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Contribution de Robert Ophèle aux réflexions sur l’activisme en bourse

16/07/2019 AMF Visiter le site source

Ce document est une contribution de Robert Ophèle, président de l'AMF, aux réflexions sur l'activisme en bourse. Elle fait suite à une audition du président par la Mission d’information sur l’activisme actionnarial constituée par la Commission des finances de l’Assemblée nationale, dont les députés Eric Woerth et Benjamin Dirx sont co-rapporteurs. Elle n’a pas fait l’objet d’une délibération du Collège de l’AMF et n’engage donc pas l’Autorité.

L’intervention d’activistes est certes l’un des éléments susceptibles de contribuer à la bonne formation des prix sur les marchés et à l’amélioration de la gouvernance et de la gestion des émetteurs. Elle peut toutefois s’avérer anormalement déstabilisatrice tant pour les émetteurs que pour le bon fonctionnement du marché. Il est donc particulièrement important pour les superviseurs d’assurer un suivi rapproché de leurs activités et de faire respecter une réglementation qui encadre à la fois la communication des uns et des autres et les opérations financières réalisées. Le renforcement progressif des données à la disposition de l’AMF conforte ses moyens d’analyse et ses capacités de réaction, ce qui est d’autant plus nécessaire que le temps des enquêtes et des sanctions n’est pas le temps des marchés.
Faut-il faire évoluer le cadre réglementaire déjà copieux pour mieux protéger le marché et les émetteurs d’interventions déstabilisatrices ? Alors que ce cadre est largement fixé au niveau européen, les évolutions doivent, à mon avis, rester d’ampleur (et de portée) limitée.

  • Une obligation de déclaration de franchissement de seuil à 3% du capital ou des droits de vote (en plus du seuil actuel de 5 %) pourrait être introduite pour les « grandes » capitalisations (cadre national) : la portée en serait limitée car la communication est un des vecteurs de la stratégie des activistes.
  • Une obligation de déclaration d’intention lors du franchissement du seuil de 5% du capital ou des droits de vote (en plus du seuil actuel de 10 %) pourrait être introduite pour les « grandes » capitalisations (cadre national). La portée en serait limitée pour la même raison qu’évoquée au point précédent et cela accentuerait la singularité du cadre français par rapport au cadre européen qui ne prévoit pas ce type d’obligation.
  • Une obligation de déclaration des positions courtes sur instruments de dette (y compris les CDS) pourrait être introduite lorsque les déclarations de positions courtes sur actions sont exigées (cadre européen).
  • Par ailleurs, des clarifications pourraient être apportées via la doctrine des régulateurs sur le niveau de précision (souvent insuffisant actuellement) à apporter à la communication publique des conflits d’intérêt des divers intervenants (cadre européen) ; sur la capacité des émetteurs à communiquer en réponse aux attaques des activistes lors des périodes précédant la publication de leurs résultats où il leur est recommandé de s’abstenir de toute communication (cadre national), et plus généralement sur la latitude offerte aux émetteurs pour dialoguer avec certains de leurs actionnaires, dans le respect du règlement MAR (cadre européen) et du principe d’égalité des actionnaires (cadre national).

 

L’intervention d’activistes est un élément contribuant à la bonne formation des prix sur les marchés et ce d’autant plus que l’essor des investisseurs passifs et/ou des investisseurs institutionnels réduit dans certains cas singulièrement la diversité des analyses et des intervenants.
L’activiste est censé identifier les sociétés qui doivent modifier leur stratégie mais le refusent et prendre des positions poussant à cette modification. Certains fonds activistes (type Muddy Waters(1)) se spécialisent dans la détection de situations potentiellement frauduleuses en termes d’information financière. La notion d’activisme actionnarial est cependant délicate à définir précisément car les actions des activistes peuvent être très similaires de celles d’actionnaires qui ont une politique d’engagement, au sens par exemple de la directive européenne « droit des actionnaires »(2) transposée dans la loi PACTE du 22 mai 2019. 

  • Considérant qu’une société est sous-évaluée, l’activiste entre au capital afin d’exiger des évolutions stratégiques ou demander une « prime de sortie » ;
  • Considérant qu’une société est surévaluée, l’activiste peut vendre à découvert le titre et le ramener vers sa « vraie » valeur et conduire à précipiter une redéfinition de la stratégie de la société. 

