequel sont séquestrés 1 700 Pg de carbone, soit près du double du réservoir de carbone atmosphérique actuel (MacDougall et al., 2012). L'incertitude provient principalement d'un refroidissement induit par les aérosols mal connu depuis le début de l'industrialisation et d'un refroidissement temporaire induit par l'évolution de la température de surface de la mer (Jiménez-de-la-Cuesta et Mauritsen, 2019). Cette étude récente a permis de réévaluer de +20 % la sensibilité climatique à partir des mesures. La sensibilité climatique estimée à partir des simulations utilisées pour l'AR5 est en bien meilleur accord avec ces nouvelles estimations issues d'observations.

Une condition nécessaire pour que la sensibilité climatique (ECS ou TCR) soit utilisée pour calculer la réponse du système climatique à une autre valeur de changement de CO2 est que le changement de la température moyenne globale soit proportionnel au changement de CO2 (relation linéaire). C'est ce que montre la figure 6a qui représente le changement de température moyenne globale par rapport à l'ère préindustrielle en fonction de la concentration cumulée de CO2 depuis l'ère préindustrielle. On constate effectivement une relation quasi linéaire entre les deux variables encadrées par une enveloppe traduisant l'incer titude de cette relation entre les modèles. Elle traduit que le réchauffement climatique dépend presque linéairement de la quantité de carbone émise, plutôt que des détails du scénario d'émission particulier3. La figure 6b montre la réduction d'émissions entre 2050 et 2010 nécessaire pour assurer la compatibilité avec les scénarios d'émission. En tenant compte de l'incertitude sur les émissions cumulées de CO2 pour chaque scénario, il ressort que les scénarios d'émission permettant de limiter le réchauffement planétaire à moins de 2 °C ce siècle4 se caractérisent par une réduction des gaz à effet de serre de 40 % à 70 % en 2050 par rapport à 2010 et des niveaux d'émissions proches ou inférieurs à zéro en 2100.

Figures 6

Figure 6a
Augmentation de la température moyenne à la surface du globe à l'époque
durant laquelle les émissions mondiales de CO2 atteignent un cumul net donné,
tracée en fonction de ce cumul, obtenue à partir de plusieurs sources de données

Figure 6b
Relation entre les émissions cumulées de CO2 des catégories de scénarios
et leur variation associée des émissions annuelles de gaz à effet de serre
d'ici à 2050 par rapport à 2010

Note : la zone grisée de la figure 6a représente la dispersion des projections passées et futures obtenues grâce à différents modèles de climat et cycle du carbone prenant en compte les séries historiques d'émissions et les quatre RCP pour toute la période jusqu'à 2100 ; elle s'estompe à mesure que le nombre de modèles disponibles diminue. Les ellipses représentent le rapport entre le réchauffement anthropique total en 2100 et le cumul des émissions de CO2 de 1870 à 2100, obtenu à l'aide d'un modèle climatique simple (réponse climatique médiane) suivant les catégories de scénarios utilisées par le WG 3. En ce qui concerne la température, le petit axe des ellipses correspond à l'impact de différents scénarios pour les facteurs climatiques différents du CO2. L'ellipse noire pleine représente les émissions observées jusqu'à 2005 et les températures observées au cours de la décennie 2000-2009 avec les incertitudes correspondantes.

Source : IPCC AR5 WG1 (2013).

Les conséquences globales du réchauffement climatique ne se réduisent pas à la température. L'évolution de certaines variables géophysiques est indubitablement la résultante du réchauffement climatique en lien direct avec l'augmentation des concentrations de gaz à effet de serre. Il s'agit en particulier de l'évolution de l'étendue de la glace de mer et des calottes glaciaires, de la montée du niveau des océans et de l'acidification des océans. La figure 7a (infra) montre en particulier l'évolution de la glace de mer dans l'Arctique et quantifie à partir de moyennes multimodèles des réductions variant de 43 % pour RCP2.6 à 94 % pour RCP8.5 en septembre. Un océan Arctique presque libre de glace en septembre avant le milieu du siècle est probable pour RCP8.5, mais elle ne peut en revanche être estimée avec confiance pour les autres scénarios. L'absorption de CO2 anthropique par l'océan devrait se poursuivre sous les quatre scénarios jusqu'en 2100, avec une absorption plus élevée pour les scénarios de concentration plus élevée (confiance très élevée).

Figure 7
Similaire à la figure 4, mais pour l'étendue de la glace de mer
en septembre dans l'hémisphère Nord (figure 7a)
et pour le pH de la surface des océans du globe (figure 7b)

Source : IPCC AR5 WG1 (2013).

