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 La relation circulaire entre inégalités de revenu et finance : tour d'horizon de la littérature et résultats récents


Rémi BAZILLIER Université de Paris 1, CES, CNRS UMR 8174. Contact : remi.bazillier@univ-paris1.fr.
Jérôme HÉRICOURT
Samuel LIGONNIÈRE Université de Lille, LEM, CNRS UMR 9221 ; ENS Paris-Saclay. Contact : samuel.ligonniere@ens-paris-saclay.fr.

Cet article propose un bref tour d'horizon de la littérature portant sur les liens entre inégalités de revenu et finance, afin de démêler les nombreux facteurs sous-jacents à la relation circulaire entre ces deux variables. D'un côté, les présomptions en faveur d'effets du développement financier, de la déréglementation financière et des crises financières sur la distribution des revenus sont nombreuses, mais le débat sur le sens de ces effets reste largement ouvert, le contexte institutionnel apparaissant déterminant. De l'autre, les preuves récemment accumulées d'un lien causal positif allant des inégalités vers le crédit (essentiellement aux ménages) sont solides. Cet accroissement du crédit suite à une augmentation des inégalités peut être justifié par différents mécanismes théoriques relevant de l'offre ou de la demande de crédit. À cet égard, le lien de causalité apparaît quantitativement plus fort lorsque les classes moyennes sont concernées. Les implications pour la politique économique sont importantes et les voies de recherches futures, prometteuses.

L'accroissement des inégalités de revenu et de patrimoine occupe une place grandissante dans le débat public, dont l'intensité a redoublé depuis la publication en 2013 de l'ouvrage Le Capital au xxie siècle de Thomas Piketty. Plusieurs années auparavant, les travaux de ce dernier (voir, entre autres, Piketty, 2003 et 2013 ; Atkinson et al., 2011) soulignaient déjà la montée de la part du revenu total captée par les 1 % les plus fortunés, ainsi que la concentration croissante du patrimoine sur les dernières décennies, dans les pays développés, mais également dans certaines économies émergentes. Stiglitz (2012) a également averti du coût significatif de la montée des inégalités aux États-Unis.

De façon plus inattendue, des voix se sont élevées pour attribuer à ces inégalités croissantes une responsabilité dans le surendettement des ménages modestes et pauvres ayant conduit à la crise financière de 2007-2008. Le débat a notamment pris de l'ampleur à la suite des contributions de Rajan (2010) et Galbraith (2012), tous deux soulignant que la progression des inégalités de revenu aux États-Unis avait contraint les ménages à revenus faibles et moyens à s'endetter davantage afin de maintenir leurs niveaux de consommation.

Cet article propose un tour d'horizon de la littérature s'intéressant aux liens entre dynamique des inégalités de revenu1 et 2 et expansion du crédit. La hausse des inégalités s'est en effet produite en parallèle d'une rapide croissance de l'endettement privé. Cette dernière a été désignée comme un déterminant majeur de la crise financière de 2007-2008 aux États-Unis (Greenwood et Scharfstein, 2013). Mais cette hausse conjointe des inégalités et du crédit a également été observée pour de nombreux autres pays, comme le montrent les graphiques 1a à 1d (infra). Cette convergence des tendances devient patente dans les années 1990, singulièrement dans la deuxième moitié de la décennie.

Cette très forte corrélation peut toutefois avoir de multiples explications, tant les relations théoriques entre crédit et inégalités sont nombreuses et complexes. De fait, la littérature académique s'intéressant aux liens entre ces deux variables fait ressortir l'existence d'une probable circularité. En outre, d'autres phénomènes, parmi lesquels les politiques publiques affectant les cadres réglementaires du marché du travail et de la sphère financière, sont susceptibles d'avoir un impact à la fois sur les inégalités et le crédit, rendant plus difficile encore l'identification de liens de causalité. Le schéma infra résume les principaux canaux qui seront détaillés dans cet article.

Dans un premier temps, nous nous intéresserons à l'impact de la finance sur les inégalités. Le terme « finance » renvoie ici à la fois à la quantité de crédit distribué aux agents économiques et au cadre réglementaire régissant l'activité de la sphère financière, ces deux dimensions étant au cœur de la majeure partie des analyses universitaires sur le sujet3. Jusqu'à une période récente, les études de référence (Levine, 2005 ; Beck et al., 2007) concluait à un rôle positif de l'élargissement quantitatif de la sphère financière sur la réduction des inégalités, celui-ci devant permettre un meilleur accès des plus pauvres au crédit. Ce résultat est cependant remis en question par des analyses montrant de possibles effets non linéaires renvoyant à l'existence d'un seuil au-delà duquel la relation s'inverse (Greenwood et Jovanovic, 1990). Le niveau de développement économique initial et les comportements de capture de rentes des élites (Claessens et Perotti, 2007) peuvent également influencer la relation. Au-delà de la quantité de crédit, c'est ainsi la libéralisation financière dans ses multiples dimensions (diminution du contrôle des pouvoirs publics sur la sphère bancaire et financière, censée notamment aboutir à une élévation du degré de concurrence effective dans le secteur, ouverture des marchés boursiers, diminution ou suppression des contrôles des mouvements de capitaux internationaux, etc.) qui génère d'autant plus d'inégalités que le pays est caractérisé par un faible développement institutionnel. La finance peut également avoir un impact négatif sur la distribution des revenus, du fait du niveau élevé des salaires dans le secteur financier (Philippon et Resheff, 2012) ou si l'expansion du crédit provoque une crise financière (Baldacci et al., 2002 ; Maarek et Orgiazzi, 2013 ; Meyer et Sullivan, 2013).

Graphiques 1
Crédit aux ménages (en % du PIB) et inégalités (Top 1 %)

Graphique 1a
États-Unis

Graphique 1b
France

Graphique 1c
Chine

Graphique 1d
Espagne

Sources des quatre graphiques : WID (World Wealth and Income Database) ; Banque des règlements internationaux (BRI).

