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 Quel investissement à impact social en France ?


Hugues SIBILLE

Le débat sur l'investissement à impact social s'ouvre en France. Il est essentiel pour trois raisons : parce que le volume de besoins sociaux mal couverts augmente dangereusement ; parce que les finances publiques sont à bout de dépenses sociales passives ; parce que la France est attachée à son modèle social. Ce débat doit être « ouvert » en évitant les procès d'intention dont notre pays a le secret ; il doit aussi être « pragmatique » en partant des réalités et des faits. En ce sens, il ne peut se résumer à savoir si l'on est pour ou contre les titres à impact social (TIS) à l'anglo-saxonne. Évitons le style affaire Dreyfus. Le débat sérieux sur l'investissement social porte sur le financement de l'innovation sociale, la mesure de l'efficience des dépenses sociales et surtout la coconstruction de nouvelles réponses entre puissance publique, acteurs sociaux et entreprises privées. Le véhicule financier vient après.

LES TRAVAUX DE LA TASKFORCE INTERNATIONALE ET DU COMITÉ FRANÇAIS

J'ai participé à la demande de Benoît Hamon, ministre de l'Économie sociale, aux travaux de la Taskforce internationale établie par le G8 sur l'investissement à impact social dès octobre 2013 et j'ai présidé depuis le Comité français sur l'investissement à impact social1 (ci-après désigné Comité français). À partir de la Taskforce internationale réunie successivement à Washington, Londres, Berlin, Paris, Rome et Toronto, nous avons mieux vu la France, ses points forts réels et ses faiblesses. Composé de vingt-neuf personnalités issues de la banque, du capital-investissement, de fondations, de l'entrepreneuriat social, d'administrations, de milieux académiques ou internationaux (mais insuffisamment de représentants associatifs, je le regrette), le Comité français s'est réuni à six reprises entre novembre 2013 et juillet 2014. Il a remis au gouvernement un rapport adopté collectivement, comprenant un diagnostic de l'écosystème français et vingt et une propositions visant à « innover financièrement pour innover socialement ». Il a travaillé en partant des besoins de financement des acteurs sociaux et en prenant en compte les spécificités françaises. Cependant, le rapport a suscité des réactions associatives interrogatives (voire très défensives pour certaines associations) sur la question des TIS, qui ne constituent qu'une proposition sur les vingt et une. Les pouvoirs publics, conscients de ces craintes associatives, restent pour le moment en position attentiste. Le débat doit donc se poursuivre pour progresser dans un climat serein, sans jeux de rôle et, de mon point de vue, avec une seule boussole, celle des bénéficiaires de l'investissement à impact social. Comment mieux répondre au décrochage scolaire, au chômage des jeunes des quartiers, au mal-logement des sans-domiciles, à l'insertion des sortants de prison, au surendettement, au diabète des personnes âgées, etc. ?

DÉFINITION DE L'INVESTISSEMENT À IMPACT SOCIAL

Le Comité français a retenu la définition suivante de l'investissement à impact social : « Investissement qui allie explicitement retour social et retour financier sur investissement. L'investissement à impact social implique en conséquence l'établissement d'objectifs sociaux prioritaires et spécifiques dont l'impact est mesurable par un processus continu d'évaluation. Ces investissements peuvent être réalisés dans tous types juridiques d'organisation ayant un modèle économique pérenne et viser des niveaux de rémunération s'étendant de l'absence de rémunération à des rendements proches du marché. »

Que faut-il retenir de cette définition ?

L'investissement à impact social n'a pas vocation à se substituer aux modes de financement traditionnels de l'ensemble des services sociaux d'intérêt général, mais à les compléter dans des conditions précises, notamment pour financer l'innovation des services et les actions de prévention.

Comme le souligne la Taskforce internationale, la mission sociale des organisations à impact social doit être protégée, au travers de leur gouvernance, d'une certification ou de leur forme juridique. De ce point de vue, le Comité français a retenu un périmètre des organisations à impact social proche de celui de la loi de juillet 2014 sur l'économie sociale et solidaire (organisations d'utilité sociale, soit à statut limitant la lucrativité, soit commerciales respectant des principes énumérés par la loi) sans pourtant s'y fondre. Les mission-driven entreprises (entreprises classiques à impact social fort) peuvent faire partie du périmètre de l'investissement à impact social.

