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 Présentation

Ce dossier aborde certaines des conséquences de la menace terroriste sur la sphère économique et financière.

En premier lieu, Alain Rodier en dresse un panorama. S'il note que si les définitions sont multiples, l'arme terroriste est toujours celle du « faible au fort ». Historiquement, la France a eu à faire face à trois grands types de menaces : (1) la plus traditionnelle qu'ont fait peser des mouvements insurrectionnels, (2) la menace « islamique radicale » en distinguant les sunnites d'Al-Qaïda et de Daech et les chiites inspirés par Téhéran et (3) celles alimentées par les extrémistes de toutes tendances. Aujourd'hui, trois théâtres d'opérations retiennent l'attention : le front syro-irakien, l'Afghanistan, le continent africain. Les méthodes d'action sont également variées : émeutes, coups de main, enlèvements, bombes ; l'imagination étant malheureusement sans limites en ce domaine. L'auteur conclut que le terrorisme va perdurer comme moyen de combat parce qu'il est économique et relativement facile à mettre en œuvre et qu'il a un grand retentissement auprès des populations. Par contre, il ne permet pas, à lui seul, de remettre en cause la stabilité des États. Mais ces derniers sont contraints de consacrer des moyens humains, techniques et financiers considérables pour le combattre, les terroristes conservant l'avantage de l'initiative.

Alain Bauer montre que le financement du terrorisme diffère de celui du crime organisé, même s'il y a des plages de recoupement. D'un côté se développent des institutions presque entièrement dédiées non seulement au blanchiment traditionnel, mais également à l'investissement criminel. Une industrie « officielle » du financement du crime est née, utilisant les méthodes et les outils des systèmes financiers classiques. Le crime et la finance ne vivent plus seulement côte à côte. La finance mondiale n'est plus seulement la victime des attaques à main armée ou des détournements informatiques. Une partie d'entre elle a choisi d'investir avec le crime et parfois dans les activités criminelles. De son côté, le terrorisme se fait avec des moyens réduits et la question du financement est alors secondaire car elle porte sur des montants limités. Ces deux univers peuvent communiquer, mais il est difficile de lutter contre le terrorisme par le biais du financement car ce dernier souffre peu des restrictions imposées par les États qui, d'une part, libéralisent les transferts et suppriment les frontières pour des raisons économiques et, d'autre part, tentent de réguler ce qu'ils viennent de libéraliser.

L'article de Tracfin rappelle les spécificités des modes de financement du terrorisme : décentralisation, montants limités, utilisation des réseaux sociaux. Il décrit, en comparaison, ceux de Daech, plus centralisés et territorialisés. Il fait le point sur l'action des autorités publiques et en particulier sur les objectifs présentés par Michel Sapin en mars 2015 : faire reculer l'anonymat dans l'économie afin de mieux tracer les opérations financières ; mieux surveiller, grâce à la mobilisation des acteurs financiers dans la lutte contre le terrorisme ; renforcer les capacités de gel contre les avoirs détenus par les financeurs ou les acteurs du terrorisme. Cette action est aujourd'hui amplifiée par celle de l'Union européenne (4e directive de mai 2015) et la coopération internationale au sein du GAFI qui vise à l'amélioration des échanges entre les autorités compétentes en matière de lutte contre le terrorisme et son financement, ainsi qu'à une meilleure coordination et un échange optimal entre homologues étrangers.

Annick Steta se penche sur l'analyse économique du terrorisme non plus en termes de financement ou de conséquences sur l'activité, mais plus spécifiquement en s'interrogeant sur les motivations des auteurs d'actes terroristes. Une idée assez répandue voudrait que le terrorisme se nourrisse de la pauvreté et du faible niveau d'éducation des populations qui lui fourniraient des bras. Ce discours est constant dans les sphères progressistes comme chez les conservateurs américains de l'ère Bush et on le retrouve aujourd'hui dans des déclarations du pape François. Une revue de la littérature sur ce thème amène à nuancer le jugement. Même si les données ne portent pas, par construction, sur des échantillons très larges, on peut en tirer deux conclusions : (1) les terroristes sont issus, en grande majorité, des classes moyennes ou aisées et ont un niveau d'éducation supérieur, les commanditaires préférant logiquement recruter les services des populations les mieux formées ; (2) s'il est vrai, en revanche, que le terrorisme se nourrit de la détérioration des perspectives économiques, il est plutôt corrélé au taux de chômage des diplômés de l'enseignement supérieur qu'à celui des moins qualifiés. D'une manière générale, les études soulignent que malgré le soutien économique apporté par les organisations terroristes à leurs membres, ces derniers ne semblent pas motivés par la perspective d'améliorer leur situation matérielle. Quant aux analyses sur les caractéristiques socioéconomiques des pays d'où sont issus les terroristes, elles ne concluent à aucune corrélation significative. Au total, l'affirmation que le terrorisme est le fruit de la pauvreté de masse et du sous-développement doit être, au minimum, fortement relativisée.

Nicolas Arpagian fait le point sur une dimension essentielle de la lutte contre le financement du terrorisme : la cybersécurité. En ce domaine, beaucoup reste à faire. En premier lieu, il s'agit d'une activité nouvelle, évolutive et sur laquelle les autorités ne se sont véritablement penchées que récemment. En second lieu, apparaissent des conflits non résolus entre sécurité et liberté dans un cadre juridique encore balbutiant au plan national comme international.