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 Quelles priorités européennes pour les assureurs mutualistes ?


Grzegorz BUCZKOWSKI * Président, AMICE (Association des assureurs mutuels et coopératifs en Europe) ; directeur général, Saltus TUW (Pologne). Contact : secretariat@amice-eu.org.

Les assureurs mutualistes et coopératifs européens profitent aux consommateurs, aux entreprises et plus largement à la société car leurs activités sont tournées vers la satisfaction de leurs membres et détenteurs de polices plutôt que vers celle d'investisseurs extérieurs. La part de marché de ces entreprises a augmenté de manière significative au cours des dix dernières années accroissant ainsi la sécurité à long terme des assurés et diffusant les bénéfices socioculturels de leur modèle plus largement dans l'Union européenne. Cet article utilise les résultats d'une étude longitudinale détaillée des différents indicateurs clés des assureurs mutualistes et coopératifs européens, en particulier le type d'activité, les primes perçues, les actifs détenus et les parts de marché globales, pour analyser l'intérêt de ce modèle dans le contexte européen et identifier en quoi le système européen actuel ne favorise pas la diversité structurelle des différents modèles. Des approches différentes entre pays membres de l'UE et également de l'AELE se traduisent par l'existence de formes juridiques différentes qui entraînent des incohérences dans la reconnaissance et le traitement appliqué aux mutuelles et coopératives d'assurance. Le cadre réglementaire européen pour les assurances, Solvabilité II, ne reflète pas parfaitement le principe de proportionnalité et impacte de ce fait fortement les petites sociétés d'assurance européennes dont environ la moitié sont de nature mutualiste. Pour les assureurs mutualistes européens, l'amélioration du cadre réglementaire est dont la première priorité.

Ce qui caractérise les assureurs mutualistes et coopératifs et les différencie des sociétés d'assurance cotées en bourse, c'est qu'ils agissent dans l'intérêt de leurs sociétaires/assurés et non au profit d'investisseurs extérieurs. Les assureurs mutualistes et coopératifs mettent donc davantage l'accent sur le long terme que les sociétés d'assurance cotées en bourse, notamment en ce qui concerne leurs relations avec leurs sociétaires/assurés. Cela se manifeste également dans l'approche que de nombreux assureurs mutualistes et coopératifs adoptent envers les produits et le traitement des sinistres, les responsabilités socioéconomiques, la gouvernance démocratique et la durabilité, le tout dans un cadre éthique et durable.

Au début des années 2000, le modèle mutualiste et coopératif avait perdu en popularité en Europe. Avec l'éclatement de la crise financière mondiale, la tendance s'est largement inversée. Les assureurs mutualistes et coopératifs en Europe ont alors enregistré une plus forte hausse de leurs revenus de primes que le reste du marché européen de l'assurance, conséquence d'une fuite vers la qualité et la sécurité dans un contexte de profonde instabilité économique. Cette hausse des revenus de primes coïncidait avec une baisse du nombre global d'assureurs mutualistes et coopératifs en Europe, passé de plus de 3 500 en 2007 à moins de 2 500 en 2015 pour les entreprises d'assurance ayant la forme juridique d'une mutuelle ou d'une coopérative.

L'un des principaux problèmes du secteur de l'assurance mutualiste en Europe est le manque de cohérence entre les vingt-huit États membres de l'UE (Union européenne) et les quatre pays de l'AELE (Association européenne de libre-échange) en matière de reconnaissance juridique et de traitement réglementaire des assureurs mutualistes et coopératifs. Cette disparité est aggravée par la directive Solvabilité II qui prévoit en théorie une harmonisation maximale du secteur de l'assurance à l'échelle européenne, mais a en réalité été appliquée de façon quelque peu décousue pour les assureurs mutualistes. Tous les États n'ayant pas adopté la même position en matière de proportionnalité, les régimes mis en œuvre varient d'un pays à l'autre. Pour leur part, les petits assureurs ne font pas l'objet du même traitement réglementaire, au titre des dispositions de l'article 4 de la directive.