A chaque fois, l’objectif est en principe de court terme et l’opération se dénoue souvent par des changements dans le management et par des opérations capitalistiques : ventes de certaines activités, rapprochement avec une autre société, sortie de la cote…. 
Afin de minimiser les fonds mobilisés dans ces opérations, les fonds activistes s’engagent souvent :

  • en utilisant au maximum les effets de levier via les emprunts de titres (systématiques en cas de ventes à découvert, mais également fréquents à l’occasion des assemblées générales pour maximiser l’impact du fonds) ;
  • sur des sociétés en situation de fragilité (secteur difficile, niveau élevé d’endettement) ou avec un actionnariat ouvert, et avec des soutiens explicites ou implicites dans l’actionnariat existant (ou via d’autres fonds vendant à découvert) et/ou avec des partenaires du secteur ;
  • en donnant une grande publicité à leurs opérations voire en orchestrant un programme de communication(3),cette publicité ayant par construction un effet positif pour la stratégie du fonds.

Du fait des caractéristiques des sociétés françaises cotées, avec une large part de détention par des non-résidents(4) et un recours souvent important à l’endettement(5) dans un contexte de politique monétaire très accommodante, notamment pour financer la croissance externe, la France peut apparaître comme un terrain propice aux fonds activistes même si le nombre de sociétés concernées (à l’achat ou à la vente) reste limité, de l’ordre d’une dizaine par an. 
Souvent accusés de rechercher des bénéfices à court terme au détriment des intérêts à long terme de l’entreprise, les activistes s’en défendent : « The benefits of fixing a broken strategy, getting rid of a bad acquisition, redeploying an underperforming asset, or replacing an ineffective management team or board may show up right away in a company’s stock price, but that immediate result doesn’t diminish the long term benefits. » (Paul Singer, le patron fondateur d’Elliott, TheWall Street Journal, 19 octobre 2017).
Et de fait, un certain nombre d’études sur données américaines tendent à montrer que l’effet des fonds activistes sur la valeur à long terme des entreprises ciblées reste positif(6). On observera toutefois que ces études ne donnent que des tendances moyennes (l’activisme n’est pas systématiquement positif) et analysent des entrées effectives au capital et non le cas des ventes à découvert ; ce n’est pas neutre.
Pour le régulateur/superviseur, la problématique n’est donc pas d’empêcher l’activisme mais d’en fixer les limites et de se donner la capacité à en maîtriser les excès : déstabilisation d’entreprises à des moments clef de leur parcours (en période crise du secteur économique, à l’approche d’échéances de refinancements …) ou simplement pour faire le jeu de concurrents, manipulation des cours pour dégager des profits à court terme…. Mais il s’agit aussi d’avoir une attention toute particulière sur la communication, voire sur la gouvernance des sociétés cibles afin qu’elles fournissent au marché l’ensemble des informations nécessaires à la bonne appréciation de sa valeur et des risques associés.
On examinera donc le cadre réglementaire dans lequel s’inscrit l’activisme, essentiellement européen, en indiquant quels sont les moyens du superviseur pour le faire respecter et en examinant ses possibles évolutions. 
Afin d’assurer le bon fonctionnement du marché, la réglementation a trois volets qui, sans viser spécifiquement l’activisme, ont une portée toute particulière pour son encadrement :

  • d’abord, un dispositif de déclarations obligatoires lorsque certains seuils sont franchis par les investisseurs,
  • ensuite, la réglementation des communications publiques qui concerne à la fois les activistes et les sociétés cibles,
  • enfin, naturellement, la répression des délits d’initiés.

A - Les déclarations de franchissement de seuil

Elles doivent être effectuées tant par les détenteurs d’actions que par les vendeurs à découvert ; elles ont pour objet d’éclairer le marché (y compris l’émetteur et le superviseur) sur les positions significatives prises par les intervenants.