Dans une seconde partie, nous nous intéresserons à l'autre direction de la causalité, allant des inégalités vers le crédit. Nous distinguons le canal de la demande de crédit de celui de l'offre de crédit. S'agissant de cette dernière, un argument central est que l'environnement institutionnel, à la fois via la libéralisation financière et la politique monétaire, a permis aux institutions financières d'accorder plus de crédits, notamment aux ménages les plus risqués (Atkinson et Morelli, 2010 ; Rajan, 2010). Néanmoins l'existence d'un lien de causalité n'en est pas pour autant évidente. La hausse des inégalités et l'expansion financière peuvent ainsi avoir été le produit commun des politiques de libéralisation menées depuis plus de trente ans, sans que les premières aient influencé la seconde. Le canal de la demande insiste, quant à lui, sur la réaction des ménages faisant face à des chocs négatifs de revenu : la stagnation ou le déclin relatif du revenu des classes populaires et moyennes ont en effet pu les conduire à accroître leur endettement pour maintenir leur niveau de vie. La littérature en présence avance différents mécanismes, par exemple cognitifs, afin de comprendre pourquoi les ménages peuvent appréhender ce choc comme transitoire. À cet égard, si les études empiriques étaient initialement partagées quant à l'existence d'un lien causal entre inégalités et crédit, des résultats se sont récemment accumulés en faveur d'un impact positif des premières sur le second. En utilisant une stratégie originale d'identification, nous confirmons l'existence d'un lien causal positif et insistons sur l'impact différencié selon les niveaux de revenu considérés. Nous montrons notamment que les chocs de revenus affectant les classes moyennes sont susceptibles d'expliquer une partie importante de cette relation. Nous détaillons ces résultats en fin d'article, avant de conclure.

Schéma
Des relations complexes entre inégalités, endettement privé et crises financières

Source : recherches des auteurs.

Quel impact de la finance sur les inégalités ?

Il importe ici de distinguer les effets de (1) la croissance du crédit (taille du secteur financier, que l'on peut caractériser comme le développement financier quantitatif) de ceux de (2) la dérégulation financière (développement financier qualitatif) et (3) des crises financières. Ces trois dimensions auront chacune un impact très différent sur le niveau d'inégalités.

Développement financier, dérégulation financière et inégalités

Au travers des asymétries d'information et des coûts de transaction, les contraintes de crédit pèsent de façon non négligeable sur la santé financière des agents économiques. Elles frappent au premier chef les ménages les plus pauvres, dépourvus de collatéral et subissant le plus de discriminations à l'octroi de crédit. Le développement financier devrait donc théoriquement bénéficier en premier lieu aux plus modestes, en relâchant cette contrainte et en améliorant l'allocation du capital, réduisant dès lors les inégalités. Cette idée d'une relation linéaire et positive entre le développement financier et les inégalités s'est d'abord largement imposée dans la littérature économique, particulièrement en économie du développement (Banerjee et Newman, 1993 ; Galor et Zeira, 1993). Levine (2005, p. 920) résume cet apparent consensus : « Les résultats indiquent que la finance a un impact disproportionnellement positif sur les pauvres et contribue à la réduction des inégalités. » Ainsi, selon Beck et al. (2007), le développement financier aurait un impact positif sur le quintile des ménages les plus pauvres, cet effet s'expliquant à 60 % par un effet de croissance et 40 % par un effet redistributif. Plusieurs autres études soutiennent ce résultat (Clarke et al., 2006 ; Enowbi Batuo et al., 2010 ; Kappel, 2010 ; Mookerjee et Kalipioni, 2010).

Cette certitude a toutefois été remise en cause par plusieurs études montrant des effets ambigus4. La relation entre développement financier et inégalités pourrait être non linéaire. Kim et Lin (2011) montrent ainsi que le développement financier réduit les inégalités uniquement au-delà d'un certain seuil de profondeur des marchés financiers. Law et Tan (2012), à partir d'une autre base de données d'inégalités5, trouvent également une non-linéarité, mais dans le sens opposé à Kim et Lin (2011). Pour eux, le développement financier réduit les inégalités pour de faibles niveaux de développement financier, mais tend à les augmenter pour des niveaux plus élevés. Enfin Jauch et Watzka (2011), dans une analyse empirique sur 138 pays et sur la période 1960-2008, trouvent un effet positif du développement financier sur les inégalités. Selon leurs estimations, une augmentation du crédit de 10 % augmenterait le coefficient de Gini de 0,23. Autre brèche récente dans la croyance d'un développement financier systématiquement bénéfique à la réduction des inégalités, l'analyse de Denk et Cournède (2015) pour des périodes variées entre 1974 et 2011 aboutit à la conclusion que l'expansion de la sphère financière (représentée par le crédit privé, la part de la valeur ajoutée issue du secteur financier et la taille des marchés boursiers) a alimenté les inégalités de revenu dans les pays de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques).

La dérégulation financière (développement financier qualitatif) n'a pas les mêmes effets que le simple développement quantitatif de la sphère financière. Claessens et Perotti (2007) montrent que la libéralisation financière peut accroître les inégalités lorsque les institutions sont trop faibles pour éviter des phénomènes de captation de rente. Ce résultat est confirmé par des travaux empiriques. En se concentrant sur le cas de l'Inde, Ang (2010) montre que le développement financier (quantitatif) est susceptible de réduire les inégalités, mais que la libéralisation financière en elle-même a tendance à les exacerber. Mais dans le cas américain, Beck et al. (2010) montrent que la libéralisation financière sur la période 1976-2006 a eu tendance à réduire les inégalités (de 3 % à 10 %). Ces différences de résultats peuvent s'expliquer par un développement institutionnel très différent entre les deux pays. Notons toutefois que les résultats auraient pu être différents si cette étude sur les États-Unis avait pris en compte les effets liés à la crise financière de 2007-2008 (la période considérée s'interrompt en 2006) – nous y revenons dans la section suivante. Dans une étude portant sur quarante-neuf pays pour la période 1994-2002, Gimet et Lagoarde-Segot (2011) confirment également que les conséquences distributives de la libéralisation financière dépendent largement des conditions institutionnelles dans lesquelles elle se met en place.