Le marché de l'investissement à impact social se distingue du marché de l'investissement socialement responsable (ISR) ou d'investissements traditionnels avec impact (par exemple, l'investissement dans des PME ayant un impact positif sur l'emploi). Il s'agit ici d'investissements dans des organisations dont « le social est prioritaire et spécifique », leur cœur de métier, et dont les résultats sociaux sont mesurables en continu.

FORCES ET FAIBLESSES DE L'ÉCOSYSTÈME FRANÇAIS D'INVESTISSEMENT À IMPACT SOCIAL

Les propositions pour développer l'investissement à impact social en France ne sauraient partir d'abord d'une transposition pure et simple d'expériences étrangères, mais d'une caractérisation de notre écosystème, de ses forces et de ses faiblesses. Sans entrer ici dans un diagnostic exhaustif, il est nécessaire d'en proposer quelques éléments clés. Un diagnostic partagé est le plus souvent la première condition de réussite des orientations à prendre. Voici quelques points saillants du diagnostic.

UN POIDS CERTAIN DE L'ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE, MAIS UN PÉRIMÈTRE PLUS LARGE

L'économie sociale et solidaire (223 000 établissements, 2,3 millions de salariés) est puissante en France, dont une partie, celle considérable du sanitaire et social (personnes âgées, handicap, réinsertion), du logement, de l'éducation, etc., est concernée au premier chef par l'investissement à impact social. Depuis une vingtaine d'années sont apparus de nouveaux entrepreneurs sociaux, dans le prolongement des entreprises d'insertion et des entreprises adaptées, travaillant sous toutes formes juridiques, y compris commerciales, et tous secteurs. L'investissement à impact social concerne aussi bien les « anciens joueurs associatifs » du secteur social qui doivent adapter leurs modèles économiques que les « nouveaux joueurs entrepreneuriaux » (il ne faut pas les opposer entre eux, mais les mettre en synergie positive). Il doit donc s'adapter à une biodiversité de ces organismes, avec comme fil rouge le financement de l'innovation. Une étude de France Active, datant de 2011, et reprise dans le rapport du Comité français, évalue à 48 000 les établissements immédiatement concernés, dans treize secteurs, avec des besoins de financement différenciés (entreprises adaptées, entreprises d'insertion, services à domicile, logement très social, enfance en difficulté, hébergement de personnes âgées, formation insérante, etc.). Si le système législatif concernant ce secteur évolue de façon favorable (par exemple, en 2014 avec la loi ESS – économie sociale et solidaire – ou les décrets régulateurs du financement participatif), de nombreux acteurs estiment qu'il constitue un cadre juridique trop complexe et difficile d'accès.

DES FINANCEURS PUBLICS IMPORTANTS QUI DOIVENT DEVENIR DAVANTAGE PROACTIFS

À la différence des pays anglo-saxons, les canaux de financement sont marqués en France par l'existence de financeurs publics qui peuvent jouer un rôle d'effet de levier et de régulateurs de l'écosystème. Bpifrance, la banque publique d'investissement, a d'ores et déjà mis en place le Fonds de financement de l'innovation sociale (Fiso) sous forme d'avances remboursables. La Caisse des Dépôts (CDC), actionnaire de référence de Bpifrance, a géré le Programme d'investissement d'avenir (PIA) consacré à l'entrepreneuriat social (100 M€), ce qui lui donne une certaine visibilité des besoins. La présence de la CDC rend, d'une certaine façon, inutile en France la création d'institutions de type big society capital au Royaume-Uni. Mais alors nos investisseurs publics doivent devenir davantage proactifs et dynamiser ce marché de l'investissement à impact social tel que nous l'avons défini, y attirer de nouveaux investisseurs, jouer un rôle de tiers de confiance notamment vis-à-vis des collectivités territoriales et des entreprises sociales, faire progresser la mesure de l'impact social, etc.