A-1 – S’agissant des activistes intervenant à la hausse

Une déclaration est ainsi notamment requise lorsque des personnes agissant seules ou de concert viennent à posséder, directement ou indirectement, un nombre d'actions franchissant à la hausse ou à la baisse 5 et 10 % du capital ou des droits de vote (la directive européenne ne vise que les droits de vote mais la réglementation française a ajouté le capital). La réglementation française a également prévu que lorsque les actions de la société sont admises aux négociations sur un marché réglementé, la personne est tenue de déclarer, à l'occasion des franchissements du seuil de 10% du capital ou des droits de vote, les objectifs qu'elle a l'intention de poursuivre au cours des six mois à venir. En particulier, elle doit indiquer :

  • les modes de financement de l'acquisition ;
  • si elle agit seule ou de concert ;
  • si elle envisage d'arrêter ses achats ou de les poursuivre et d'acquérir ou non le contrôle de la société ;
  • la stratégie qu'elle envisage vis-à-vis de l'émetteur et les opérations pour la mettre en œuvre;
  • ses intentions quant au dénouement des accords et instruments dont l’effet économique est similaire à la possession desdites actions ;
  • tout accord de cession temporaire ayant pour objet les actions et les droits de vote ;
  • si elle envisage de demander sa nomination ou celle d'une ou plusieurs personnes comme administrateur, membre du directoire ou du conseil de surveillance.

En cas de changement d'intention dans ce délai de six mois, une nouvelle déclaration motivée doit être adressée sans délai à la société et à l'AMF, et portée à la connaissance du public. Cette nouvelle déclaration fait courir à nouveau le délai de six mois.
En période d’offre publique d’achat (et de pré-offre), les exigences sont renforcées en termes de franchissement de seuil (lorsqu’il y a augmentation de la détention par pas de 1 %) et de déclaration d’intention (à 5 % et lorsqu’il y a augmentation de la détention par pas de 2%).
Par ailleurs, les statuts de la société peuvent prévoir une obligation supplémentaire d'information portant sur la détention de fractions du capital ou des droits de vote inférieures aux seuils réglementaires sans pouvoir descendre en-deçà de 0,5 %.
En période normale, ces dispositions ne concernent que rarement les fonds activistes car :

  • ces fonds ne dépassent que rarement le seuil de 10 % et n’ont donc pas à faire de déclaration d’intention (en 2018, si 150 déclarations d’intentions ont été reçues par l’AMF mais seules une vingtaine ont concerné le seuil de 10 %(7) et aucune ne venant d’un fonds activiste) ;
  • les seuils de déclarations statutaires ne sont pas réellement contraignants : en cas d’absence de déclaration, la seule sanction est la perte du droit de vote et, lorsque les déclarations sont faites à la hausse, elles ne sont généralement pas faites à la baisse.

Faut-il renforcer ces règles ?

Plusieurs pistes sont envisageables, par exemple, ajouter un seuil de déclaration de franchissement à 3 %, comme c’est la règle au Royaume Uni, ce qui permettrait une information plus précoce sur l’arrivée d’activistes(8) et/ou demander une déclaration d’intention lorsqu’on franchit le seuil de 5 %.

Ces mesures seraient cependant lourdes à gérer (et pour la seconde, elle singulariserait le marché parisien), notamment en raison de multiples déclarations des grands gestionnaires d’actifs, et elles pourraient donc être réservées aux grandes capitalisations (par exemple supérieures à 1 Md€) : leur portée effective resterait en tout état de cause limitée car, la stratégie des fonds activistes étant largement fondée sur la communication, les renforcements réglementaires seraient sans effet décisif. Elles rendraient cependant plus engageantes les déclarations faites et fourniraient une visibilité sur les modifications de stratégie des activistes (passation en deçà du seuil de 3 % et changements d’intentions).

On peut également envisager de compléter les déclarations d’intention par une indication sur l’exposition du déclarant au risque de crédit de l’émetteur (y compris CDS).

A-2 - S’agissant des vendeurs à découvert

Le règlement européen qui est donc par principe d’application directe et ne peut pas être complété par des dispositions nationales, prévoit, depuis son entrée en vigueur en novembre 2012 une transparence sur les positions courtes sur actions et sur dettes souveraines avec, pour les actions,

  • une déclaration à l’autorité compétente dès qu’on franchit le seuil de 0,2 % du capital émis de l’entreprise et par palier de 0,1 % au-delà ;
  • une publication dès qu’on franchit le seuil de 0,5 % du capital émis puis par palier de 0,1 % (soit près de 1 000 publications de franchissement effectuées sur le site de l’AMF en 2018).

