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Radio Classique : Crise du Covid-19 : « Le paquet de mesures de la BCE est cohérent et puissant au service des entreprises »

13/03/2020 Banque de France Visiter le site source

DIMITRI PAVLENKO
                                 Ce matin, l'invité éco, François VILLEROY de GALHAU, le gouverneur de la Banque de France. Bonjour François VILLEROY de GALHAU.

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU 
                                  Bonjour Dimitri PAVLENKO.
DIMITRI PAVLENKO
                                  Merci d'être avec nous. Membre également du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne. Evidemment, vous étiez hier à Francfort, où la Banque centrale européenne a annoncé un paquet de mesures face à la crise actuelle du coronavirus, qui déstabilise très très violemment et très rapidement les économies de la zone euro. Ces mesures, on va les détailler, mais d'abord la réaction des marchés, impressionnante, ça n'a pas rassuré, ça n'a pas convaincu, François VIDAL le racontait à l'instant, François VILLEROY de GALHAU.

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU 
                                  Nous regardons les marchés et leur forte volatilité: il y a un effet Donald TRUMP,  François VIDAL vient de le dire. Mais nous sommes d'abord guidés par la situation économique et le service des entreprises. C"est cela qui compte dans la durée, et c'est cela qui déterminera l'évolution future des marchés. Alors, sur l'analyse économique, il y a d'abord une bataille sanitaire, évidemment:  il faut gagner la bataille contre le coronavirus. Je dis au passage ma grande admiration pour les professionnels de santé. Cette bataille sanitaire entraîne un choc économique, qui est sévère, mais qui est temporaire sur 2020. Ce que nous avons donc décidé hier, c'est de faire tout ce qui relève de nous pour que ce choc reste temporaire. Je crois que nos mesures, le "paquet "décidé hier, c'est un paquet qui est cohérent par rapport à cette analyse économique, et qui est puissant au service des entreprises.

DIMITRI PAVLENKO
                                  On va le détailler, mais...
FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU 
                                   Pour le dire d'un mot, il faut aider les entreprises et les PME à bien traverser ce choc, pour qu'elles puissent bien repartir ensuite. 

DIMITRI PAVLENKO
                                  Mais avant cela, sur l'analyse de la situation, quand vous dites « le choc est temporaire », certes, pour l'Europe la crise virale, si je puis dire, va durer quelques semaines, mais on voit à cet effet de contamination, de propagation, au monde, ça a commencé en Chine avec déjà un impact sur l'économie européenne, maintenant c'est en Europe, demain ce seront les Etats-Unis, tout cela fait que 2020 entièrement pourrait être compromis, et donc les échanges internationaux, et donc l'économie mondiale, François VILLEROY de GALHAU.

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU 
                                  Chacun des pays est touché, et chacun prend aussi des mesures. Toutes les autorités monétaires prennent aujourd'hui des mesures de soutien dans la même direction, et nous nous parlons entre nous. Qu'est ce que nous avons décidé, nous, Banque centrale européenne ? C'est un paquet qui est cohérent avec cette analyse économique, de soutien aux entreprises, pour qu'elles traversent ce choc, et qui est puissant, avec trois leviers d'action que nous allons utiliser tout de suite. Il y a d'abord une capacité de financement quasi- illimitée, il y a ensuite une force d'intervention agile sur les titres longs, et enfin, cela a peut-être été moins noté, il y a des flexibilités intelligentes, pour que les banques puissent aider leurs clients. 
Je reviens rapidement sur chacun de ces trois leviers. Le premier, c'est une capacité de financement quasi-illimitée, c'est-à-dire que nous mettons à disposition des banques, pour qu'elles-mêmes le mettent à disposition de l'économie, d'abord des liquidités immédiates, et inconditionnelles, et leurs liquidités seront abondantes. Et ensuite, à partir du mois de juin, nous augmentons ce qu'on appelle le TLTRO III, pardon du terme technique. C'est un mécanisme de financement qui n'a pas de précédent, qui est extrêmement favorable, pour les banques qui maintiennent leurs crédits à l'économie, et en particulier aux entreprises. Elles bénéficient d'un financement jusqu'à la moitié de ces crédits, à taux de - 0,75 %. Vous voyez que c'est extrêmement favorable...

DIMITRI PAVLENKO
                                 Vous prêtez aux banques...

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU 
                                   ... et donc nous avons à la fois amélioré les conditions, et nous avons beaucoup augmenté le volume, puisque nous avons augmenté le volume de cette capacité de financement de 60 %.

DIMITRI PAVLENKO
                                 Je simplifie, en fait c'est de l'argent que vous allez prêter à taux négatifs aux banques, à condition qu'elles le prêtent à leur tour aux crédits et aux ménages. Evidemment, l'idée c'est d'irriguer l'économie, de liquidités.