En fin de compte, cette directive a des répercussions contradictoires et potentiellement injustes pour les sociétaires/assurés des différents États membres. Elle dresse en outre des barrières à l'entrée et entrave les activités transfrontalières. Cette réglementation inutilement lourde appliquée au détriment des sociétaires/assurés est au cœur des préoccupations des assureurs mutualistes et coopératifs européens. À cela s'ajoutent les orientations du processus Lamfalussy pour l'élaboration de la législation européenne qui n'agissent pas en la faveur des assurés.

Ainsi, même si les assureurs mutualistes et coopératifs représentent une part importante du marché européen de l'assurance (plus de 30 %), la législation actuelle ne prend pas correctement en compte leur structure et ne sert donc pas au mieux les intérêts du consommateur.

Du point de vue socioéconomique, le secteur joue un rôle important pour la stabilité et la durabilité. En 2015, près de 430 millions de sociétaires/assurés étaient couverts par des assureurs mutualistes et coopératifs qui employaient environ 460 000 personnes. Le total des actifs du secteur avoisinait les 3 000 Md€, ce qui témoigne de l'importance du secteur en matière d'investissement et de couverture des risques.

L'une des priorités des assureurs mutualistes est de faire en sorte que les différents modèles d'entreprise soient correctement pris en compte dans le traitement et l'application des initiatives réglementaires à l'échelle nationale et européenne. Les nouvelles initiatives européennes impliquant des conséquences à long terme, en matière de finance durable ou de retraite par exemple, doivent veiller à tenir compte du modèle mutualiste.

Quelles priorités européennes
pour les assureurs mutualistes ?

Les assureurs mutualistes et coopératifs sont présents depuis longtemps en Europe. Leur vocation est de servir les intérêts de leurs clients/assurés et non d'agir au profit d'investisseurs extérieurs. L'absence de contrainte de rémunération à court terme des investisseurs leur permet de nouer des relations à long terme. Leurs valeurs les engagent à agir dans l'intérêt de leurs sociétaires/assurés. Ils sont donc à l'écoute des besoins de leurs clients, qui leur font davantage confiance qu'aux autres institutions financières, ce qui se traduit par une forte responsabilité envers les clients.

Dans de nombreux cas, les assureurs mutualistes ont été créés pour répondre à un besoin précis à un endroit donné, il y a de cela plusieurs décennies ou même plusieurs siècles. Au fil du temps, ils ont suivi différentes voies, certains sont restés petits et très spécialisés, tandis que d'autres figurent aujourd'hui parmi les plus grands assureurs en Europe. Si les assureurs mutualistes ont toujours existé dans certains pays d'Europe, comme en France où ils s'inscrivent dans une approche sociale des services financiers, les différentes perspectives nationales en matière de mutualité ont parfois pesé, avec des hauts et des bas, sur la prospérité du secteur.

Après un déclin généralisé de la popularité des assureurs mutualistes et coopératifs à l'échelle paneuropéenne à la fin des années 1990 et au début des années 2000, les assurés européens ont réagi à l'incertitude et à l'instabilité provoquées par la crise financière en se tournant à nouveau vers les assureurs mutualistes et coopératifs. Cette tendance a été attribuée à divers facteurs et généralement associée au désir de stabilité, de sécurité et de confiance des assurés, témoignant du fait que les assureurs mutualistes sont plus résilients face aux ralentissements économiques que les sociétés d'assurance cotées en bourse. Les assureurs mutualistes et coopératifs ont ainsi vu augmenter leur part du marché européen : elle est passée de 24 % en 2007 à 31 % en 2016, alors même que la croissance globale du marché était limitée.

De 2007 à 2015, le cadre réglementaire du secteur de l'assurance de l'Union européenne a fait l'objet d'une profonde refonte en un système commun et harmonisé régi par la directive Solvabilité II, entrée en vigueur au début de 2016. Au cours de cette période, les institutions financières européennes ont été confrontées à une crise financière mondiale. La directive Solvabilité II, initialement basée sur des principes, a alors été révisée pour imposer un cadre réglementaire plus détaillé. Les conditions macroéconomiques défavorables ont persisté à la suite de la crise financière, comme en témoignent la croissance économique en berne, les faibles taux d'intérêt et les forts taux de chômage dans la zone euro.