L’interdiction générale des ventes à découvert a été envisagée à l’issue de la crise de 2008 car, au-delà de son caractère « spéculatif » donc politiquement incorrect, son aspect pro-cyclique avec effet de levier était apparu comme clairement dévastateur. Une telle solution radicale n’a finalement pas été retenue mais la réglementation européenne qui a été le résultat de cette réflexion(9) a conduit à la mise en place d’un dispositif harmonisé de suivi des ventes à découvert permettant de réagir en cas de circonstances exceptionnelles, et qui est fondé, au-delà des obligations de transparence, sur :

  • la nécessité d’être en capacité de livrer les titres vendus à découvert ce qui revient, d’une manière ou d’une autre à devoir emprunter les titres vendus à découvert ;
  • un pouvoir spécifiquement donné aux autorités compétentes de surveillance et d’enquête pour assurer le respect du règlement (article 33)(10). L’AMF met systématiquement en œuvre tout ou partie de ces pouvoirs lorsque le niveau de vente à découvert dépasse un seuil significatif ;
  • la capacité pour les autorités compétentes :

> de renforcer les exigences de transparence (frais exigés par les prêteurs de titres) ou d’imposer des restrictions temporaires mais dont la durée n’est pas strictement limitée par la réglementation, allant jusqu’à l’interdiction, lorsque la stabilité financière ou la confiance des marchés dans un Etat est menacée (article 20 du règlement) ;
> de restreindre très temporairement les ventes à découvert d’un instrument financier sur une plateforme lorsqu’une baisse significative (plus de 10 % pour une action liquide) est enregistrée sur une plate-forme afin « d’éviter une chute incontrôlée du prix de l’instrument financier » (article 23 du règlement) ; l’activation de cette mesure d’interdiction doit cependant être maniée avec précaution car, en particulier en raison de sa brièveté (une journée puis deux autres journées en cas de poursuite de la baisse), elle peut se traduire par une accélération de la baisse si aucun autre élément ne vient restaurer la confiance dans la valorisation de la société.

Lorsqu‘une telle mesure est envisagée par l’autorité d’un pays de l’Union européenne, elle la notifie à l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF - ESMA) qui examine sa conformité et coordonne sa mise en œuvre dans l’ensemble de l’Union européenne.

L’interdiction des ventes à découvert des valeurs bancaires, qui avait été actionnée en 2011 dans plusieurs pays d’Europe dont la France, a ainsi été actionnée sur la base de l’article 20 du règlement européen par la HCMC grecque sur l’ensemble de son marché à sa réouverture (août 2015), par la Consob italienne ou la CNVM portugaise sur des valeurs bancaires spécifiques (respectivement Monte dei Paschi di Siena et Liberbank) et par la Bafin allemande pour une valeur non directement bancaire (Wirecard en 2019 , valeur du DAX30(11)). Les interdictions sur la base de l’article 23 (de courte durée et limitée en principe à une plateforme de négociation) ont été également utilisées de façon répétée par la Consob et dans une moindre mesure par la CNVM, essentiellement sur des valeurs bancaires. L’efficacité de ces mesures s’est révélée très variable, essentiellement fonction des informations données sur l’émetteur avant la fin de l’interdiction.

Cette réglementation des ventes à découvert se conjugue avec celle des prêts de titres (SFTR)(12)dont l’objectif est clairement la stabilité financière et qui impose :

  • une obligation de déclarer à un référentiel central les opérations de financement sur titres (y compris donc les prêts de titres) à charge pour le référentiel central de publier des données agrégées et de donner l’accès aux données individuelles aux autorités compétentes. Cette obligation n’entrera toutefois en vigueur que progressivement à compter de 2020 : d’ici là, l’AMF ne dispose donc pas d’une information précise et exhaustive sur les opérations de prêts de titres ;
  • une obligation d’information des porteurs par les OPCVM et les FIA sur leur pratique en matière d’opérations de financement de titres.

Faut-il aller plus loin et suggérer des évolutions de la réglementation européenne ?