Une autre dimension à prendre en compte concerne l'effet des salaires élevés dans la finance sur les inégalités. Philippon et Reshef (2012) montrent ainsi que les employés du secteur financier aux États-Unis bénéficient d'un salaire de 50 % plus élevé que dans le secteur non financier, à caractéristiques égales. Cela permettrait d'expliquer entre 15 % et 25 % de la hausse des inégalités observée depuis le début des années 1990. Denk (2015) montre un effet similaire pour l'Union européenne, mais de moindre amplitude (28 % de salaire supplémentaire dans le secteur financier en moyenne). Dans une étude portant sur seize pays développés et émergents, Roine et al. (2009) montrent que la taille du secteur financier a un impact positif sur la part des revenus détenus par les 1 % les plus riches. L'impact n'est pas significatif sur les 1 %-10 % les plus riches et il est négatif pour les 90 % les plus pauvres. Enfin Hein (2015) lie le concept plus général de financiarisation6 aux inégalités. Il montre que ce phénomène tend à faire baisser la part du travail dans la valeur ajoutée par trois canaux : (1) un changement de composition sectorielle de l'économie, (2) une hausse des salaires des cadres et des exigences de profit, (3) un affaiblissement du pouvoir de négociation des syndicats.

L'ensemble des résultats de la littérature sur les effets de la finance sur les inégalités sont résumés dans le tableau 1 (infra).

Tableau 1
Impact du développement financier sur les inégalités

Note : pour chaque article, ce tableau reporte les estimations principales concernant la relation entre une certaine variable dépendante et une mesure de développement financier. Sauf mention contraire, les chiffres présentés correspondent à une variation de 10 % dans la variable de développement financier considéré, ou un mouvement de 0 à 1 lorsqu'il s'agit d'une variable binaire. Lorsque les estimations sont trop nombreuses et/ou qu'une appréciation quantitative s'avère impossible, des interprétations qualitatives sont reportées.

Source : recherches des auteurs.

Crises financières et inégalités

Les crises financières ont des effets spécifiques et hétérogènes selon le type de crises considérées (crise bancaire, crise de change, crise jumelle). Le premier effet distributif des crises est celui lié à leur effet sur le PIB. Comme tout choc affectant la croissance, les crises financières auront des effets divers (et ambigus) sur la distribution du revenu et les inégalités (Bourguignon, 2004). Les conséquences des crises financières dépendent de la taille du secteur financier, directement corrélée à la gravité de la crise. Des effets distributifs supplémentaires peuvent être observés du fait notamment de l'impact sur l'emploi qui est susceptible d'avoir plus de conséquences sur les populations plus pauvres. Tout particulièrement dans les pays en développement, une crise financière peut conduire à des destructions d'emplois dans le secteur formel, ce qui réduira la demande pour les services du secteur informel. L'augmentation de l'offre de travail informel liée aux personnes ayant perdu leur emploi formel peut induire une augmentation du sous-emploi et des baisses de rémunération (Baldacci et al., 2002). Baldacci et al. (2002) identifient trois autres canaux par lesquels les crises ont un impact sur la pauvreté et les inégalités : des changements de prix relatifs, la rigueur budgétaire et des changements dans la valeur des actifs. S'agissant du premier point, il est fréquent que les crises financières s'accompagnent de dépréciations brutales du taux de change : ces dernières entraînent un accroissement de la demande pour les biens du secteur échangeable, amenant à leur tour une hausse de l'emploi et des rémunérations dans ce dernier. Le phénomène inverse se produit dans le secteur des biens non échangeables, au sein duquel l'activité baisse et les travailleurs s'appauvrissent. Les plus pauvres peuvent également être affectés par l'élévation du prix des biens importés, particulièrement alimentaires. Ensuite les crises sont souvent suivies de sévères périodes d'austérité budgétaire, caractérisée par une contraction des dépenses publiques affectant au premier chef les dépenses sociales, ce qui amplifie l'impact initial du choc sur les pauvres. Enfin les variations de taux d'intérêt, des prix d'actifs d'immobiliers et financiers consécutives aux crises financières ont souvent des conséquences non négligeables sur les revenus des plus riches, qui dépendent pour une bonne part de leur patrimoine.

Galbraith et Jianqing (1999) se concentrent sur l'impact distributif des crises de change. Ils montrent que l'augmentation moyenne des inégalités deux ans après une crise est de 16,2 %, contre 3,2 % en absence de crises. Ils notent également que les inégalités augmentent davantage lorsque le marché du travail est dérégulé.

Morelli (2014) étudie l'impact des crises bancaires systémiques et montre un faible impact sur les 10 % les plus riches aux États-Unis. Mais ce faible effet moyen masque un effet hétérogène au sein de cette population. L'effet tend à être négatif pour les très hauts revenus (les 0,01 % les plus riches), alors qu'il est positif pour ceux en deçà de ce seuil. Ce résultat est cohérent avec celui de Roine et al. (2009) sur un échantillon plus large de pays qui montre une corrélation négative avec la part du revenu détenu par les 1 % les plus riches, alors que la relation est non significative pour le reste du décile supérieur. Les différences dans la composition du revenu pour ces différents individus sont susceptibles d'expliquer cette hétérogénéité : la part des revenus du capital est plus importante pour les 1 % les plus riches, tandis que les revenus du travail constituent la plus grande part pour ceux situés en deçà.

Un deuxième courant de la littérature se concentre sur les parts respectives du travail et du capital dans la valeur ajoutée. Diwan (2001) montre que les crises de change sont associées à une baisse de la part du travail dans le revenu total. Maarek et Orgiazzi (2013) obtiennent un résultat similaire dans une analyse sur le secteur manufacturé dans vingt pays avancés. Les crises de change réduiraient la part du travail de 2 points de pourcentage en moyenne. Bazillier et Najman (2017) obtiennent un effet de même amplitude sur un échantillon de pays avancés et en développement et pour tous les secteurs. Les effets sont en revanche très différents pour les crises bancaires qui ont d'abord un impact négatif sur la part du capital, particulièrement au moment du déclenchement de la crise. Cet effet est plus fort dans les pays OCDE. Le tableau 2 (infra) récapitule les conclusions de la littérature s'agissant des impacts directs des crises financières sur les inégalités.

