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Compte-rendu de la Matinale - Médiation financière avec Marielle Cohen-Branche, médiateur de l’AMF

06/01/2017 AEFR

Si Mme Cohen-Branche occupe la fonction de médiateur de l’AMF depuis 2011, son statut et responsabilités ont significativement évolué en 2016 avec l’entrée en vigueur des textes entérinant le principe selon lequel le Médiateur de l’AMF, en tant que médiateur public consacré dans le Code Monétaire et Financier, dispose désormais d’une compétence exclusive pour examiner les litiges relevant du secteur financier ; dévolue auparavant à l’institution, la mission de la médiation relève désormais du médiateur lui-même. 

Cette évolution est issue d’une démarche de l’Union européenne qui, considérant que la mise en place obligatoire d’un système de médiation amiable et gratuit pour le consommateur pouvait constituer un levier utile pour le développement d’un marché intra européen, a adopté en mai 2013 (à la suite de recommandations publiées en mars 1998 sur les grands principes applicables à la résolution extrajudiciaire des litiges de consommation, et de la Directive de mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale) la directive dite « règlement extrajudiciaire des litiges de consommation », transposée en France dans le Code de la consommation par une ordonnance du 20/08/15 et un décret du 30/10/15, avec entrée en vigueur des textes le 01/01/16. Depuis cette dernière date, tous les secteurs marchands des pays européens doivent avoir mis en place un dispositif proposant une médiation amiable et gratuite aux consommateurs en cas de litige (même si la transposition n’a été effectuée que dans 26 pays aujourd’hui).

La directive n’a pas cherché à harmoniser les systèmes très divers de médiation. En revanche, ont été créées des exigences nouvelles tant pour les professionnels que pour les médiateurs dont le contrôle doit être assuré dans chaque pays européen par une autorité nationale. En France, c’est à la CECMC (Commission d’Evaluation et de Contrôle de la Médiation de la Consommation), créée à cet effet et présidée par un magistrat, qu’a été dévolue cette mission.

La France a fait le choix d’une grande liberté d’organisation pour l’exercice de la médiation. Les textes font apparaître trois possibilités de statut pour un médiateur : public, sectoriel ou d’entreprise. Il existe ainsi en France 2 médiateurs publics qui disposent d’un monopole complet de compétence dans leur secteur, sauf à signer des conventions avec d’autres médiateurs : le Médiateur de l’AMF et le Médiateur National de l’Energie. Les médiateurs sectoriels sont issus le plus souvent des fédérations professionnelles et ont vocation à couvrir leur branche d’activité, et les médiateurs d’entreprises ont comme précédemment pour champ de compétence leur structure juridique.

Pour le secteur financier, le médiateur de l’AMF dispose ainsi d’une compétence exclusive pour examiner les litiges relevant du secteur financier. Pour les secteurs de la banque et de l’assurance, les professionnels ont eu la liberté de choisir entre un statut de médiateur sectoriel ou de médiateur d’entreprise : si l’assurance a mis en place un médiateur sectoriel unique, les banques ont préféré conserver le modèle issu de la loi Murcef de 2001, c’est-à-dire un médiateur par établissement ou pour compte commun de plusieurs établissements.

Cette multiplicité de statuts à laquelle s’ajoute la complexité de frontière de champ de compétence ne facilite pas toujours la tâche du consommateur. Cependant, les litiges des établissements bancaires en matière proprement financière ne représentent qu’une faible part (environ 4 %) des médiations qui leur sont soumises. Par ailleurs les instructions de l’AMF et les recommandations de l’ACPR en matière de traitement des réclamations de la clientèle seront précisées pour que les clients soient plus précisément informés.

Les  textes prévoient un processus précis d’intervention de la CECM pour

  • agréer un médiateur au travers d’un label « Médiateur de la consommation » pour un mandat d’une durée minimale de 3 ans, sur la base d’aptitudes dans le domaine de la médiation et de bonnes connaissances juridiques, notamment dans le domaine de la consommation ; à ce stade, 30 médiateurs ont été référencés, et 50 médiateurs bancaires auraient déposé un dossier ; un médiateur n’est plus aujourd’hui désigné par un établissement mais simplement proposé ; aucun lien hiérarchique ne doit exister avec l’entreprise
  • évaluer périodiquement l’activité du médiateur, qui doit fournir un rapport annuel d’activité, démontrer un processus complet d’instruction, mettre en place un site internet dédié, permettre sa saisine en ligne, et être rémunéré sans considération du résultat de la médiation.

Même si elle n’est pas obligatoire, la médiation est aujourd’hui une démarche largement encouragée : un juge peut ainsi déclarer d’office irrecevable une demande d’un consommateur si celui-ci ne peut prouver qu’il a préalablement tenté une médiation. Depuis 2008 est déjà prévue une suspension de la prescription pendant la médiation. Un consommateur a en fait toujours intérêt à une médiation, en termes de confidentialité, de coût (gratuité), rapidité (en principe de 90 jours à l’AMF, soit un rythme bien supérieur à l’action judiciaire), flexibilité (suspension pendant la médiation de la prescription d’action) et de liberté (possibilité de sortir de la médiation à tout moment).