  • Pour assurer une meilleure compréhension des intervenants, il apparait souhaitable de compléter l’information actuelle par une déclaration sur les instruments de dette, et particulièrement les CDS. Ces positions peuvent être prises seules, ou en accompagnement de positions courtes prises sur les actions : dans le cas d’émetteurs présentant une situation d’endettement délicate, on observe en effet une corrélation négative très nette entre le cours de l’action et la prime du CDS. Il serait ainsi utile de prévoir la mention, dans les déclarations de positions courtes nettes sur actions, du montant (corrigé de la maturité) détenu sous forme de CDS et d’obligations.
  • Par ailleurs, s’agissant des prêts de titres, l’AMF pourrait rappeler une nouvelle fois la bonne pratique que constitue le rappel par les gérants de fonds des titres prêtés lors des assemblées générales comportant des votes significatifs(13).
  • Des évolutions plus radicales, comme par exemple la suspension automatique des possibilités de ventes à découvert lorsqu’un seuil(14) est franchi – qui relèverait du règlement européen – pourraient s’avérer contre-productives et/ou très difficiles à opérationnaliser.

B – La communication

Elle est encadrée par le règlement européen MAR (d’application directe) est susceptible de concerner à la fois la société cible et les fonds activistes :

  • Pour la société cible, il s’agit d’avoir une communication financière adaptée, notamment en termes d’informations privilégiées qui doivent être rendues publiques « dès que possible » (article 17 du règlement MAR). L’article du 223-1 du règlement général de l’AMF (l'information donnée au public par l'émetteur doit être exacte, précise et sincère) est dans ce contexte particulièrement important. Il est clair que l’activisme ayant souvent pour cible une société dont la communication est jugée défaillante, l’AMF est particulièrement attentive à la qualité de sa communication avant et pendant « l’attaque »(15). Afin d’améliorer la communication des sociétés cotées avec leurs actionnaires, l’AMF pourrait par ailleurs établir un guide sur le dialogue actionnarial, afin de renforcer la promotion de celui-ci et d’exposer comment il peut s’insérer et se développer dans le contexte de la réglementation boursière.
  • Pour les fonds activistes, la communication ne doit ni constituer une « manipulation de marché » ni constituer une « recommandation irrégulière », notions qui sont précisément définies par le règlement MAR et ses règlements délégués.

> Ne pas constituer une manipulation de marché

Article 12 du Règlement MAR1. la notion de manipulation de marché couvre les activités suivantes :
a) effectuer une transaction, passer un ordre ou adopter tout autre comportement qui :
i) donne ou est susceptible de donner des indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier
ii) fixe ou est susceptible de fixer à un niveau anormal ou artificiel le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers,
b) effectuer une transaction, passer un ordre ou effectuer toute autre activité ou adopter tout autre comportement influençant ou étant susceptible d’influencer le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers … en ayant recours à des procédés fictifs ou à toute autre forme de tromperie ou d’artifice;
c) diffuser des informations, que ce soit par l’intermédiaire des médias, dont l’internet, ou par tout autre moyen, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier … ou fixent ou sont susceptibles de fixer à un niveau anormal ou artificiel le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers … y compris le fait de répandre des rumeurs, alors que la personne ayant procédé à une telle diffusion savait ou aurait dû savoir que ces informations étaient fausses ou trompeuses;
2. Les comportements suivants sont, entre autres, considérés comme des manipulations de marché:
a) le fait, pour une personne ou pour plusieurs personnes agissant de manière concertée, de s’assurer une position dominante sur l’offre ou la demande d’un instrument financier … avec pour effet, réel ou potentiel, la fixation directe ou indirecte des prix d’achat ou des prix de vente ou la création, réelle ou potentielle, d’autres conditions de transaction inéquitables;
d) le fait de tirer parti d’un accès occasionnel ou régulier aux médias traditionnels ou électroniques en émettant un avis sur un instrument financier… après avoir pris des positions sur cet instrument financier… et de profiter par la suite de l’impact dudit avis sur le cours de cet instrument … sans avoir simultanément rendu public, de manière appropriée et efficace, ce conflit d’intérêts ;
3. Aux fins de l’application du paragraphe 1, points a) et b), et sans préjudice des comportements cités au paragraphe 2, l’annexe I contient une liste non exhaustive d’indicateurs liés au recours à des procédés fictifs ou à toute autre forme de tromperie ou d’artifice, ainsi qu’une liste non exhaustive d’indicateurs relatifs au fait de donner des indications fausses ou trompeuses ou de fixer les cours à un niveau anormal ou artificiel.