La crise de 2007-2008 a également permis de progresser dans la compréhension des effets distributifs des crises, qui peuvent passer par des canaux plus indirects liés aux politiques budgétaires. Jenkins et al. (2013) étudient les effets pays par pays au sein de l'OCDE. Ils trouvent peu d'effets directs sur la distribution des revenus dans les deux ans suivant la crise (2007-2009). Néanmoins il semble que les systèmes de protection sociale et les politiques contracycliques menées au début de la crise ont joué un rôle majeur dans ce résultat. Les politiques de consolidation budgétaire ont certainement eu un effet antiredistributif plus important. Cette intuition est confirmée par Ball et al. (2013) qui montrent une corrélation positive très nette entre le niveau des inégalités et ces politiques de consolidation. Ces dernières amoindrissent également la part du travail dans la valeur ajoutée et accroissent le niveau de chômage de long terme. Woo et al. (2013) évaluent l'effet d'une contraction budgétaire de 1 point de pourcentage du PIB à 0,4 %-0,7 % d'augmentation du coefficient de Gini dans les deux premières années. 15 % à 20 % de cette hausse des inégalités s'expliqueraient par la hausse du chômage directement imputable aux politiques de rigueur budgétaire.

Tableau 2
Impact des crises financières sur les inégalités

Note : pour chaque article, le tableau reporte les estimations principales concernant la relation entre une certaine variable dépendante et une mesure de crise financière. Lorsque les estimations sont trop nombreuses et/ou qu'une appréciation quantitative s'avère impossible, des interprétations qualitatives sont reportées.

Source : recherches des auteurs.

La finance (au sens large) a donc des impacts distributifs forts. Ces effets sont complexes et ambigus. Afin de les démêler, il convient de bien distinguer les effets de l'augmentation du crédit de ceux de la dérégulation financière et des crises. Ces dernières ont elles-mêmes des effets très hétérogènes selon le type de crise considérée et la réponse des politiques économiques face à ces crises. Nous nous intéressons maintenant à l'autre direction de la relation de causalité entre finance et inégalités, en nous concentrant sur les effets de ces dernières sur l'endettement privé, et notamment celui des ménages.

L'impact des inégalités sur l'endettement privé

Comme résumé dans le schéma supra, les inégalités sont susceptibles d'avoir un effet sur le crédit au travers de deux canaux : le canal de la demande de crédit et le canal de l'offre de crédit. Concernant le canal de la demande, le principal enjeu est de déterminer la nature (transitoire ou permanente7) du choc de revenu auxquels les ménages font face. Concernant l'offre de crédit, l'enjeu est de distinguer l'effet causal des éventuels facteurs dits coïncidents (libéralisation financière et politique monétaire notamment).

Le canal de la demande : quel type de choc de revenu ?

Le premier type d'analyse renvoie à des chocs de revenus transitoires. Krueger et Perri (2011) insistent sur le fait que le crédit peut être utilisé pour lisser la consommation en cas de chocs de revenu. Dans un autre article basé sur des données américaines, Krueger et Perri (2006) montrent que la hausse des inégalités de revenu aux États-Unis observée dans les vingt-cinq dernières années n'avait pas entraîné à sa suite une élévation des inégalités de consommation. Ils en déduisent que cette hausse des inégalités s'explique par une volatilité accrue du revenu transitoire, n'ayant pas d'impact sur le revenu permanent. Cette hausse de la volatilité expliquerait l'essentiel de la croissance du crédit observé depuis 1980. Dans le même ordre d'idées, Iacoviello (2008) propose un modèle dynamique pour expliquer la hausse conjointe des inégalités et du crédit. Comme chez Krueger et Perri (2006), il montre que c'est la volatilité du revenu, et non des chocs permanents de revenu, qui explique la croissance du crédit.

L'hypothèse que la hausse des inégalités reflète des chocs transitoires a été largement remise en cause (Van Treeck, 2014). Kopczuk et al. (2010) montrent que la mobilité sociale a décru, ce qui est contradictoire avec l'hypothèse d'une plus grande volatilité du revenu individuel. Moffitt et Gottschalk (2002 et 2011) trouvent également que la variance du revenu transitoire a eu tendance à décliner après 1980, contrairement à celle du revenu permanent.

Si les chocs de revenu affectant les ménages sont permanents, ils devraient théoriquement ajuster leur consommation sans avoir recours à l'emprunt (Piketty et Saez, 2013)8. Il est donc nécessaire de comprendre pour quelles raisons cet ajustement n'a pas eu lieu. Une première explication est apportée par Bertrand et Morse (2013) qui soulignent que les ménages ne peuvent ajuster totalement leur consommation à leur revenu lorsque le choc affectant ce dernier s'avère trop important, et la perte de bien-être associée à la baisse de consommation induite, trop forte.

Une seconde explication renvoie à la possibilité que les ménages définissent leur niveau de consommation en prenant en compte celui d'autres agents économiques. On sait depuis Veblen (1899) que la satisfaction liée à un niveau de consommation donné dépend également de la consommation d'autres groupes sociaux (ce que l'on appellera plus tard le phénomène « keeping up with the Joneses »). Van Treeck (2014) considère ainsi que c'est la principale raison à même d'expliquer des trajectoires de consommation élevée pour les plus pauvres et les classes moyennes, en dépit de la stagnation de leur revenu. C'est ce que Frank et al. (2014) appellent la cascade des dépenses : la croissance du revenu des plus riches entraîne par effet de mimétisme une hausse de la consommation des groupes sociaux inférieurs.