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU 
                                  Bien sûr. C'est exactement cela: soutenir le financement de l'économie, et en particulier la trésorerie des entreprises, avec toujours cette idée qu'il faut les aider à traverser le choc temporaire. 
Le deuxième levier, c'est une force d'intervention agile, sur les titres longs, c'est-à-dire l'achat pour 120 milliards d'euros supplémentaires d'ici la fin de l'année, de titres publics et d'obligations d'entreprises.

DIMITRI PAVLENKO
                                 De dette, on parle de dette. C’est le fameux Quantitative easing...

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU 
                                  Oui, ce sont des financements à long terme, les obligations sur les marchés. Alors, Christine LAGARDE l'a souligné hier, nous allons utiliser cette force de frappe, avec toute l'agilité et toutes les flexibilités possibles. Je veux être clair là-dessus: la Banque centrale européenne veille à ce que notre politique monétaire soit bien transmise à travers tous les pays de la zone euro, les 19 pays. S'il y a des risques de fragmentation, nous utiliserons toutes les flexibilités possibles. Ceci veut dire que pour les achats de titres publics, nous pourrons nous éloigner temporairement des clés en capital, entre pays, et acheter plus de certaines dettes publiques, et moins d'autres.

DIMITRI PAVLENKO
                                 Mais sur le volume ? 

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU 
                                   Laissez-moi insister sur cette flexibilité entre pays, c'est très important. Nous l'avons déjà fait dans le passé, et nous le referons chaque fois que nécessaire. J'ajoute une dernière chose: nous allons veiller au financement d'entreprises, à travers les obligations privées, mais nous allons continuer naturellement à acheter une majorité de titres publics.

DIMITRI PAVLENKO
                                 Alors, ce Quantitative easing, ce QE, 120 milliards donc pour l'année...

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU 
                                  120 milliards supplémentaires.

DIMITRI PAVLENKO
                                  Supplémentaires, effectivement, ça fait 10 milliards de plus par mois. Aux grands temps de l'intervention de la BCE sur...

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU 
                                  Non, vous me permettez, de préciser les choses. D'abord, nous avons donné un volume sur les 9 mois qui viennent...

DIMITRI PAVLENKO
                                 Non, mais je donnais une moyenne.

 FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU 
                                   Justement c'est une différence par rapport au passé, qui illustre l'agilité:  c'est que nous pouvons utiliser cela au meilleur moment dans l'année, et c'est très significatif.

DIMITRI PAVLENKO
                                  Face à cela, la FED a annoncé hier l'équivalent d’un QE, à hauteur de 60 milliards par mois. La question en fait n'est pas tellement la mesure, mais le calibre de la mesure, François VILLEROY de GALHAU. Est-ce que ces 120 milliards, la semaine prochaine, il ne va pas falloir les doubler, les tripler ?

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU 
                                  Ce que la FED a annoncé hier, ce sont des mesures de liquidités, essentiellement, à très court terme, qui sont l'équivalent du premier levier d'action dont je parlais; mais encore une fois notre capacité de financement est quasi-illimitée. 
Je voudrais dire un mot du troisième levier,  auquel on a peut-être fait moins attention, et que le superviseur européen des banques a publié hier, en même temps que nos annonces: c'est l'illustration d'une action coordonnée qui n'avait pas de précédent. Le superviseur décide des flexibilités intelligentes pour les banques. Nous allégeons certaines exigences en capital, et nous les autorisons à utiliser les réserves de précaution qui avaient été constituées. Au passage, c'est une bonne nouvelle: on avait beaucoup renforcé la solidité des banques depuis la précédente crise financière, c'est le moment de l'utiliser. En outre, nous allégeons certaines charges de travail en reportant les stress-tests. Alors, en conséquence, nous attendons des banques, et elles y sont prêtes, qu'elles soutiennent leurs clients à travers cette crise, et qu'elles fassent des reports d’échéances,  chaque fois que cela a du sens.

DIMITRI PAVLENKO
                                  François VILLEROY de GALHAU, alors là, vous nous avez parlé des décisions prises hier par la BCE, au niveau national, vous en tant que gouverneur de la Banque de France, comment allez-vous agir pour soutenir l'économie ? Emmanuel MACRON, au chapitre budgétaire, a annoncé tout un tas de choses hier, vous, en tant que banquier central, comment pouvez-vous intervenir ? 

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU 
                                  D'abord, je pense que les mesures qui ont été prises du côté des pouvoirs publics, sont les bonnes...

DIMITRI PAVLENKO
                                 Chômage partiel, etc.

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU 
                                  Avec toujours la même idée d'aider les entreprises à traverser ce choc temporaire, c'est le chômage partiel, ce sont les reports de charges fiscales et sociales, c'est la mise au point d'un certain nombre de garanties publiques. Nous allons donc compléter le paquet européen, qui est encore une fois cohérent et puissant, par un certain nombre d'actions nationales. Je vais déjà en citer une qui est à l'œuvre depuis ces derniers jours, nous mobilisons totalement la Médiation du crédit. Sous l'égide de la Banque de France, c’est un médiateur national, Frédéric VISNOVSKY,et 100 médiateurs départementaux. C'est une procédure très accessible, totalement gratuite et efficace. L'an dernier nous avons eu un taux de succès des 2/3, pour tous ceux qui ont des difficultés avec leur banque, sur 1 000 dossiers. Nous espérons avoir au moins le même taux de succès cette année, bien sûr sur davantage de dossiers.

