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Compte rendu - Matinale BCE et Reporting : Comment « faciliter » ? avec Jean-Marc Israël

31/03/2016 AEFR

COMPTE RENDU

Le 17 mars 2016

Introduction

Le Financial Stability Board et la Banque Centrale européenne sont les « tours de contrôle » sur la base de process de consolidation d’agrégats issus des différentes banques centrales nationales de l’UE. La qualité de cette consolidation est indispensable car elle conditionne la  formalisation de la concentration et structure des risques. Dans ce contexte, les services des statistiques de la BCE, comprenant bien à la fois l’importance de ces données et les coûts de ces reportings se considèrent en plus comme une sorte de consultant-facilitateurs de la collecte de ces informations. Cette démarche implique un dialogue continu avec les régulateurs nationaux et les banques commerciales sur la nature des agrégats pertinents, leur composition et la définition précise des données sous-jacentes, pour in fine obtenir un modèle «holistique» de reporting.

Trois initiatives clés de la BCE :

Pour se faire,  la BCE est en train de lancer une mutation profonde des processus de reporting en privilégiant la donnée élémentaire sur les agrégats. L’objectif à travers ce travail de fond est de diminuer les demandes ponctuelles de nouveaux agrégats pour chaque nouveau besoin d’analyse économique et de garantir une meilleure qualité des agrégats obtenus. Cela passe par 3 initiatives majeures :

  1. Création d’un Single Data Dictionnary.

Le Single Data Dictionnary (SDD) est un langage commun interne à la BCE qui fait converger un terme avec un concept dans  une définition cohérente à l’échelle de l’Europe. Il part d’une intégration méthodologique (SM Cube), et sémantique les exigences réglementaires existantes et la création d’un modèle d’informations commun afin de lire et de traiter tous les formats pertinents d’échanges de fichiers. Cela passe par la création de définitions claires, non-redondantes de la donnée  – définitions réconciliées par rapport aux différents cadres réglementaires. Les avantages du SDD sont de permettre la création d’un système intégré de statistiques et d’analyse afin que les départements de supervision, systèmes de paiements… puissent discuter avec les banques centrales nationales (BCN). L’objectif est de faire converger un terme avec un concept avec une définition commune.

  1.  BIRD (Banks’ Integrated Reporting Dictionary : un langage commun entre BCE et l’industrie financière, via les BCN.

BIRD vise d’abord à fournir un modèle standardisé d’organisation des data warehouses des banques dans un processus intégré, afin de faciliter la production des reportings statistiques-banque-centrale. BIRD documente ce langage commun et n’est pas un outil applicatif. Et son adoption est sur base des volontaires. La responsabilité de la justesse et de l’authenticité de la donnée reste du ressort des banques. BIRD n’est donc pas une « couche » additionnelle ou un nouveau reporting. Ses principaux avantages sont entre autres : une meilleure qualité des données à la source, une production de reportings plus efficace et moins coûteuse sur le long terme, une donnée plus cohérente et harmonisée et enfin une interprétation univoque et claire des consolidations.

  1.  European Reporting Framework (ERF). Vision unique et intégrée pour la BCE et l’EBA (ITS), afin de structurer de manière plus homogène les reporting européens. ERF est un schéma de reporting intégré et harmonisé cross-country pour les banques, afin de couvrir la plupart des exigences de reporting pour la BCE et l’EBA. ERF se matérialisera par un Manuel de Best practices de collecte des données bancaires pour différents usages. Cela permettrait la création de statistiques secondaires via des règles de transformation unique. Le projet est encore au stade préliminaire : design, adoption et calendrier d’une éventuelle implémentation sont en cours. Une première version du manuel devrait sortir en septembre 2016 et elle dépend des résultats du BIRD. C’est un corpus commun, un registre préparé avec l’industrie.

ERF est basé sur deux initiatives : Italie et Autriche dont les banques centrales ont effectué depuis 10 ans un travail de fond sur le lissage de reportings bancaires et d’intégration des données dans un cadre structuré. Le but d’ERF est d’opérationnaliser les concepts. L’investissement initial pourra paraitre couteux, mais la démonstration de l’expérience dans ces pays est prometteuse. La BCE est consciente des contraintes liées à ces mutations et les conséquences de ce nouveau modèle de données par rapport aux systèmes existants. C’est pourquoi il est préconisé des mises en œuvre par strates successives en commençant par des couches externes et une mise en œuvre progressive en mode « bottom-up », en concertation approfondie avec les utilisateurs (task force avec les 28 pays).