Cet argument est proche de celui d'Atkinson et Morelli (2011), qui considèrent que la hausse du crédit s'explique essentiellement par une volonté des ménages les plus pauvres et des classes moyennes de maintenir leur niveau de vie dans un contexte de baisse de leurs revenus réels ou relatifs. L'évolution de l'endettement par niveau de revenu va dans le sens de cet argument. Kumhof et al. (2015) rappellent ainsi qu'aux États-Unis en 1983, les 5 % les plus riches avaient un ratio d'endettement bien supérieur (de l'ordre de 15 %) aux 95 % les plus pauvres. En 2007, le taux d'endettement des 95 % les plus pauvres était deux fois plus élevé que celui des 5 % les plus riches.

Un dernier argument de même nature repose sur l'insuffisance structurelle de la demande globale, résultat d'un niveau trop élevé d'inégalités (Atkinson et Morelli, 2011), empêchant la majeure partie des individus, trop appauvris, de consommer suffisamment. L'argument est très ancien, remontant à Malthus (1836) qui consacre un chapitre de son ouvrage aux théories de la sous-consommation. Galbraith (1954) identifiait la distribution du revenu comme la principale faiblesse des États-Unis avant la crise de 1929 avec ce même argument. L'endettement est alors le seul moyen pour les agents de maintenir leur consommation à un niveau suffisant et, partant, de soutenir la demande globale dans un contexte d'inégalités élevées.

Le canal de l'offre : quel impact de l'environnement institutionnel ?

Le premier argument théorique, formalisé récemment par Kumhof et al. (2015), établit un lien causal direct de l'augmentation des inégalités, matérialisée sous la forme d'un transfert permanent de revenu vers les plus riches, sur l'offre de crédit. L'accroissement des hauts revenus entraîne une hausse de l'épargne des ménages concernés, recyclée directement en offre de crédit. Lysandrou (2011) s'appuie sur un mécanisme similaire. La hausse de l'épargne totale permet une accumulation de richesse privée, qui a induit à son tour une demande accrue de titres financiers, tirant vers le haut l'offre de crédit. Ce stock toujours plus important de capital doit par la suite être prêté, y compris à des emprunteurs plus risqués, ce qui est rendu aisé par l'utilisation de produits financiers complexes.

Le second argument favorisant l'explication de l'offre de crédit est plus indirect. Les institutions financières auraient pu être encouragées à accorder des prêts à des individus plus risqués. C'est l'argument principal de Rajan (2010, p. 43) : « La hausse des inégalités aux États-Unis a induit des pressions politiques afin d'augmenter le crédit immobilier. Cette pression a créé une ligne de fracture sérieuse qui a entraîné des distorsions majeures dans le secteur financier. » C'est donc l'environnement politique qui explique le lien entre inégalités et crédit : la garantie offerte par l'État fédéral américain au travers de la Federal National Mortgage Association (FNMA, surnommée Fannie Mae) et de la Federal Home Loan Mortgage Corporation (FHLMC, surnommée Freddie Mac) a encouragé un accroissement substantiel des crédits immobiliers distribués aux plus pauvres, donnant un temps l'illusion de la soutenabilité de cette dynamique, notamment dans un contexte de politique monétaire expansionniste maintenant les taux d'intérêt à des niveaux très bas.

À cet égard, d'autres chercheurs estiment au contraire que les changements institutionnels ou politiques ont pu expliquer une hausse conjointe des inégalités et du crédit sans qu'il n'y ait de lien entre les deux phénomènes autre que des origines similaires. Pour Atkinson et Morelli (2010), Krugman (2010), ou Acemoglu (2011), ces phénomènes peuvent être le résultat conjoint des politiques de libéralisation menées depuis les années 1980. Il faut également prendre en compte l'impact potentiel des politiques monétaires qui déterminent évidemment le volume de crédit, mais peuvent également avoir des impacts distributifs importants (Coibion et al., 2017).

Mesurer empiriquement l'impact des inégalités sur le crédit

La complexité des mécanismes théoriques reliant inégalités et crédit et l'existence de possibles relations circulaires rendent difficile l'analyse empirique du lien causal entre les deux phénomènes. À cet égard, un article récent (Bazillier et Héricourt, 2017a) met en lumière trois principaux défis empiriques : le traitement de l'endogénéité, la mesure des inégalités, et la mesure pertinente du crédit.

Bordo et Meissner (2012) analysent le lien entre inégalités de revenu, croissance du crédit et crises financières sur un échantillon de quatorze pays avancés et sur la période 1920-2008. Ils ne trouvent aucun impact des inégalités (mesurée par la part des revenus détenue par les 1 % les plus riches) sur le crédit total. Cependant leur analyse ne prend pas en compte les problèmes d'endogénéité et se concentre sur le crédit (bancaire) total et non le crédit aux ménages. Basée sur données d'enquête issues du Eurosystem Household Finance and Consumption Survey pour la seule année 2010, l'étude de Cournède et Denk (2015) permet de calculer la part du crédit aux ménages par quintile de distribution des revenus. Il apparaît que les ménages situés dans le bas de la distribution ne représentent pas une part plus importante du crédit total dans les pays les plus inégalitaires. L'analyse aboutit donc, comme Bordo et Meissner (2012), à la conclusion d'une absence d'impact des inégalités sur le crédit pour les pays de la zone euro, mais peut faire l'objet des mêmes critiques concernant l'absence de traitement de l'endogénéité. Par ailleurs, leur méthodologie, limitée à une seule année, avec pour seule source d'hétérogénéité douze pays, est purement descriptive. Elle ne permet donc pas d'aller au-delà d'une étude de corrélation préliminaire, l'inférence causale n'étant d'ailleurs pas l'objet premier de l'analyse en question.

