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Assurance : en finir avec le principe de précaution excessif

14/10/2021 AGEFI Visiter le site source

Les régulateurs financiers sont payés pour que rien n’arrive – entendez, rien de déstabilisant pour le système. En bardant les assureurs de casques, gilets pare-balles et autres protections lourdes, ils ont mérité leur salaire. Si l’on en juge par la remarquable résistance du secteur au krach des marchés financiers début 2020, la réglementation Solvabilité 2 a atteint son but. Un choc d’une telle ampleur sur les rendements obligataires et les actions aurait pu en d’autres temps mettre au tapis plusieurs compagnies.

Mais en corsetant l’investissement des assureurs à partir d’une philosophie contestable – refuser la volatilité à court terme alors que, par nature, ces entreprises aux passifs longs ont tout le temps devant elles –, la régulation a aussi raté sa cible dans les grandes largeurs. En témoigne le niveau étique auquel est tombée la part des actions dans le portefeuille de placements des assureurs, à peine 3 % chez les acteurs français. Solvabilité 2 n’a fait, de ce point de vue, que des perdants : les compagnies, leurs assurés, condamnés à une décennie perdue de rendement, et les entreprises qui auraient dû bénéficier de cette source de financement à long terme.

Après une première tentative, il y a deux ans, trop timide pour faire bouger les curseurs, la Commission européenne et les autorités de supervision ont enfin entrepris de réviser les textes dans un sens plus favorable au financement de l’économie. L’intention est louable, et saluée par toutes les parties prenantes. N’en attendons pas de miracles. Le texte est effroyablement dense et technique – plus de 650 pages ! –, les mesures les plus ambitieuses se dilueront dans les méandres des processus de décision à Bruxelles, et les propositions aujourd’hui sur la table ne vont pas assez loin. Il n’empêche, dans une Europe où les projets d’Union bancaire et d’Union des marchés de capitaux n’ont pas progressé d’un iota depuis le Brexit, il devient urgent de déverrouiller l’investissement des assureurs en faveur des entreprises et des infrastructures.

L’enjeu, immense, est aussi d’accompagner le financement de la transition verte, cette révolution dont chaque jour nous fait mieux appréhender les coûts. Aux côtés des assureurs, une autre catégorie d’acteurs doit y jouer un rôle primordial : les banques. L’Europe en compte quelques-unes à même de rivaliser avec les géants américains. Encore faut-il que l’exécutif les laisse jouer à armes égales lorsqu’il dévoilera, fin octobre, ses propositions pour parachever le cadre prudentiel de Bâle 3. Le principe de précaution ne peut tenir lieu de seule boussole au continent. Sans risque, pas de rendement ; sans industrie financière forte, pas de souveraineté économique.