UNE AVANCE FRANÇAISE : L'ÉPARGNE SALARIALE ET LES FONDS 90/10

La France a développé un marché de l'épargne solidaire et salariale solidaire, quasiment unique au monde par son volume : l'encours 2014 de l'épargne solidaire en France a été de 6,8 Md€, générant 1,15 Md€ d'investissements solidaires. Ces investissements constituent d'ores et déjà des investissements à impact social puisqu'ils génèrent un double retour, social et financier. Ils constituent une base de départ significative et positive pour aller plus loin. Cette épargne a généré des instruments originaux et performants, qui donnent à la France une longueur d'avance, avec en particulier les fonds 90/102 représentant 864 M€ du milliard investi, qui ont permis de constituer une expertise technique sans précédent. Les sociétés de gestion d'actifs, investisseurs primaires, disposent de volumes d'actifs impactants significatifs (Mirova, Amundi, BNP Paribas, Ecofi, InterExpansion, etc.). Dans ce sillage, la France dispose maintenant d'un réseau d'investisseurs secondaires qualifiés, qui montent en qualité, spécialisés dans le social et solidaire (France Active, Comptoir de l'innovation, PhiTrust, Esfin-Ides, etc.) ou les mission-driven entreprises (Siparex, Citizen Capital, Alter Equity, Impact Partenaires, etc.). Cette infrastructure est loin d'être négligeable lorsqu'on la compare à d'autres pays. Les travaux du G8 ont permis de valoriser ce savoir-faire français, en particulier celui des fonds 90/10. Un récent rapport rédigé par la Social Market Foundation et Big Society Capital préconise de s'inspirer de l'approche française des 90/10 pour introduire des fonds d'investissement social dans les fonds de pension britanniques.

MIEUX QUALIFIER ET QUANTIFIER LES BESOINS DE FINANCEMENT RÉELS

Le Comité français a fait sienne l'expression d'« écosystème favorable » à l'investissement à impact social, en insistant sur la nécessaire adéquation entre les besoins des entreprises et des structures à impact social et l'offre de financements. Les besoins de financement, la capacité de lever des ressources, l'analyse du risque diffèrent selon que l'on est dans la conception du service, son lancement, sa première diffusion ou son changement d'échelle. Deux segments de besoins, fort différents, restent difficiles à financer en France : (1) la phase de R&D (recherche et développement) sociale, débouchant sur la conception et le lancement de nouveaux services par la création de start-up sociales ou leur introduction dans des organisations existantes ; (2) la phase de changement d'échelle pour faire émerger des entreprises sociales de taille intermédiaire, avec de forts besoins de fonds propres. Il faut y remédier et mieux qualifier et quantifier les besoins réels. De nombreux investisseurs s'interrogent sur le volume et la qualité du deal flow des projets à financer dans l'avenir. Évitons de créer une « bulle » des investissements à impact social. Pour l'heure, l'infrastructure d'accompagnement des entrepreneurs sociaux est composée d'acteurs agissant à petite échelle et son financement reste difficile. La thématique du capacitybuilding (formation, incubation, accompagnement, etc.) reste devant nous.

Le Comité français, à partir de ce diagnostic, a dégagé six orientations et fait vingt et une propositions en direction des pouvoirs publics et, au-delà, en direction de l'ensemble des parties prenantes de l'écosystème.

AMÉLIORER L'ADÉQUATION ENTRE OFFRE ET BESOINS

La première orientation consiste à améliorer l'adéquation entre offre de financements et besoins des structures à impact social. Cette orientation passe par l'ouverture au Fonds national d'amorçage de 600 M€ gérés par Bpifrance d'investissements dans des projets socialement innovants, en toute première phase de démarrage. Elle passe à l'autre bout du cycle par le renforcement des fonds propres du secteur sanitaire et social qui va devenir à haute intensité capitalistique dans les années à venir (utilisation du titre associatif actualisé par la loi du 31 juillet 2014).

La proposition visant à expérimenter les social impact bonds en les adaptant au contexte national sous forme de TIS a pour objectif de compléter les outils en place. Ce sujet est traité dans cette édition du Rapport moral (cf. article de Cyrille Langendorff et Raphaëlle Sebag). Rappelons que le Comité français propose de concentrer au départ les TIS sur des programmes innovants non couverts par des financements existants. Il suggère également d'adapter les véhicules financiers pour réduire l'amplitude du risque et du gain pour l'investisseur, par exemple avec des dispositifs de garantie. Enfin, il préconise d'utiliser les cadres juridiques français, le TIS se présentant d'abord comme un contrat entre trois parties : un opérateur social, des investisseurs privés, un acteur public gestionnaire de programme social. La rédaction du cahier des charges et du contrat est essentielle. Cette proposition sur les TIS suggère une phase d'expérimentation, permettant de mesurer les avantages, les gains, les inconvénients et les risques de la formule. Le TIS proposé articule innovation sociale et innovation financière.