Conséquence de la crise, le contexte persistant de taux d'intérêt ultra-bas a constitué un défi permanent pour les assureurs au cours de la dernière décennie, en particulier pour ceux qui proposent des garanties et des produits à long terme. Le marché européen de l'assurance a globalement bien résisté face aux profondes difficultés engendrées par la crise financière, mais les inquiétudes suscitées par son éventuel impact systémique sur les économies européennes et sur certains aspects de la protection des assurés ont renforcé la portée et la profondeur des exigences de la directive Solvabilité II et intensifié la pression sur la viabilité des assureurs opérant en Europe. Les assureurs mutualistes et coopératifs varient en termes de taille et de secteur d'activité, des plus grands aux plus petits acteurs européens du secteur. Tous partagent le principe de solidarité et s'attachent à répondre aux besoins de leurs membres plutôt que d'apporter des rendements à des investisseurs extérieurs. Les difficultés qui découlent des changements apportés au cadre réglementaire concernent tous les assureurs du secteur, indépendamment de leur taille. Toutefois, ce sont les petites entités qui sont le plus pénalisées par les exigences de la directive Solvabilité II, sachant qu'environ la moitié des PME d'assurance en Europe sont des sociétés mutualistes d'assurance. Au cours des trois années qui ont suivi l'entrée en vigueur de la directive Solvabilité II, les effets du nouveau cadre réglementaire ont obligé les petits assureurs mutualistes et coopératifs à mettre en œuvre des stratégies d'adaptation (des partenariats avec des entités similaires, par exemple) ou même dans certains cas à cesser leurs activités. La diversité apportée par les assureurs mutualistes et coopératifs au secteur européen de l'assurance est donc compromise, au risque de réduire l'éventail d'options proposées aux assurés et de limiter la concurrence en Europe.

Conformément aux exigences du Traité de Rome, le « principe de proportionnalité » est inhérent à la directive Solvabilité II. Le principe de proportionnalité stipule que les exigences réglementaires doivent être proportionnées « à la nature, à la taille et au degré de complexité » de tous les assureurs soumis à la directive Solvabilité II. La directive prévoit des dispositions spécifiques pour les petits assureurs en Europe (ceux dont l'encaissement de primes brutes est inférieur à 5 M€, dont le total des provisions techniques n'excède pas 25 M€ et qui remplissent également plusieurs autres critères). Ces dispositions les excluent du cadre réglementaire paneuropéen pour les soumettre à un cadre local défini par l'autorité de surveillance nationale de chaque État. En pratique, cela s'est traduit par l'application de systèmes disparates dans toute l'Europe. Certains petits assureurs au sens de l'article 4 restent même soumis à la pleine application de la directive Solvabilité II par décision des autorités nationales. Dans ces conditions, il est évident que l'application du principe de proportionnalité aux assureurs soumis à la directive Solvabilité II risque elle aussi d'être inégale et disparate. C'est effectivement le cas et c'est ce qui nous amène à la première priorité européenne pour les assureurs mutualistes : faire en sorte que le cadre réglementaire mis en place dans toute l'Europe en 2016 assure un traitement proportionné et approprié. L'EIOPA (Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles) révise actuellement certains aspects de la directive Solvabilité II dans le cadre de la transition de la phase d'élaboration de la réglementation vers la phase de mise en œuvre. Avec la révision de la directive Solvabilité II prévue pour 2020, la définition de seuils pour l'application de la directive et le traitement de la proportionnalité revêtent donc une importance particulière.

Le marché européen de l'assurance mutualiste

La communauté des assureurs mutualistes et coopératifs en Europe est par nature fortement hétérogène. Certaines entités ont été créées pour répondre aux besoins spécifiques de groupes professionnels ou d'associations agricoles, tandis que d'autres sont de grandes entités plus diversifiées. La diversité des types d'entreprises d'assurance du secteur et des facteurs à l'origine de leur création et de leur pérennité se traduit par des différences en termes de part de marché et de traitement d'un pays à l'autre.

À la suite de la crise financière, les assureurs mutualistes et coopératifs européens ont enregistré une forte croissance de leurs revenus de primes, contrastant avec l'expérience du marché européen de l'assurance dans son ensemble. La croissance de cette part de marché a toutefois ralenti ces dernières années. Malgré ce ralentissement, les statistiques indiquent que les assureurs mutualistes et coopératifs en Europe restent les assureurs privilégiés par une part significative des assurés au lendemain de la crise financière. Ainsi, la « fuite vers la qualité » et la sécurité des assurés à la suite de la crise n'ont pas été supplantées par d'autres facteurs, notamment la concurrence des sociétés d'assurance cotées en bourse.