Cette absorption croissante de carbone par l'océan augmente l'acidification des océans et réduit donc le pH avec des conséquences désastreuses pour les écosystèmes marins (dissolution des récifs coralliens, fragilisation des coquilles des mollusques, remplacement du phytoplancton de grande taille par des espèces plus petites impactant ainsi la chaîne alimentaire) (cf. figure 7b supra). Une autre variable dont l'évolution observable est attribuable au réchauffement climatique est le niveau global des océans (cf. figure 8). La confiance dans les projections de l'élévation du niveau moyen de la mer dans le monde a augmenté depuis le 4e rapport d'évaluation du GIEC (AR4, 2007) en raison de la meilleure compréhension physique des composantes du niveau de la mer, de la meilleure concordance des modèles basés sur les processus avec les observations et de l'inclusion des changements dynamiques de la calotte glaciaire. L'élévation moyenne mondiale du niveau de la mer pour 2081-2100 par rapport à 1986-2005 devrait se situer entre 0,26 m et 0,55 m pour le RCP2.6, 0,32 m à 0,63 m pour le RCP4.5, 0,33 m à 0,63 m pour le RCP6.0 et 0,45 m à 0,82 m pour RCP8.5. Dans les projections, l'expansion thermique représente 30 % à 55 % de l'élévation du niveau moyen de la mer dans le monde au xxie siècle, et les glaciers 15 % à 35 %.

Figure 8
Similaire à la figure 4, mais pour le niveau moyen
des océans à l'échelle globale

Source : IPCC AR5 WG1 (2013).

Si ces variables sont l'expression la plus évidente du réchauffement climatique en lien avec les activités humaines, d'autres variables ont une évolution encore incertaine avec de grandes disparités spatiales rendant complexe l'établissement de stratégies d'adaptation.

Projections régionales du changement climatique

Pour progresser sur les questions d'adaptation locale au changement climatique, il est important de comprendre que l'évolution du climat varie très significativement d'une région à l'autre. Cela est dû au fait que la Terre a une forme quasi sphérique. Le rayonnement solaire varie donc en fonction de la distance entre le Soleil et un point à la surface de la Terre. Cette hétérogénéité spatiale du rayonnement est alors le moteur de la circulation globale de l'atmosphère et de la formation des grandes régions climatiques (cf. figure 9 infra). Ainsi, le rayonnement est maximal à proximité de l'équateur et le plus faible au pôle. Au cours de l'année, la distribution spatiale du rayonnement solaire se déplace sur l'axe nord-sud, en lien avec la variation de l'inclinaison axiale de la Terre qui définit les saisons. Le rayonnement à la surface a un effet immédiat sur le champ de pression. Dans les régions les plus ensoleillées, l'air s'échauffe et sa densité diminue. Il devient plus léger. La pression à la surface de la Terre étant égale au poids de la colonne d'air sur une unité de surface, il en résulte que ces régions fortement ensoleillées correspondent à des zones de basses pressions. Au contraire, dans les régions faiblement ensoleillées, l'air est plus froid et donc plus dense. Ces régions correspondent à des zones de relatives plus hautes pressions.

Figure 9
Représentation idéalisée de la circulation globale atmosphérique

Source : didacticiel de télédétection de la NASA ; avec la permission de N. M. Short.