AUGMENTER LES RESSOURCES FINANCIÈRES DISPONIBLES

La seconde orientation vise à augmenter les ressources financières disponibles pour l'investissement à impact social, d'abord en amplifiant le succès de l'épargne solidaire en France. Les propositions visent à donner une déclinaison solidaire à tous les produits d'épargne, en particulier ceux de l'assurance, à distinguer les placements solidaires par un label et à promouvoir une action de promotion de ce secteur auprès des marchés financiers. S'y ajoute une proposition (inspirée du Royaume-Uni) de mobiliser les avoirs en déshérence pour amorcer la pompe, car la mobilisation des investisseurs privés pour créer des fonds significatifs, avec une infrastructure de gestion de qualité, reste difficile au regard des conditions de rentabilité. Les avoirs en déshérence, c'est-à-dire les avoirs bancaires et les contrats d'assurance-vie non réclamés par leurs propriétaires, représentent selon la Cour des comptes 4 Md€. Au Royaume-Uni, Big Society Capital a été doté grâce aux avoirs en déshérence de 600 M€. Pourquoi ne pas créer en France un fond d'impact social comparable, géré par la CDC en partenariat avec les professionnels de l'investissement social ?

La troisième orientation vise à favoriser l'émergence d'entreprises à impact social en étudiant la mise en place d'un statut de société à objet social étendu (SOSE) permettant d'inscrire, dans les statuts de sociétés commerciales classiques, des objectifs sociaux ou environnementaux, d'adopter une gouvernance en cohérence avec ces objectifs pour préserver la mission sociale quel que soit l'actionnariat et d'assurer une transparence sur les impacts effectifs.

MOBILISER LE SECTEUR DES FONDATIONS

La quatrième orientation vise à mobiliser le secteur des fondations et fonds de dotation sur l'investissement à impact social. Partant de loin, la France connaît aujourd'hui un développement certain de son secteur de fondations (2 200 fondations et 1 800 fonds de dotation en 2014) qui peut jouer un rôle essentiel dans l'investissement à impact social. Jusqu'ici, les fondations se sont pour l'essentiel caractérisées par une séparation entre une gestion de leurs actifs selon des critères de sécurité et de rentabilité et une philanthropie de mécénat selon leur objet social. L'orientation inspirée des mission related investments (MRI) américains consiste à ce que les fondations investissent une partie de leurs actifs dans des projets conformes à leur mission, avec un double retour social et financier. Rappelons que le total des actifs des fondations françaises était évalué en 2009 par le Centre français des fonds et fondations à un peu moins de 15 Md€, montant qui a sensiblement augmenté depuis. Un déplacement partiel de la gestion de ces actifs aurait un effet sensible. Au-delà de leurs actifs, les fondations peuvent également être des partenaires essentiels par leurs actions de mécénat, pour financer l'écosystème de l'investissement à impact social (financement du capacity building, prise en charge de tout ou partie des intérêts des TIS).

La cinquième orientation, non présentée ici, vise à promouvoir des investissements à impact social pour le développement des pays du Sud. Les social impact bonds (SIB) et les development impact bonds (DIB) sont proches dans leur conception. L'Agence française de développement (AFD) est très active sur le sujet. Son rapprochement avec la CDC pourrait accélérer encore le processus. Par ailleurs, de nombreux groupes privés s'intéressent à ce type d'investissements pour le sud comme en a témoigné le rapport Faber sur l'aide au développement3 remis au gouvernement en 2014, ou la création du fonds Danone Livehoods.

METTRE EN PLACE UN CADRE DE RÉFÉRENCE POUR LA MESURE DE L'IMPACT SOCIAL

Enfin, la sixième orientation, peut-être la plus difficile, vise à mettre en place un cadre de référence pour mesurer l'impact social. Les difficultés sont en effet nombreuses, mais elles le sont sans doute davantage pour des raisons culturelles que pour des raisons techniques. Il y a une réticence française à la mesure de l'impact social et au double retour sur investissement, social et financier. Je l'ai constaté dans le secteur de l'insertion par l'activité économique, pour lequel l'État n'a pas réussi à intégrer véritablement une approche d'investisseur social. Des études ont montré que pour 1 euro d'argent public injecté dans les entreprises d'insertion, 2,3 euros reviennent dans les caisses publiques, sous forme de taxes et de charges, sans parler des coûts évités. Pourtant, l'État continue à considérer le budget alloué aux entreprises d'insertion comme de la dépense subventionnelle stricte et sans retour. De l'argent perdu ! Avant même d'associer le secteur privé, il reste beaucoup à faire pour que la puissance publique, État et collectivités territoriales, apprenne à devenir investisseur à impact social et à mesurer les impacts. De son côté, une partie du secteur associatif redoute que la mesure d'impact social ne se concentre entre les mains des financeurs et ne repose sur des indicateurs quantitatifs et simplificateurs, ou ne correspondant pas à leur projet social. Un indicateur de taux de récidive d'anciens détenus n'a pas la même signification sociale qu'un taux de réinsertion dans l'emploi. Dis-moi ce que tu mesures et je te dirai qui tu es ! Le Comité français s'est placé dans le sillage des travaux sur la mesure d'impact du groupe d'experts européens, le GECES (Groupe d'experts de la Commission européenne sur l'entrepreneuriat social), pour trois raisons. Parce que le GECES privilégie un processus évolutif avec une série d'étapes dans la mesure d'impact. Parce que le choix des indicateurs et des critères résulte d'une coconstruction entre toutes les parties prenantes. Parce que la mesure d'impact y est considérée davantage comme un système de reddition de comptes que comme un outil de pilotage de l'opérateur social pour améliorer son efficience. Pour ma part, je suis favorable à la création en France d'un knowledge center (observatoire ?) permettant de faire progresser tant les outils techniques que les compétences et l'éthique de la mesure d'impact.