Indicateurs de manipulations consistant à recourir à des procédés fictifs ou à toute autre forme de tromperie ou d’artifice 
Aux fins de l’application de l’article 12, paragraphe 1, point b), du présent règlement, et sans préjudice des formes de manipulations décrites au paragraphe 2 dudit article, les participants au marché et les autorités compétentes prennent en considération, lors de l’examen de transactions ou d’ordres, les indicateurs suivants, dont la liste n’est pas exhaustive et qui ne doivent pas pour autant être considérés comme constituant en soi une manipulation de marché :
a) si les ordres passés ou les transactions effectuées par des personnes sont précédés ou suivis de la diffusion d’informations fausses ou trompeuses par ces mêmes personnes ou des personnes qui leur sont liées; et
b) si les ordres sont passés ou les transactions effectuées par des personnes avant ou après que celles-ci, ou des personnes qui leur sont liées, produisent ou diffusent des recommandations d’investissement qui sont fausses, biaisées ou manifestement influencées par un intérêt significatif
4. Lorsque la personne visée dans le présent article est une personne morale, le présent article s’applique également, conformément au droit national, aux personnes physiques qui prennent part à la décision de mener des activités pour le compte de la personne morale concernée.

 > Ne pas effectuer de recommandations d’investissement ou participer à une campagne d’information dans les médias non conformes à la réglementation.

Article 20 du Règlement MAR - Recommandations d’investissement et statistiques1. Les personnes qui produisent ou diffusent des recommandations ou d’autres informations recommandant ou suggérant une stratégie d’investissement veillent, avec une diligence raisonnable, à ce que l’information soit présentée de manière objective et à ce qu’il soit fait mention de leurs intérêts ou de l’existence de conflits d’intérêts en rapport avec les instruments financiers auxquels se rapportent ces informations.

Article 21 du Règlement MAR - Divulgation ou diffusion d’informations dans les médiasAux fins de l’article 10, de l’article 12, paragraphe 1, point c), et de l’article 20, lorsque des informations sont divulguées ou diffusées et lorsque des recommandations sont produites ou diffusées à des fins journalistiques ou aux fins d’autres formes d’expression dans les médias, cette divulgation ou cette diffusion d’informations est appréciée en tenant compte des règles régissant la liberté de la presse et la liberté d’expression dans les autres médias et des règles ou codes régissant la profession de journaliste, à moins que :
a) les personnes concernées ou les personnes étroitement liées à celles-ci ne tirent, directement ou indirectement, un avantage ou des bénéfices de la divulgation ou de la diffusion des informations en question; ou
b) la divulgation ou la diffusion n’ait lieu dans l’intention d’induire le marché en erreur quant à l’offre, à la demande ou au cours d’instruments financiers.

Faut-il aller plus loin ?

Deux avancées sont souhaitables :

Rendre plus précises les diverses déclarations de conflit d’intérêt qui sont souvent très génériques : ceci ne nécessite pas une modification du règlement lui-même mais pourrait être fait par l’ESMA via ses « questions – réponses ».
Clarifier la capacité des émetteurs à répondre aux communications agressives, en particulier lors des périodes où il leur est recommandé de s’abstenir de toute recommandation(16).


C – Manquement ou délit d’initié

Le règlement MAR définit ainsi l’opération d’initié : « lorsqu’une personne détient une information privilégiée et en fait usage en acquérant ou en cédant, pour son propre compte ou pour le compte d’un tiers, directement ou indirectement, des instruments financiers auxquels cette information se rapporte ». La notion d’information privilégiée « couvre les types d’information suivants : a) une information à caractère précis qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d’influencer de façon sensible le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers dérivés qui leur sont liés ».

Or, la parution prochaine d’un article ou d’un communiqué de presse, d’une analyse d’un bureau d’études peuvent constituer une information privilégiée. L’AMF surveille donc le marché à la recherche d’opérations « opportunistes » précédant de telles annonces(17).

Une fois la position prise, les négociations pour son débouclement constituent également une information privilégiée. Ainsi, Elliott Advisors et Elliot Management ont été sanctionnés par la Commission des sanctions en 2014 (confirmé par la Cour de Cassation en 2019) pour utilisation de cette information (négociations en vue de la vente par le Fonds Elliott de sa participation dans APRR à Eiffarie).