Comme précédemment indiqué, la France a retenu un système souple :

  • un recours facultatif et non obligatoire au dispositif
  • une grande liberté d’organisation
  • un pouvoir limité du médiateur : sans pouvoir de décision, il propose mais ne dispose pas, suggère via des avis ou recommandations que les parties sont libres de suivre ou non
  • une forte confidentialité : à la différence d’autres pays dans lesquels l’avis du médiateur peut être produit devant la justice, la discussion reste confidentielle en France (y compris d’ailleurs vis-à-vis de l’AMF) ; si ce dispositif est une bonne chose en principe, il trouve aussi assez vite ses limites et devra peut-être évoluer
  • des avis formulés non seulement en droit, mais aussi en équité, selon le principe que « le droit doit rencontrer la justice ».

Le médiateur se trouve ainsi investi de trois missions :

  • tenter de résoudre amiablement un litige, en tentant d’obtenir un dédommagement si la demande lui paraît fondée, ou dans l’hypothèse où aucun dysfonctionnement n’est constaté d’en expliquer les raisons le plus complètement à l’épargnant
  • si un dysfonctionnement est noté, faire valoir qu’il y a un intérêt à faire évoluer la pratique
  • quand la règle a été bien suivie mais qu’un litige s’est tout de même produit, constater qu’il peut y avoir un intérêt à faire évoluer la loi et suggérer alors une évolution des textes (comme cela a été fait par exemple en 2015 pour l’amélioration de l’information du salarié sur les frais perçus sur l’épargne salariale à la fin du contrat de travail).

La médiation dans le secteur financier est confrontée à plusieurs défis :

  • l’articulation de la médiation avec les réclamations client : une réponse sur une réclamation client est due dans les 2 mois, quelle que soit l’organisation interne d’un établissement, exigence issue du constat qu’il y a parfois une accumulation de strates retardant l’accès à la médiation 
  • la nécessité de prendre en compte la forme et le fond : même si un établissement a raison sur le fond, la forme peut avoir laissé à désirer
  • la croissance des dossiers, rendant nécessaire la constitution d’une équipe compétente, celle de l’AMF n’ayant que très peu évolué dans les années récentes
  • la relative complexité du système français avec des problèmes de frontières ; 40 % des saisines reçues par l’AMF se trouvent ainsi en dehors de son champ de compétence : si les frontières sont vite évidentes en matière bancaire (cartes de paiement, …), il n’en va pas de même pour l’épargne ; l’AMF est compétente pour les instruments et produits financiers, les produits commercialisés par les PSI, et l’épargne salariale notamment ; en revanche, les produits d’assurance-vie relèvent de l’assurance même si le sous-jacent est en UC, mais ne seront pas nécessairement traités par le médiateur de l’assurance car il peut y avoir des questions de circuit de distribution ; sont en toute hypothèse exclus les griefs d’ordre fiscal, sauf éventuellement si l’aspect fiscal n’est qu’une conséquence ; l’obligation de l’AMF est ici de réorienter très vite vers le médiateur compétent
  • la nécessité de bien comprendre ce que recherche le réclamant : information, dénonciation ou correction d’un réel préjudice qui seul justifie une médiation.

L’ancrage de la médiation de l’AMF dans le paysage financier est attesté par les chiffres 2015 :

  • un nombre de saisines (1.406) en forte hausse (+ 40 %), soit un doublement en 4 ans, avec une tendance à + 10 % pour 2016
  • une nette augmentation des dossiers clôturés (+ 33 % à 1.284)
  • un fort accroissement du nombre d’avis du médiateur (+ 32 % à 364), et env. 500 en 2016
  • un pourcentage en hausse (62 %) d’avis favorable à l’épargnant (env. 50 % en moy. historique)
  • un taux d’adhésion élevé (93 %) et un taux de seulement 2% de mécontents après un avis défavorable.

Le médiateur de l’AMF publie un rapport annuel détaillé. Mme Cohen-Branche a choisi de compléter cette communication par un journal de bord mensuel, évoquant des dossiers simples avec un enseignement pratique, dans une optique de pédagogie et de diffusion d’une jurisprudence progressivement constituée.

*

Les échanges avec le public ont permis de clarifier les modalités pratiques d’accès au dispositif par un épargnant s’estimant victime d’un dysfonctionnement. L’établissement dispose d’un délai de 2 mois pour répondre à une réclamation (entre la date de réclamation formelle au Service Réclamations et la date de la réponse définitive), le premier contact en agence (pourtant étape préalable standard de discussion amiable) n’étant pas pris en compte dans ce délai ; il faut alors constater le désaccord entre l’intéressé et l’établissement.