Certains affirment que la base traditionnelle du modèle mutualiste et coopératif, quoique résistante grâce à la relation étroite que tissent les assureurs mutualistes avec leurs membres, pourrait être mise en difficulté par leur lenteur et leur absence de réactivité face aux fluctuations du marché. La capacité à innover et les gains d'efficacité sont considérés comme des facteurs essentiels pour relever un tel défi. Cependant, la relation étroite entre les assureurs et leurs sociétaires/assurés leur procure un avantage face à la concurrence. Certains font au contraire valoir que la petite taille de nombreux assureurs mutualistes leur permet d'être plus flexibles face aux exigences et aux demandes de leurs assurés, grâce là encore à leurs relations étroites.

En ce qui concerne la mutualité, la plupart des pays européens reconnaissent la forme mutualiste et (ou) coopérative à divers degrés. Toutefois, cela n'est pas le cas dans tous les États membres de l'UE. Les structures prévues par les différentes législations locales sont les suivantes : coopératives d'assurance mutualiste uniquement, assureurs coopératifs uniquement, assureurs mutualistes uniquement, assureurs mutualistes et assureurs coopératifs (avec certaines particularités locales) et aucune structure prévue.

Les seize premiers pays en termes de part de marché des assureurs mutualistes et coopératifs sont tous dotés de systèmes juridiques qui reconnaissent le modèle mutualiste et (ou) coopératif. Toutefois, cela n'est pas nécessairement représentatif de la portée de la reconnaissance juridique ou de la part de marché. Le tableau change dès lors que l'on prend en compte une définition élargie des assureurs mutualistes et coopératifs. Par exemple, en termes de part de marché des assureurs mutualistes et coopératifs, l'Autriche était le plus grand marché au monde en 2015 avec plus de 60 % du marché national. Pourtant, moins de 4 % des parts de marché étaient détenues par des entreprises d'assurance ayant la forme juridique d'une mutualiste ou d'une coopérative. La législation autrichienne comporte des règles spécifiques qui régissent la création, l'organisation, le financement, la liquidation et la fusion des compagnies d'assurance mutualiste ainsi que des dispositions spéciales pour les petites sociétés d'assurance mutualiste, mais rien concernant les coopératives d'assurance. Les filiales des assureurs mutualistes et coopératifs détenaient également moins de 4 % des parts de marché. Toutefois, en incluant les assureurs de type mutualiste et coopératif, la part de marché totale du secteur atteignait 60,5 %.

Pour sa part, la Suède reconnaît les formes juridiques de la société coopérative européenne (SCE) et de la société d'assurance mutualiste, qui représentaient 36,8 % des parts de marché en 2015, soit la part la plus importante en Europe pour les entreprises d'assurance ayant la forme juridique d'une mutualiste ou d'une coopérative. En élargissant la définition, cette part de marché atteignait 47,6 %, faisant de la Suède le cinquième plus grand marché européen en termes de part de marché totale des assureurs mutualistes et coopératifs.

La Slovaquie constitue, quant à elle, un cas particulier concernant la part de marché des assureurs mutualistes et coopératifs et la reconnaissance de leur forme juridique. Alors que la législation slovaque ne différencie ni les assureurs mutualistes, ni les assureurs coopératifs des autres structures, 47,8 % du marché de l'assurance étaient détenus par le secteur en 2015, essentiellement par des assureurs de type mutualiste et coopératif.

Graphique 1
Part du marché européen par définition, 2015

Source : ICMIF.

L'assurance mutualiste était présente sur trente-six marchés européens et représentait plus d'un quart du marché national de l'assurance dans quatorze pays en 2016. Les assureurs mutualistes détenaient plus de 40 % du marché dans huit des quinze plus grands marchés européens, dont trois des cinq plus grands (France, Allemagne et Pays-Bas). C'est en Autriche (60,4 %) que la plus forte pénétration de l'assurance mutualiste aura été observée en Europe en 2016.