Ces résultats sont contredits par Perugini et al. (2016) dans une analyse sur dix-huit pays de l'OCDE sur la période 1970-2007. Bien que leur stratégie d'estimation puisse être discutée9, leur étude a le mérite de traiter de la question de l'endogénéité pouvant provenir soit de la causalité inverse, soit de l'existence de variables inobservées susceptibles d'être corrélées avec les deux dimensions étudiées. Ils concluent à un effet positif des inégalités (également mesurées par la part des revenus détenue par les plus riches) sur le crédit (ici mesuré par le ratio « crédit privé/PIB »). Une dimension intéressante de cette dernière étude est la prise en compte du rôle de la libéralisation financière qui peut être un facteur alimentant à la fois le crédit et les inégalités. Si les auteurs mettent en avant le rôle de la libéralisation sur le volume de crédit, ils trouvent un effet spécifique et additionnel des inégalités.

Des analyses portant spécifiquement sur les États-Unis aboutissent à des résultats plus incertains quant au type de crédit à la source de la relation de causalité. Ainsi Christen et Morgan (2005) analysent les déterminants du crédit aux ménages entre 1980 et 2003. Ils trouvent un impact positif des inégalités sur le crédit, plus marqué sur les crédits non renouvelables et plus faible sur les crédits immobiliers. À l'inverse, à partir de données pour les cinquante États américains sur la période 1977-2010, Yamarik et al. (2016) aboutissent à un impact causal fort des inégalités sur les prêts totaux aux ménages, porté cette fois-ci par les prêts immobiliers.

Tableau 3
Impact des inégalités sur le crédit

Note : pour chaque article, le tableau reporte les estimations principales concernant la relation entre une certaine variable dépendante et une mesure d'inégalité. Pour l'indice de Gini, l'estimation présentée correspond à une variation positive de 1 point. Pour toutes les autres mesures d'inégalité, les coefficients reportés renvoient à une variation de 10 % de la variable considérée.

Source : recherches des auteurs.

Dans une étude récente (Bazillier et al., 2017a et b), nous proposons une méthodologie permettant d'identifier de façon claire l'existence d'une relation causale entre dynamique des inégalités et crédit aux ménages. Cette étude couvre quarante et un pays entre 1970 et 2014 et utilise les données de la BRI et de la base World Income Inequality Database (WIID, cf. encadré infra). Nous nous focalisons sur le crédit total aux ménages, indicateur qui semble plus pertinent qu'un agrégat de crédit total à l'économie au regard d'un arrière-plan théorique qui met largement en avant la dynamique de la dette des ménages – en revanche, nous ne sommes pas en mesure de distinguer entre différents types de crédit aux ménages (immobilier, consommation, etc.), faute de disponibilité suffisante des données. Nous utilisons des données fines par déciles, permettant aussi bien de calculer le Gini que l'évolution des parts respectives des plus hauts revenus, des classes moyennes et des classes populaires10. Il en ressort que les inégalités contribuent effectivement à l'expansion du crédit, notamment lorsque c'est la part du revenu détenu par les classes moyennes qui diminue.

Encadré
Bases de données utilisées dans Bazillier et al. (2017a)

Concernant les inégalités de revenu, la base de données WIID compile les principales bases de données existantes pour 161 pays, sur la période 1867-2015. Elle regroupe et compare les données de multiples sources (institutions nationales, Eurostat, OCDE, Luxembourg Income Study (LIS), TransMonEE, CEQ, SEDLAC, etc.), en précisant à chaque fois le niveau de qualité, l'unité de mesure, la population concernée, le type de revenus et leur caractère avant ou après impôts et transferts. Cette base fournit un indicateur synthétique des inégalités, l'indice de Gini, mais permet également de visualiser la dynamique des inégalités avec une décomposition par déciles. Dans Bazillier et al. (2017a), nous imposons des règles de sélection des données qui assurent la comparabilité entre les pays et au sein de chacun d'entre eux. Cette base de données a l'avantage de la transparence au niveau des données, contrairement à la base concurrente Standardized World Income Inequality Database (SWID) qui a massivement recours à l'interpolation linéaire. Nous la préférons également à la base World Top Income Database (WTID) qui se focalise sur les revenus avant impôts.

S'agissant des données de crédit, nous avons principalement eu recours à la base établie par la BRI et, épisodiquement, à des données de la Banque mondiale, des banques centrales domestiques et d'Oxford Economics. Nous pouvons alors opérer de multiples décompositions du crédit agrégé, par types de prêteurs (bancaires ou non, nationaux ou non), ou d'emprunteurs (entreprises et ménages). En revanche, tant des problèmes de qualité que de disponibilité des données ne permettent pas d'utilisation probante d'indicateurs de crédit à la consommation ou de crédit immobilier.

La stratégie d'estimation économétrique sur laquelle reposent ces résultats consiste en deux étapes. Dans un premier temps, l'estimation d'une équation d'inégalités en fonction d'une variable tierce (la variable instrumentale) permet d'extraire la part « exogène » des variations des inégalités, c'est-à-dire indépendante de la dynamique du crédit (la causalité inverse), mais également des phénomènes ayant pu influencer les deux variables simultanément (le facteur confondant). Dans un second temps, la stratégie consiste à relier le ratio « crédit/PIB » aux variations des inégalités prédites par la variable instrumentale. Pour cette dernière, nous avons retenu le nombre de conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT) ratifiées par chaque pays, chaque année.

La solidité de nos estimations repose dès lors sur deux conditions concernant ces conventions OIT : elles doivent être globalement indépendantes des dynamiques propres à chaque pays, mais avoir également un impact direct sur les inégalités. Concernant la première condition, la période étudiée (1970-2014) comprend deux vagues mondiales de ratifications dues à des impulsions politiques propres à l'OIT. Dans les années 1970 tout d'abord, le lancement du « Programme international pour l'amélioration des conditions et du milieu de travail », conjointement à l'envoi d'équipes en Afrique, en Amérique latine, dans les Caraïbes et en Asie, a conduit à une hausse significative du nombre de conventions OIT signées, particulièrement dans les pays émergents. De même, dans les années 1990, le « Programme international pour l'élimination du travail des enfants » en 1992, ciblant plus de 90 pays, le sommet social de Copenhague en 1995 et la « Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail » en 1998 reconnaissant des normes fondamentales du travail ont entraîné une nouvelle dynamique de ratifications largement indépendante des caractéristiques des pays. S'agissant de la seconde condition, une abondante littérature empirique confirme le lien négatif entre degré de réglementation sur le marché du travail et inégalités (voir, par exemple, Checchi et García-Peñalosa, 2008). Le mécanisme sous-jacent est intuitif : un marché du travail plus encadré accroît le pouvoir de négociation des travailleurs, qui peuvent alors mieux préserver leurs niveaux de revenu, réduisant de fait les inégalités.