Cette évolution se situe bien dans le moyen long terme, en effet les systèmes statistiques sont structurants et chaque nouvelle initiative peut prendre de 4 à 5 ans !

Le secteur assurances a adopté avec succès une démarche similaire dans le cadre de Solvency 2 et va maintenant beaucoup plus loin que dans le secteur bancaire. Une des grandes différences en faveur de l’assurance était l’inexistence de ces reportings, alors que la banque a toujours fait face à une grande « richesse » de statistiques, couvrant des métiers et des produits beaucoup plus diversifiés, qu’il faudra d’ailleurs continuer à faire vivre tout en s’adaptant au nouveau modèle…

 

« Anacrédit » (Analytical Credit Dataset) : un projet expérimental pour BIRD

Rappel du projet :

Reporting de données granulaires sur le crédit et le risque de crédit, harmonisé et à usages multiples :

  • Quand ? implémenté dans une approche pas-à-pas. La première étape est prévue en 2018
  • Quoi ? prêts bancaires (et garanties) pour les personnes morales au-dessus de 25 000 €
    par ex : sociétés non financières (la première étape exclut les ménages), entre 80 et 100 données par ligne.
  • Qui ? toutes les banques de la zone euro
  • Pour qui ? banques centrales : Politique monétaire, gestion des risques, supervision macro prudentielle… et les statistiques 
  • Base légale ? Réglementation BCE en préparation.

BIRD et Anacredit

Des sous-groupes de travail composés de représentants de 7 banques centrales nationales, 26 banques et de la BCE. Ils travaillent notamment sur :

 – Contenu de base pour les prêts (incluant un catalogue des instruments concernés)

 – Contenu de base pour les contre-parties (incluant un catalogue des secteurs institutionnels)

– Collatéraux et garanties (incluant un catalogue des collatéraux/garanties)

 – Secteur comptabilité

 – Qualité du crédit

 – Titrisation et comptabilisation/décomptabilisation

En contrepartie de ce nouveau reporting il devait y avoir une simplification/ diminution des autres statistiques, par exemple la liste de transmission des 103 indicateurs bilanciels se réduirait à 30 en 2020.

Autres évolutions similaires

  • Dans cet esprit, le Money Market Statistical Reporting (MMSR ), instructions sur les rapports et structuration de données (XML) ont été développés en conformité avec ISO 20022 en janvier 2016.
  • La Bank of England a décidé d’utiliser les mêmes messages pour sa collecte de nouvelles données. Sterling Money Market Daily (SMMD)
  • L’ESMA a reconnu en septembre 2015 que la norme ISO 20022 + XML seraient la base du reporting  MIFIR / MIFID

 

CONCLUSION

Les travaux sur les dictionnaires de données sont majeurs : une meilleure compréhension des pratiques de marché -par les régulateurs et les superviseurs -assortie d’une présentation business-friendly des exigences en matière de données statistiques par les organismes de réglementation peuvent porter leurs fruits et sont un modèle gagnant-gagnant

La normalisation, comme la norme ISO 20022 pour les MMSR, permet de minimiser les coûts en assurant une meilleure communication et une réutilisation des données et des processus

Construire un cadre européen de reporting est un objectif ambitieux qui requiert de nombreuses conditions préalables, des objectifs clairs et une approche terrain. Il faut une véritable convergence au fil du temps.

Suite aux discussions avec les participants, à l’évidence plusieurs contraintes subsistent :

  •  tout d’abord il n’est pas clair que cette démarche soit totalement partagée par la partie « supervision » de la BCE, or les pôles « statistiques » et « supervision » partagent des familles identiques de données. Bien que la démarche BIRD doive être progressive il paraît essentiel qu’elle soit totalement partagée à l’intérieur de la BCE elle-même.
  • Il est essentiel de convaincre les banques d’adopter ce langage commun, cependant la période est délicate car elles sont confrontées à la mise en œuvre d’un nombre impressionnant de nouveaux reportings sur la base des méthodes anciennes « agrégats-driven ». Il faudra donc choisir un chemin subtil construit sur la base d’économies explicites que l’on peut dégager rapidement après le nouvel investissement.
  • Une des pistes de succès serait de réfléchir au « feed back » de ces nouvelles bases statistiques pour alimenter les différentes modèles de l’industrie financière sur la base d’un véritable modèle gagnant-gagnant.