Ces variations spatiales de pression génèrent les vents qui transportent l'énergie des régions excédentaires (l'équateur) vers les régions déficitaires (les pôles). Si la Terre ne tournait pas sur elle-même et s'il n'y avait pas de continent, alors une unique cellule atmosphérique se formerait. En pratique, l'air chaud monterait à l'équateur, serait transporté vers les pôles en altitude, se refroidirait le long du transport, puis l'air froid descendrait aux pôles, le tout formant une cellule fermée en vertu de la conservation de la masse. Mais la répartition inégale des terres et des océans et la vitesse de la rotation de la Terre rend la circulation atmosphérique plus complexe, et finalement trois cellules atmosphériques existent dans les hémisphères Nord et Sud (cf. figure 9 infra). Les plus grandes cellules sont les cellules de Hadley à l'équateur. L'air chaud moins dense monte. Il culmine à une quinzaine de kilomètres, altitude de la région de l'atmosphère appelée tropopause. La tropopause agit comme un couvercle pour la partie la plus basse de notre atmosphère que l'on appelle l'atmosphère météorologique où se déclenchent tous les phénomènes météorologiques. L'air chaud se répand vers les pôles, se refroidissant et s'enfonçant progressivement avant de redescendre à la surface vers environ 30° de latitude et de retourner à l'équateur. Les plus petites cellules sont les cellules polaires. L'air dense et froid qui descend dans les régions polaires s'écoule à basse altitude jusqu'à environ 60 degrés nord ou sud. Lorsque l'air quitte les régions polaires, il commence à se réchauffer, à s'alléger et à monter avant son retour vers les pôles en altitude. Entre les cellules de Hadley et les cellules polaires se trouvent les cellules de Ferrel. Contrairement aux autres cellules, les cellules de Ferrel ne sont pas influencées par la température. Ces cellules s'écoulent dans le sens opposé à celui de Hadley et les cellules polaires agissent comme un engrenage. Ces cellules transportent non seulement la chaleur de l'équateur vers les pôles, mais aussi participent à la formation de zones semi-permanentes de haute et basse pression associées aux branches montantes et descendantes des cellules qui constituent nos zones climatiques. Là où l'air monte, une zone de basse pression est créée et ces zones favorisent la formation de nuages et de précipitations. C'est pourquoi les plus grandes zones de forêts tropicales humides se trouvent près de l'équateur et que l'Europe a un climat relativement humide. Là où l'air descend, une zone de haute pression se forme avec un ciel généralement dégagé et peu de précipitations conduisant aux régions désertiques. Mais tous les déserts ne sont pas chauds. L'Antarctique se trouve sous la branche descendante de la cellule polaire et est également classé comme un désert avec plus de précipitations tombant dans le Sahara. L'Antarctique est le plus grand et le plus sec des déserts.

Ces zones climatiques évoluent de façon différente sous l'action du réchauffement global en particulier en ce qui concerne le cycle de l'eau. Les précipitations à l'échelle mondiale devraient augmenter progressivement au xxie siècle. L'augmentation des précipitations devrait être beaucoup plus faible (environ 2 % °C-1) que le taux d'augmentation de la vapeur d'eau troposphérique (environ 7 % °C-1 selon la loi de Clausius-Clapeyron). Les changements de précipitations moyennes dans un monde beaucoup plus chaud ne seront pas uniformes, certaines régions connaissant des augmentations et d'autres des diminutions ou pas de changements. Les masses terrestres des hautes latitudes sont susceptibles de subir de plus grandes quantités de précipitations en raison de la capacité de transport d'eau supplémentaire de la troposphère plus chaude. De nombreuses régions arides et semi-arides de latitude moyenne et subtropicale connaîtront probablement moins de précipitations. Ces régions correspondant aux branches descendantes des cellules de Hadley qui apportent au sol de l'air chaud et sec. Mais au cours des dernières décennies, les cellules de Hadley se sont allongées en direction des pôles, ce qui a entraîné un élargissement des zones subtropicales où l'air sec plonge vers le sol. Cet élargissement pourrait être dû au réchauffement climatique qui, réduisant les contrastes de pression autour de la tropopause, augmenterait la stabilité des masses d'air et repousserait plus loin vers les pôles la descente d'air sec (Lu et al., 2007). Les projections régionales à l'échelle mondiale de l'humidité du sol et des sécheresses restent relativement incertaines par rapport à d'autres aspects du cycle de l'eau. Néanmoins l'assèchement dans les régions de la Méditerranée, du sud-ouest des États-Unis et de l'Afrique australe (par exemple, MacDonald, 2010 ; Morales et al., 2015 ; Drobinski et al., 2020) est cohérent avec les changements prévus dans la circulation de Hadley. La diminution du débit des rivières est probable dans le sud de l'Europe et au Moyen-Orient. Une augmentation des débits est probable aux hautes latitudes, compatible avec l'augmentation prévue des précipitations dans cette région. Concernant les extrêmes, il est pratiquement certain que des augmentations de fréquence et d'amplitude des températures extrêmes quotidiennes chaudes et des diminutions des températures froides se produiront à l'échelle mondiale. Il est probable que l'intensité des précipitations extrêmes augmentera au xxie siècle dans de nombreuses régions du globe (par exemple, Drobinski et al., 2017 pour la Méditerranée). Les fortes précipitations associées aux cyclones tropicaux augmenteront probablement également avec le réchauffement climatique (Walsh et al., 2019). L'évolution des précipitations extrêmes implique des changements possibles dans les inondations, bien que dans l'ensemble, la confiance dans les projections des changements des inondations soit faible.