Notes

  1. “Muddy Waters produces three types of research product: Business fraud, accounting fraud, and fundamental problems. Business fraud reports focus on issuers that have massively overstated their revenues. Accounting fraud reports cover real businesses that boost profits through fraud. Fundamental problem reports discuss opaque businesses that have serious fundamental problems that the market does not yet perceive.”
  2. Directive UE 2017/828 du 17 mai 2017 modifiant la directive 2007/36/CE en vue de promouvoir l’engagement à long terme des actionnaires.
  3. On observera ainsi que dans le dossier Casino-Rallye, plusieurs des protagonistes ont recours à des agences de communication. 
  4. Selon la Banque de France, la détention par des non-résidents des sociétés françaises du CAC40 varie selon les années entre 40 et 50 % ; fin 2017, 10 étaient majoritairement détenus par des non-résidents. La tendance est toutefois à la baisse depuis le pic de 2013.
  5. Taux d’endettement de 120 % pour les grandes entreprises avec les trois quarts de l’endettement provenant de ressources obligataires (source : Banque de France, fin 2017).
  6. En particulier Lucian Bebchuck et alii (The Long-Term Effects of Hedge Fund Activsm 2015 ou Dancing with Activists 2017) ou Robin Greenwood et Michael Schor (Hedge Fund Investor Activism and Takeovers 2017).
  7. Une déclaration d’intention est requise lors du passage en hausse des seuils de 10, 15, 20, 25 % du capital ou des droits de vote.
  8. On observera que l’identification des actionnaires est d’ores et déjà en cours d’amélioration via la transposition de la directive « Droits des actionnaires » et la normalisation des formats d’identification que les intermédiaires doivent transmettre aux émetteurs.
  9. RÈGLEMENT (UE) No 236/2012 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 14 mars 2012 sur la vente à découvert et certains aspects des contrats d’échange sur risque de crédit.
  10. Article prévoyant d’accéder à tout document, sous quelque forme que ce soit, et d’en recevoir ou en faire une copie ; d’exiger des informations de toute personne physique ou morale et, si nécessaire, de convoquer et d’entendre toute personne physique ou morale pour en obtenir des informations ; de procéder à des inspections sur place avec ou sans préavis ; de se faire remettre des enregistrements téléphoniques et des données échangées existants ; d’enjoindre de cesser toute pratique contraire aux dispositions du règlement ; de demander le gel et/ou la mise sous séquestre d’actifs.
  11. https://www.bafin.de/SharedDocs/Veroeffentlichungen/EN/Aufsichtsrecht/Verfuegung/vf_190218_leerverkaufsmassnahme_en.html;jsessionid=28E8753EF26171303F8117A78837F5CC.2_cid363?nn=9866146.
  12. RÈGLEMENT (UE) 2015/2365 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 25 novembre 2015 relatif à la transparence des opérations de financement sur titres et de la réutilisation et modifiant le règlement (UE) n° 648/2012.
  13. Cette recommandation figure dans le rapport de l’AMF de 2005 sur l’exercice des droits de vote (rapport Mansion) et est largement reprise dans le code de déontologie de l’AFG ; la SEC américaine l’a rappelé avec force en 2014 : if fund management has knowledge of a material vote with respect to the loaned securities, fund directors should recall the loan in time to vote the proxies.
  14. Un seuil par rapport au flottant serait pertinent, mais le flottant n’a pas de définition réglementaire.
  15. L’AMF poursuit très régulièrement les émetteurs pour information financière défectueuse (4 décisions de la Commission des sanctions en 2018 : Mécelec Composites, Cibox Interactive, Montagne et Neige Développement, Delta Drone).
  16. L’AMF recommande ainsi aux émetteurs de faire précéder l’annonce de leurs résultats annuels, semestriels ou trimestriels d’une période pendant laquelle ils se refusent à donner aux analystes financiers et aux investisseurs des informations nouvelles sur la marche de leurs affaires et leurs résultats ; cette période est généralement de quinze jours.
  17. Cf. décision de la Commission des sanctions du 24 octobre 2018 à l'égard de MM. Eaitisham Ahmed, A, Scott Davis, Geoff Foster, Mark Penna, B, Leslie Stafford pour un article de presse et arrêt du 30 janvier 2019 du Conseil d’Etat N°412789 pour l’analyse financière.