Les résultats de notre étude confirment cet impact négatif du nombre de conventions OIT signées sur les inégalités : une convention OIT supplémentaire entraîne, par exemple, une diminution de l'indice de Gini11 de 0,321. Mais, plus important encore, il apparaît que la variation des inégalités induite par ces signatures de conventions OIT engendre une variation significative et de même signe du crédit fourni aux ménages rapporté au PIB. Ainsi une augmentation de 1 écart type de l'indice de Gini (soit une hausse des inégalités) est associée à une hausse de 7 points de pourcentage du ratio « crédit aux ménages/PIB ». Concrètement, ces inégalités expliquent, par exemple, 30 % de l'évolution totale de ce ratio entre 1970 et 2011 au Royaume-Uni. Pour les États-Unis, c'est 19 % de la dynamique du ratio « crédit/PIB » entre 1980 et 2010 qui est imputable à la hausse des inégalités. Pour la France, nous expliquons environ 22 % de la hausse totale du ratio « crédit sur PIB » entre 1995 et 2011.

Il est important de noter que si cet impact causal des inégalités se retrouve sur certaines mesures du crédit total distribué à l'économie, il n'en est pas de même pour le crédit aux entreprises, dont l'évolution est totalement étrangère à celle des inégalités. Si la hausse des inégalités entraîne celle du crédit total rapporté au PIB, cela est donc intégralement imputable au crédit distribué aux ménages.

L'impact des inégalités sur le crédit passe principalement par l'appauvrissement des classes moyennes

Nous utilisons alors différentes mesures d'inégalités pour souligner un autre fait intéressant ignoré jusqu'alors dans la littérature : une partie importante des effets de demande présentés précédemment sont le fait de l'appauvrissement relatif des classes moyennes. Ce phénomène est théoriquement validé par notre extension du modèle de Kumhof et al. (2015), qui distingue explicitement entre classes populaires et classes moyennes. Le tableau 4 (infra) résume les résultats majeurs de notre article.

Un accroissement des inégalités conduit dans tous les cas à une élévation du crédit distribué aux ménages, que ce soit du fait d'un accroissement de la part du revenu total allant aux plus riches, ou d'une diminution de celle allant aux classes moyennes ou populaires, d'où le signe négatif dans ces deux derniers cas. Néanmoins les effets sont hétérogènes et plus importants lorsque les classes moyennes sont concernées. Ainsi, alors qu'une baisse de 1 écart type de la part des classes populaires dans le revenu total aboutit à une hausse de 6,2 points du ratio « crédit aux ménages/PIB », la même baisse de 1 écart type de la part des classes moyennes aboutit, selon la définition de ces dernières, à une hausse du ratio 2 à 3 fois supérieure. L'écart est moindre, mais demeure lorsque sont étudiés des indicateurs relatifs (c'est-à-dire des ratios de parts du revenu) mesurant l'écart entre riches (Top 10 % ou 30 %), d'un côté, et classes moyennes et populaires, d'un autre côté : l'impact est supérieur d'environ 30 % pour les premières par rapport aux secondes. C'est donc l'appauvrissement relatif des classes moyennes qui a l'impact quantitatif le plus substantiel en termes d'accroissement du crédit.

Ces résultats demeurent, même lorsqu'ils sont mis à l'épreuve de plusieurs tests de robustesse et de falsification, tels que des altérations de la définition des classes moyennes, l'exclusion de la crise de 2007-2008 et des années suivantes de la période d'estimation, ou l'utilisation d'agrégats de crédit différents du seul crédit aux ménages. Enfin nos résultats semblent pour l'essentiel déterminés par les dynamiques des pays développés de notre échantillon, dans lesquels les classes moyennes ont un accès aisé au crédit et représentent une part suffisamment importante de la population pour dominer les évolutions du crédit agrégé aux ménages.

Tableau 4
Impact d'une hausse de 1 écart type de divers indicateurs d'inégalité de revenu sur le ratio « crédit aux ménages/PIB »

Note : le tableau reporte les variations issues du produit des coefficients estimés d'une régression économétrique présentée dans le détail dans Bazillier et al. (2017a), avec les écarts types de chacune des variables en question. Cela permet notamment de pouvoir effectuer des comparaisons quantitatives pertinentes.

* : du 3e au 9e décile non inclus ; ** : du 3e au 7e décile non inclus ; *** : jusqu'au 3e décile inclus.

Le tableau se lit comme suit : une hausse de 1 écart type de la part du revenu total détenu par les 10 % les plus riches conduit à une hausse de 10,3 points du ratio « crédit aux ménages/PIB ». Les classes moyennes sont définies alternativement comme les catégories intermédiaires entre les classes populaires et les classes aisées du Top 30 % ou du Top 10 %.

Source : calculs des auteurs, sur un échantillon de quarante et un pays développés et émergents, sur la période 1970-2014.

Conclusion

Les relations entre finance et inégalités sont nombreuses, complexes et enchevêtrées.

D'un côté, l'impact de la finance sur les inégalités est difficile à circonscrire : il n'y a pour l'heure aucun consensus académique quant au signe de la relation, les résultats variant très largement selon que l'on se concentre sur la taille du secteur financier ou sur d'autres aspects plus qualitatifs tels la déréglementation, ou le rôle des banques. En tout état de cause, il apparaît que l'impact est très dépendant du contexte institutionnel du pays. En l'absence d'institutions solides, le développement de la finance peut être l'occasion pour certains groupes d'intérêts de capturer des rentes, avec des conséquences négatives en termes d'inégalités. Sont également apparues récemment des preuves que la dérégulation financière peut détourner de la main-d'œuvre et d'autres ressources du secteur productif. Concernant l'impact distributif des crises financières, les résultats sont pour l'heure peu concluants.