Finalement, le risque régional associé au changement climatique résulte, d'une part, des aléas climatiques (extrêmes et tendance) et, d'autre part, de la vulnérabilité et l'exposition des systèmes humains et naturels, y compris leur capacité d'adaptation. L'augmentation de l'ampleur du réchauffement et d'autres changements du système climatique, accompagnés d'une acidification des océans, augmentent le risque d'impacts catastrophiques et, dans certains cas, irréversibles. Certains risques sont particulièrement pertinents pour chaque région, tandis que d'autres sont mondiaux (cf. figure 10 supra). Les risques globaux des futurs impacts du changement climatique peuvent être réduits en atténuant le changement climatique, y compris l'acidification des océans. Les niveaux précis de changement climatique suffisants pour déclencher des changements brusques et irréversibles restent incertains, mais le risque associé au franchissement de ces seuils augmente avec l'augmentation de la température. Pour l'évaluation des risques, il est important d'évaluer la plus large gamme possible d'impacts, y compris les résultats à faible probabilité avec des conséquences importantes.

Figure 10
Risques clés représentatifs pour chaque région, y compris le potentiel
de réduction des risques par l'adaptation et l'atténuation,
ainsi que les limites de l'adaptation

Note : chaque risque clé est évalué comme étant très faible, faible, moyen, élevé ou très élevé. Les niveaux de risque sont présentés pour trois périodes : présente, à court terme (ici, pour 2030-2040) et à long terme (ici, pour 2080-2000). À court terme, les niveaux projetés d'augmentation moyenne de la température mondiale ne divergent pas sensiblement d'un scénario d'émission à l'autre. À long terme, les niveaux de risque sont présentés pour deux futurs possibles (augmentation de la température moyenne mondiale de 2 °C et 4 °C au-dessus des niveaux préindustriels). Pour chaque période, les niveaux de risque sont indiqués pour la poursuite de l'adaptation actuelle et en supposant des niveaux élevés d'adaptation actuelle ou future. Les niveaux de risque ne sont pas nécessairement comparables, en particulier entre les régions.

Source : IPCC AR5 Synthesis Report (2014).

Conclusion

Aujourd'hui le climat s'est réchauffé de 1,1 °C par rapport à l'ère préindustrielle avec une forte accélération depuis une trentaine d'années. Quoiqu'il arrive le seuil de 1,5 °C de réchauffement climatique devrait être franchi d'ici environ quinze ans. Et malheureusement, très vraisemblablement, le seuil de 2 °C de réchauffement climatique devrait être atteint dans environ trente ans. Ce seuil sera-t-il effleuré ou dépassé ? Tout se joue maintenant et pour cela, il faut dès à présent réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre. Dans le secteur de l'énergie, maintenir le réchauffement climatique en dessous de la limite de 2 °C est un défi d'une ampleur inégalée qui implique que la fraction des technologies bas-carbone atteigne près de 65 % en production d'énergie primaire et près de 100 % pour l'électricité, et cela en trente ans. À l'échelle de temps des politiques publiques, de la planification énergétique, c'est demain. Et pour ce défi majeur, la recherche scientifique est nécessaire car il n'existe pas de solution globale sur étagère. La formation est essentielle pour éduquer ingénieurs et décideurs aux questions de changement climatique et transition énergétique car l'ignorance est un frein à l'action. Enfin, l'urgence climatique impose de déployer très rapidement les solutions par les acteurs publics et industriels. Pour répondre au défi du changement climatique et de la transition énergétique, il est nécessaire d'étudier les problèmes de façon systémique en intégrant toute leur complexité. L'interdisciplinarité doit être au coeur de la démarche.


Notes

1 Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC, en anglais Intergovernmental Panel on Climate Change, IPCC) créé en 1988.
2 Mediterranean Experts on Climate and Environmental Change (MedECC) créé en 2015.
3 C'est pour cela que la réduction conjoncturelle des émissions de gaz à effet de serre observée durant la pandémie de la Covid-19 en 2020 ne devrait avoir aucune incidence sur la trajectoire du réchauffement climatique si une réduction d'émissions plus structurelle n'est pas mise en place.
4 La limite de 2 °C de réchauffement climatique « acceptable » a été fixée à Copenhague lors de la COP15 (Conference of Parties) en 2009 et a été au centre des négociations lors de la COP21 qui ont abouti à l'Accord de Paris. Ce seuil a été proposé en référence à une période du passé, où cette température moyenne avait été atteinte sans qu'il se produise de catastrophe climatique. Néanmoins, comme l'évolution du climat n'est pas linéaire, il n'y a aucune certitude qu'au-delà d'un réchauffement global de 2 °C ne survienne un emballement climatique, en réponse à des phénomènes encore mal appréciés comme l'augmentation des émissions de méthane dans l'atmosphère provoquée par la fonte du pergélisol. La prudence incite donc à respecter cette limite des 2 °C, qui n'est pas absolue mais qui, si elle était dépassée, augmenterait le risque d'une bifurcation aux conséquences potentiellement dramatiques.