Les différences locales en matière de législation ont d'autres conséquences : elles entravent notamment les activités transfrontalières en raison de la disparité des systèmes juridiques applicables en Europe. Ces barrières peuvent empêcher la création de réseaux mutualistes ainsi que les activités d'assurance directe, théoriquement favorisées par le principe de liberté de prestation de services.

La directive Solvabilité II prévoit une approche réglementaire différente pour les petits assureurs en Europe. En effet, elle n'impose aucun système réglementaire spécifique aux petits assureurs tels que définis par l'article 4 : la décision concernant la réglementation de ces entités est laissée aux mains de chaque État. Selon les critères de l'article 4, l'encaissement annuel de primes brutes émises par l'entreprise ne doit pas excéder 5 M€, le total des provisions techniques de l'entreprise ne doit pas excéder 25 M€ et l'entreprise ne doit pas couvrir les risques de responsabilité civile, de crédit et de caution. En pratique, l'article 4 a été mis en œuvre de façon décousue : pas de dispositions spécifiques, traitement identique aux autres assureurs ou encore régime d'exemption totale. Dans ce dernier cas, les conditions d'exemption varient fortement d'un État à l'autre. Les critères de l'article 4 ont été définis il y a de nombreuses années, au cours des premières étapes du développement des propositions de la directive Solvabilité II. La pertinence des seuils définis peut donc être remise en question : en tant que seuils absolus, ils ne correspondent pas aux différents environnements de marché de l'UE.

Sur une base longitudinale, le nombre d'assureurs mutualistes et coopératifs en Europe a fortement baissé entre 2007 et 2015 (cf. graphique 2 infra), à l'instar de l'ensemble du marché de l'assurance au cours de la même période et en conséquence des opérations de consolidation dans le secteur. Au cours de cette même période, les assureurs mutualistes et coopératifs ont enregistré une forte hausse de leurs revenus de primes, en particulier pour les entreprises d'assurance ayant la forme juridique d'une mutualiste ou d'une coopérative.

Ces dernières années ont été marquées par de nombreuses opérations de consolidation faisant suite à une forte tendance à la démutualisation dans plusieurs pays européens. Certains facteurs tels que les restrictions imposées aux assureurs mutualistes concernant la mobilisation de capitaux ou les économies d'échelle pourraient continuer à inciter les mutualistes à se restructurer. La démutualisation n'est pas nécessairement une solution de facilité : elle peut être entravée par la législation locale et faire l'objet d'un processus complexe.

Sur la période 2007-2015, les primes de l'ensemble du marché européen de l'assurance ont augmenté de 4,1 %. Les revenus des primes des assureurs mutualistes et coopératifs européens ont enregistré une croissance globale de 34,8 % au cours de la même période, soit l'équivalent d'un taux de croissance annuel composé de 3,8 % (le TCAC de l'ensemble du marché européen était de 0,5 % pour la même période). L'un des facteurs attribués à cette surperformance est la fuite vers la qualité, notamment pour les produits d'assurance vie et d'investissement pour lesquels les clients privilégient la sécurité et la confiance.

Graphique 2
Nombre d'assureurs mutualistes et coopératifs en Europe
par définition et primes, 2007-2015

Note : cf. légende du graphique 1 (supra) pour les définitions de Def 1, Def 2 et Def 3.

Source : ICMIF.

La part de marché des assureurs mutualistes et coopératifs européens a donc augmenté entre 2007 et 2015, passant de 24,1 % à 31,3 % (cf. graphique 3).

Graphique 3
Part du marché européen et primes, 2007-2015

Source : ICMIF.

Si les opportunités d'expansion transfrontalière en Europe sont limitées pour les assureurs mutualistes et coopératifs, il existe toutefois certaines exceptions notables, parmi lesquelles l'entrée d'Achmea (Pays-Bas) sur le marché bulgare en 2008, l'expansion de Groupama (France) en Bulgarie (2008), en Grèce (2007), en Hongrie (2009), en Italie (2007) et en Roumanie (2008), l'expansion de Talanx (Allemagne) en Pologne (2012), l'expansion d'Uniqa (Autriche) en Roumanie (2008) et l'expansion de VIG (Autriche) en Bulgarie (2007), en Croatie (2008), en Estonie (2007), en Lettonie (2007), en Lituanie (2008), en Pologne (2012) et en Roumanie (2008). Les activités d'assurance vie des assureurs mutualistes et coopératifs d'Europe de l'Est ont augmenté de plus de 10 % entre 2007 et 2014, dépassant les niveaux de croissance de toutes les autres activités des assureurs mutualistes et coopératifs dans toute l'Europe.