DIMITRI PAVLENKO
                                 Mais alors, sur cette question des coussins qui avaient été demandés aux banques, de se constituer, afin de se montrer fortes et solides au moment de l'arrivée d'une crise, eh bien cette crise, là, on y est, est-ce que nos banques, dans leur situation actuelle, quand on regarde les cours, alors vous me direz ça n'est que de la Bourse, elles sont extrêmement fragiles sur ce plan-là, sur le plan capitalistique en revanche, nos banques françaises sont-elles armées pour affronter la crise actuelle ?

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU 
                                  Nos banques sont armées, encore une fois elles sont beaucoup plus solides qu'il y a 10 ans, sur le plan du capital comme sur le plan de la liquidité. Mais vous posez effectivement la question des coussins, ce qu'on appelle le coussin contracyclique. J'explique ce terme technique, ce sont là aussi des réserves qu’heureusement on a constituées quand on était en phase ascendante du cycle...

DIMITRI PAVLENKO
                                  Elles s'en sont beaucoup plaintes, ces banques, d’ailleurs. 

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU 
                                  Oui,  et je vais répondre à votre question là-dessus. Le  niveau de ce coussin contracyclique est décidé par le Haut Conseil de stabilité financière, présidé par le Ministre, et qui comporte un certain nombre de personnalités qualifiées. Ce Haut conseil se réunit la semaine prochaine. Mais je vais proposer au Haut conseil le relâchement de ce coussin contracyclique, pour favoriser les crédits aux entreprises et aux ménages. C'est le moment de le faire.

DIMITRI PAVLENKO
                                  Est-ce qu'elles jouent le jeu, pour l'heure, les banques ? Alors, c'est peut-être encore un peu difficile à dire, François VILLEROY de GALHAU, mais ont-elles entendu ce message qui leur est délivré à la fois par vous, par la Banque centrale européenne et y compris par l'exécutif ? Il faut qu'elles soient là, qu'elles soient souples aussi, à l'égard de leurs clients, entreprises, lorsqu'elles ont des difficultés ?

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU 
                                  Nous devons être tous mobilisés, ensemble. Je vais le dire pour la Banque de France, et les Banques centrales: nous sommes très vigilants, nous sommes très présents, nous sommes très mobilisés. Vous le voyez à travers ces actions et peut-être une ou deux autres dont nous parlerons. Mais en même temps, nous devons garder confiance dans notre capacité à surmonter ensemble ce choc. Il faut jouer collectif; jouer collectif ce sont les Pouvoirs publics et la Banque de France, ce sont les banques, ce sont les grandes entreprises aussi, ce sont les 19 pays de la zone euro. Nos décisions d'hier ont été prises à l'unanimité. Et nous allons renforcer encore avec d'autres mesures nationales...

DIMITRI PAVLENKO
                                 Vous pouvez nous en faire part ? 

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU 
                                   Il y a une mesure qui peut paraître technique, mais qui facilite là aussi le financement aux PME: nous allons admettre au refinancement de la Banque centrale, davantage de créances privées, et notamment des créances sur les PME. J'ajoute une dernière chose, mais qui est essentielle:  nous sommes très présents sur le terrain, il y a une succursale de la Banque de France dans chacun des départements. Nous y sommes à l'écoute des entrepreneurs: chaque mois nous interrogeons 8 500 entreprises,  et nous allons réunir 1 000 entrepreneurs à travers nos conseils consultatifs dans les prochains jours, pour qu'ils nous disent la situation économique, en temps réel. S’il y a des dispositions supplémentaires qui s'avèreraient nécessaires, nous verrions avec Bercy comment les prendre, vite et bien.

DIMITRI PAVLENKO
                                  François VILLEROY de GALHAU, le gouverneur de la Banque de France, invité ce matin de Radio Classique, qui faisait donc quelques annonces au niveau de la Banque de France,  et ce très rapidement. C'est pour la semaine prochaine, tout ce que vous nous avez annoncé ? Assouplissement sur le coussin contracyclique ? 

FRANÇOIS VILLEROY DE GALHAU 
                                   Il y a des mesures qui sont déjà en force, comme la médiation du crédit. Il y a des mesures qui ont été prises hier comme ce paquet cohérent et puissant de la Banque centrale, et le reste est pour les jours qui viennent. Nous restons extrêmement mobilisés.

DIMITRI PAVLENKO
                  Merci à vous François VILLEROY de GALHAU, le gouverneur de la Banque de France.

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