ET MAINTENANT ?

Il faut continuer à avancer dans au moins trois directions qui ont été ouvertes par les travaux de la Taskforce internationale présidée par Ronald Cohen et le Comité français que je préside.

D'abord, poursuivre un travail de veille, de débat, de sensibilisation, de pédagogie. Le Comité français va poursuivre ses travaux et s'élargir à de nouveaux membres, en particulier le mouvement associatif. Il restera en contact étroit avec le Global Steering Committee international qui succède à la Taskforce internationale et élargit sensiblement ses membres avec l'entrée du Brésil, du Mexique, du Portugal, de l'Inde, d'Israël et sans doute de la Suède et de l'Afrique du Sud. Il est essentiel que la France participe aux travaux internationaux sur ces sujets, y compris au sein de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) et de la Commission européenne, avec le puissant Fonds européen d'investissement (FEI).

Ensuite, faire avancer concrètement les six orientations retenues par le Comité français. Un gros travail est à faire en direction des pouvoirs publics, État et collectivités territoriales. Je suis convaincu que les collectivités territoriales vont s'intéresser rapidement à l'investissement à impact social. Les conseils départementaux en particulier sont au bout de leur capacité de dépenses sociales, ayant été contraints de prendre en charge le revenu de solidarité active (RSA), l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) pour les personnes âgées et la prestation compensatrice du handicap (PCH). Les dépenses sociales des départements sont passées de 11 Md€ en 2005 à 15 Md€ en 2012 et sans doute à 18 Md€ en 2016. Ils commencent à témoigner d'un intérêt pour l'approche investissement à impact social.

Enfin, expérimenter sur le terrain des dispositifs innovants et en tirer des enseignements. Un portefeuille de projets de TIS voit le jour dans des domaines comme le surendettement, la sauvegarde de l'adolescence, l'insertion de populations à troubles psychiques sévères, la refonte du RSA, la prévention de la récidive du cancer du sein, la prévention du décrochage scolaire, la réinsertion de sans-abris, etc. Il faut en faire aboutir quelques-uns et les suivre attentivement pour en tirer des enseignements.

Pour faire avancer ces trois pistes de travail concrètes, nous avons mis en place un groupe restreint, l'Impact Invest Lab, qui réunit quelques membres actifs du Comité français, représentant les différents types de parties prenantes de l'investissement à impact social.

CONCLUSION

L'investissement à impact social reste devant nous, son histoire est à écrire. Il me semble inéluctable pour quatre raisons : l'importance de besoins sociaux de base ou de nouveaux besoins sociaux non satisfaits ; l'évolution de nos sociétés vers plus d'autonomie et moins d'assistance des personnes ; la désintermédiation que rend possible la révolution digitale ; la mise en cause des politiques sociales pour des raisons budgétaires, mais aussi d'efficience.

À nous d'en faire ce que nous voulons.


Notes

1 Comment et pourquoi favoriser des investissements à impact social ?, rapport du Comité français sur l'investissement à impact social, septembre 2014, téléchargeable sur le site du ministère de l'Économie et des Finances.
2 90 % du fonds investis dans des entreprises cotées, selon des critères RSE, et 10 % dans des entreprises agréées solidaires.
3 Innover par la mobilisation des acteurs : 10 propositions pour une approche de l'aide au développement, rapport Faber, juin 2014, téléchargeable sur le site du secrétariat d'État au développement.