Entre 2007 et 2015, sur une base paneuropéenne, les primes d'assurance vie ont affiché une croissance globale en hausse. Toutefois, en 2015, elles ont chuté de 1 % par rapport à l'année précédente. En 2015, les assureurs mutualistes du secteur de l'assurance vie ont enregistré collectivement 176 Md€ de primes, soit 36 % de plus qu'en 2007 (cf. graphique 4).

Graphique 4
Primes des assureurs mutualistes et coopératifs européens,
2007-2015
(en Md€)

Source : ICMIF.

Comme le montre le graphique 4, les primes des assureurs mutualistes et coopératifs européens hors assurance vie ont suivi une tendance constante à la hausse à partir de 2007. Au total, le secteur a comptabilisé 235 Md€ de primes d'assurance non vie en 2015. La part de marché des assureurs mutualistes et coopératifs hors assurance vie est donc passée de 35,7 % en 2007 à 41,1 % en 2015. Les performances des activités d'assurance non vie ont été meilleures dans les pays où les assureurs mutualistes et coopératifs détiennent une part de marché importante, dont la France, l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Espagne.

Comme on pouvait s'y attendre, la croissance des principales activités des assureurs s'est traduite par une augmentation des actifs des assureurs mutualistes et coopératifs (cf. graphique 5). En 2015, la valeur de leurs actifs s'élevait à 2 870 Md€, soit une hausse de plus de 50 % par rapport au total de 2007 (1 900 Md€).

Graphique 5
Total des actifs des assureurs mutualistes et coopératifs
en Europe, 2007-2015
(en Md€)

Source : ICMIF.

Quelles priorités pour les assureurs mutualistes ?

Le modèle de l'assurance mutualiste incarne des valeurs de démocratie, d'inclusion, de solidarité et de protection sociale. Ces valeurs contribuent à la sécurité des populations et des sociétés d'Europe depuis des siècles et sont portées par des assureurs qui construisent des relations à long terme, tout en restant capables de répondre de façon dynamique à l'évolution des besoins de leurs sociétaires/assurés.

Dans l'ensemble, l'harmonisation du cadre réglementaire qui régit l'assurance en Europe avec la mise en œuvre de la directive Solvabilité II a favorisé l'alignement des régimes réglementaires de nombreux pays. Toutefois, les petites sociétés d'assurance subissent des différences de traitement. En outre, il est apparu que l'interprétation, l'élaboration et l'adoption du principe de proportionnalité font l'objet d'approches divergentes et peu cohérentes d'un État membre à l'autre, malgré l'harmonisation maximale visée par la directive Solvabilité II.

Cette disparité met en évidence l'un des défis qui préoccupent actuellement les assureurs mutualistes et coopératifs, à savoir la complexité accrue du cadre réglementaire. Si la protection du consommateur et la stabilité économique occupent une place prépondérante dans l'élaboration de la réglementation, la pléthore d'exigences imposées par les nombreuses directives applicables au secteur de l'assurance en Europe entraîne une complexité excessive qui est parfois extrêmement contraignante pour le consommateur et s'accompagne d'une forte hausse des coûts pour les assureurs. En outre, certains produits subissent aujourd'hui des exigences réglementaires contradictoires.

Maintenant que la « phase d'élaboration » de la réglementation européenne est terminée, la « phase de mise en œuvre » doit pallier les difficultés de ce régime excessivement complexe. À cet égard, le processus Lamfalussy appliqué pour l'élaboration de la législation européenne a soulevé plusieurs questions quant au rôle du Parlement européen. Il a également eu pour conséquence involontaire de réduire significativement les délais de mise en œuvre des nouvelles exigences réglementaires imposées au secteur de l'assurance. Même si l'objectif affiché de ce processus est d'aboutir à une législation de meilleure qualité pour la réglementation des services financiers, la multiplication des exigences législatives a excessivement compliqué la mise en œuvre et le développement de nouveaux produits et remet de ce fait en question la qualité de la législation.