D'un autre côté, en revanche, les résultats en faveur d'un lien causal positif entre inégalités et expansion du crédit s'accumulent avec régularité depuis une période récente, qu'ils proviennent d'études sur un pays en particulier (les États-Unis, même si en l'occurrence la catégorie de crédit exactement influencée par les inégalités est sujette à discussion) ou sur données internationales. À cet égard, les résultats mis en avant par Bazillier et al. (2017a et b) soulignent le rôle majeur joué par les classes moyennes dans l'ampleur de l'impact exercé par les inégalités sur la dynamique du crédit aux ménages. Ces résultats ont des implications évidentes de politique économique : en alimentant le gonflement du crédit, l'accroissement des inégalités favorise les risques de bulles et de crises financières qui souvent s'ensuivent, à l'image de celle de 2008-2009. La réduction des inégalités doit donc être un objectif central des politiques publiques en la matière.

Enfin il est utile de noter que le sujet est aujourd'hui encore loin d'être épuisé. Plusieurs pistes de recherche intéressantes demeurent ainsi à explorer. Par exemple, il reste à déterminer quel type de crédits (court ? immobilier ?, etc.) se trouve principalement favorisé par le développement des inégalités. Quant à ces dernières, les inégalités de revenu ont été jusqu'à présent l'objet principal d'étude de la littérature académique sur le sujet, mais les inégalités de patrimoine pourraient sans aucun doute faire l'objet d'investigations utiles, notamment avec l'émergence de nouvelles bases de données en la matière, telles la WID.


Notes

1 De fait, la majeure partie de la littérature académique sur le sujet s'intéresse aux inégalités de revenu et ne considère pas les inégalités de patrimoine. Cela peut s'expliquer, d'une part, par l'absence de canal théorique évident entre inégalités de patrimoine et endettement et, d'autre part, par le manque de données longues au niveau international sur le sujet. Cet état de fait pourrait changer dans les années à venir avec l'émergence de bases de données de patrimoine – par exemple, la base de données WID a récemment intégré des séries longues de patrimoine, voir le site : https://wid.world/fr/accueil/. Notons également que certains travaux opèrent des distinctions utiles entre inégalités de revenu, de consommation et de fonction.
2 La question de la distinction entre revenus primaires et disponibles (c'est-à-dire, respectivement, avant et après impôts et transferts) est assez peu abordée dans la littérature. Les études empiriques utilisent l'une et l'autre définition suivant les bases de données auxquelles elles ont recours : la base WID (précédemment dénommée World Top Income Database) s'appuie sur des données de revenu avant impôt, alors que la base WIID utilise des données de revenu disponible. Ces dernières semblent les plus pertinentes pour aboutir à la mesure la plus exacte possible des inégalités, et c'est pourquoi nous utilisons la base WIID dans nos propres travaux (Bazillier et al., 2017a et b) présentés en fin d'article.
3 Il est certain néanmoins que le développement financier recouvre une réalité plus large encore, renvoyant à l'expansion des marchés boursiers (certaines recherches s'intéressent d'ailleurs explicitement à cette dimension, voir, par exemple, Gimet et Lagoarde-Segot, 2011, également cité infra) et celle de multiples services financiers, tels que la gestion d'actifs.
4 D'autres études concluent également à des effets absents (Law et Tan 2009, sur le cas malaisien) ou conditionnels. Arora (2012) montre ainsi que les effets redistributifs du développement financier en Inde ne sont observées que dans les zones urbaines.
5 Kim et Lin (2011) utilisent la base de données WIID, tandis que Law et Tan (2012) utilisent SWIID. Dans toute cette littérature, le choix des données d'inégalités a un fort impact sur les résultats obtenus. Jenkins (2014) et Solt (2015) discutent des caractéristiques respectives de ces deux bases de données.
6 La financiarisation est définie comme « le rôle croissant des motivations financières, des marchés financiers, des acteurs financiers et des institutions financières dans la gestion des économies domestiques et internationales » (Epstein, 2005).
7 En outre, il convient de noter que les chocs transitoires de revenu sont davantage susceptibles d'affecter les inégalités au sein d'un groupe social, tandis que les chocs permanents de revenu ont un impact sur les inégalités entre groupes sociaux.
8 Il pourrait évidemment être objecté que la théorie du revenu permanent n'exclut pas a priori le recours à l'emprunt à court terme en cas de choc permanent sur le revenu, si, par exemple, les agents ont une préférence pour le présent élevé et/ou préfèrent lisser l'ajustement de leur consommation. En revanche, la théorie du revenu permanent prédirait alors un désendettement et un ajustement d'autant plus massifs de la consommation à la période suivante. Or, comme nous l'avons indiqué précédemment, c'est le contraire qui s'est produit : consommation et endettement ont continué à progresser de pair.
9 Les instruments utilisés, censés traiter des problèmes d'endogénéité, sont soit les variables retardées, soit des indicateurs institutionnels comme l'ouverture commerciale, dont l'absence de lien avec le niveau de crédit peut être discutée.
10 Dans l'idéal, il serait souhaitable de disposer de données de crédit aux ménages également réparti par décile de revenu, mais une telle information n'est pas disponible pour un si grand nombre de pays et pour une période de temps aussi longue. À l'image de la très grande de majorité des articles universitaires sur le sujet, nous nous focalisons donc sur un indicateur de crédit aux ménages agrégé.
11 L'indice, ou coefficient, de Gini prend en compte l'ensemble de la distribution du revenu. Il est compris entre 0 et 100, 0 représentant une situation d'égalité parfaite. S'il peut paraître modeste en valeur absolue, le chiffre d'une diminution de 0,321 est en réalité substantiel, si l'on garde en mémoire que c'est la décrue moyenne permise par la signature d'une seule convention OIT supplémentaire. Il convient également de noter que l'effet demeure quel que soit l'indicateur d'inégalités retenu.

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