Avec les changements qui interviennent en 2019 au sein du Parlement européen et de la Commission européenne, la communauté des assureurs mutualistes doit se donner comme priorité absolue d'encourager une révision de ce processus ainsi que de garantir la qualité de la législation actuelle et à venir pour faire en sorte d'éviter toute complexité inutile et d'ancrer le principe de transparence dans le système européen. En parallèle, la communauté s'inquiète du fait que les institutions européennes ne prennent pas en compte les différents modèles d'entreprise lors de l'élaboration de leurs propositions, en particulier le modèle mutualiste, malgré sa prévalence dans de nombreux États membres de l'UE et sa part significative du marché européen de l'assurance. Il est essentiel que les responsables politiques incluent tous les modèles d'entreprise pertinents lors de l'élaboration d'une nouvelle législation ou de la modification d'exigences en vigueur afin de rendre compte de la sécurité à long terme apportée spécifiquement par le secteur de l'assurance mutualiste. La diversité des modèles d'entreprise favorise la stabilité et limite le risque systémique en apportant de la diversité en matière de gouvernance d'entreprise, de propension au risque, de gestion, de politiques, de pratiques et de structures d'incitation, ainsi que de comportements et de résultats.

La reconnaissance du modèle se traduit par l'application des normes comptables internationales IFRS (International Financial Reporting Standards) au secteur de l'assurance. Ces normes sont conçues pour éclairer les décisions des investisseurs qui, comme nous l'avons expliqué précédemment, n'ont pas leur place dans le modèle de l'assurance mutualiste. Il ne sert donc à rien d'appliquer ces exigences aux assureurs mutualistes. À ce jour, le choix est laissé à l'appréciation de chaque État. Pour faire ce choix, les responsables doivent prendre en compte le modèle mutualiste.

Actuellement, l'application du principe de proportionnalité – nature, taille et complexité – diverge fortement d'un État membre à l'autre, en conséquence de l'application des dispositions de l'article 4. Quelques pays ont fait d'importants progrès dans l'application du principe de proportionnalité, tandis que pour d'autres, ces progrès ne sont que limités, voire inexistants. Par conséquent, la pratique réglementaire est incohérente en Europe et les degrés de reconnaissance du statut juridique de la mutualité au niveau national varient, ce qui entrave l'activité transfrontalière, individuellement ou en groupe. Aujourd'hui, les petits assureurs mutualistes basés dans différents États membres ne peuvent, par exemple, pas faire bénéficier leurs assurés des avantages que procure la création de groupes.

Récemment, la Commission européenne a mis au point un produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle (PEPP) pour apporter une option supplémentaire d'épargne-retraite aux Européens. La relation à long terme qui est au cœur de la dynamique entre un assureur mutualiste et ses sociétaires/assurés se prête particulièrement bien à la fourniture de produits de retraite. Dans certains États membres, les cotisations nationales, incluant la santé et la retraite, ont été transférées avec succès aux assureurs mutualistes. La structure du PEPP doit donc prendre correctement en compte la structure des assureurs mutualistes pour garantir le choix aux consommateurs, sans pour autant en faire une structure par défaut pour les régimes de retraite nationaux. De la même façon, pour élaborer les propositions relatives à la stratégie en matière de finance durable au niveau européen, les responsables politiques doivent tenir compte de la contribution des assureurs mutualistes et de leur rôle dans la société afin d'intégrer les principes essentiels de la RSE des assureurs mutualistes ainsi que l'horizon à long terme qu'ils privilégient.

Enfin, le rôle social des assureurs mutualistes est un élément clé du secteur qui doit être reconnu et soutenu au niveau européen. Les assureurs mutualistes favorisent la cohésion sociale, économique et nationale, créent des emplois de grande qualité et génèrent du capital social.

L'étroite relation de confiance qui unit un assureur mutualiste et ses sociétaires/assurés lui permet de mieux anticiper l'évolution des besoins de ses clients tout en leur apportant protection et stabilité. Alors que de nouvelles formes de concurrence émergent, il est essentiel qu'elles soient tenues de garantir le même niveau de protection du consommateur au sein d'un système équitable pour les assureurs existants, système qui doit donc commencer par être équitable pour les acteurs déjà présents sur le marché.