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Compte-rendu - Making the European Banking Union Macro-Economically Resilient: Cost of Non-Europe Report avec Gaêl Giraud

21/03/2016 AEFR

Même si l'Union bancaire européenne est le résultat de progrès significatifs dans le sens d'une union bancaire et monétaire intégrée, sa capacité à préserver la zone euro d'un nouveau krach bancaire n'a pas encore fait l'objet d'une évaluation quantitative. Ce rapport s'applique à évaluer les coûts potentiels qui seraient générés par différents chocs [allant des chocs étudiés par la Banque centrale européenne (BCE) dans le cadre de l'examen de la qualité des actifs aux types de choc de l'ampleur observée au cours des deux dernières décennies] dans le cadre de divers scénarios concernant  la mise en œuvre du pilier de résolution de l'Union bancaire.

En résumé, nos conclusions sont les suivantes:

Des chocs de faible ampleur, comme ceux prévus par les scénarios de la BCE, ne requerraient pas de sauvetage par l'État, mais le FRU pourrait intervenir pour recapitaliser les banques qui tomberaient sous le ratio cible de fonds propres de 4,5 %.

Cette conclusion optimiste cesse d'être valable dès lors qu'une des conditions précitées n'est pas remplie. En particulier, même si la structure de 2023 était en place aujourd'hui, un choc de plus grande ampleur (de 10 à 15 %, similaire à celui qui a touché les banques européennes en 2007-2009) entraînerait une mise à contribution des contribuables, si les  banques systémiques européennes les plus grandes (notamment françaises) étaient menacées. Dans ce sens, le MRU ne peut pas non plus empêcher l'engagement des fonds publics. Une conclusion similaire s'impose si le choc touche individuellement de grandes banques dans les deux  ou trois prochaines années (le dispositif de 2023 n'étant pas encore en place) ou touche plusieurs grandes banques simultanément (même après 2023).

Pour définir les améliorations qui pourraient permettre au MRU de faire face à des chocs de grande ampleur frappant les grandes banques européennes, trois propositions ont été étudiées.

  1. Le renflouement interne systématique par les créanciers de rang supérieur et les gros déposants semble constituer la solution la plus efficace. Cette proposition prônerait la généralisation du scénario chypriote. L'inconvénient majeur de cette solution réside toutefois dans le fait qu'elle peut potentiellement mettre plusieurs banques européennes au bord de la faillite le jour même où elle serait adoptée: prévoyant le danger et sentant qu'ils ne sont plus en lieu sûr, les créanciers pourraient en effet réagir en retirant leurs économies et en arrêtant l'interbancaire et les prêts à court terme du jour au lendemain, au risque de déclencher immédiatement une crise de liquidité.[1]
  2. D'autre part, le partage de la charge du coût de résolution en fonction de la taille du bilan du siège et des filiales d'une banque en difficulté paraît avoir une incidence négligeable sur la distribution des coûts.
  3. Enfin, le partage de la charge totale en fonction du PIB de chaque pays constitue une solution alternative de répartition des dépenses. Cette troisième solution pourrait être considérée mais probablement uniquement dans le cadre d'une forte dynamique politique vers un fédéralisme fiscal européen.

Afin d'évaluer les incidences économiques à long terme d'un tel scénario et de tester différentes stratégies, nous simulons les économies de la zone euro dans un modèle macroéconomique. Tout d'abord, nous défendons la nécessité de ce modèle, qui intègre l'effet de la monnaie sur l'économie réelle, est indépendant de l'économie en équilibre, évite les phénomènes d'émergence, dispose d'un système bancaire avec une création de monnaie endogène, et révèle l'incidence des niveaux des dettes privée et publique. Tout ceci exclut les modèles généralement utilisés, tels que les modèles d'équilibre général dynamique et stochastique, et justifie notre décision d'utiliser une évolution innovante du modèle de Goodwin-Keen en intégrant les éléments nécessaires.

Nous calibrons ce modèle de telle manière qu'en l'absence de choc exogène, sa projection est conforme aux prévisions de la Commission. L'amplitude du choc lui-même est calibrée pour que le renflouement par les États d'origine soit conforme à celui obtenu dans la première partie à la suite d'une perte de 15 % touchant les actifs d'une grande banque systémique.[2]

Nous passons ensuite aux estimations suivantes en cas de choc pour la zone euro, en supposant que le cadre de l'Union bancaire proposé est déjà en place:

  • une perte cumulée potentielle du PIB de 1000 milliards d'euros, soit environ 9,4 % du PIB de 10 632 milliards d'euros prévu par la Commission en 2016, ou une perte potentielle de PIB annualisée de 100 milliards d'euros sur dix ans;
  • une différence potentielle de 1,91 million de chômeurs, soit une augmentation du taux de chômage de 1,19 % en considérant une population active totale de 161,1 millions de personnes, conformément à la prévision du modèle pour 2016, ou une différence potentielle de 0,19 million de chômeurs par an;
  • une différence de dette publique de 51,4 milliards d'euros en 2016 (renflouement de 56 milliards d'euros), soit plus ou moins 0,5 % de la dette publique de 9933 milliards d'euros prévue par la Commission en 2016.

Nous supposons ensuite que le FRU n'est pas encore en place au moment où la zone euro est touchée par le choc; ou au contraire que sa taille a été triplée (à 165 milliards d'euros). Il s'avère que, si un choc se produit, l'influence de la taille du FRU n'est pas significative en ce qui concerne la perte potentielle de PIB, et qu'elle est relativement faible tant sur le plan du sous-emploi que du ratio dette/PIB. En revanche, une augmentation du ratio de levier prudentiel imposé aux banques suffirait à atténuer presque entièrement l'effet du choc, à condition que les banques changent leur modèle de gestion et réduisent leur rendement sur fonds propres pour leurs actionnaires.

Les résultats à l'échelle des pays vont à peu près dans le même sens. Ils varient considérablement, que ce soit en ce qui concerne l'effet sur le marché du travail, ou selon que le choc touche principalement la consommation ou l'investissement, mais l'orientation est toujours la même en réaction à un choc. Pour illustrer notre exposé, nous étudions l'incidence dévastatrice qu'un choc exercerait sur le marché du travail espagnol ainsi que sur le PIB du Luxembourg (voir annexe II).

Pour empêcher ou atténuer les effets d'un éventuel krach bancaire, nous recommandons les mesures suivantes:

1.une augmentation du niveau du fonds de résolution (165 milliards d'euros) et une programmation avancée de sa capitalisation complète; mais également, comme cela est loin d'être suffisant:

2.une augmentation du ratio de levier prudentiel des banques à 9 % ou plus;

3.la mise en œuvre de la séparation entre les activités de détail et les activités bancaires de marché ou d'investissement;

4.la mutualisation européenne des garanties de dépôts.

Les enseignements à tirer de nos expériences chiffrées sont doubles.

Premièrement, l'incidence financière directe relativement modeste d'un choc de 10 % sur une banque systémique, comme simulé dans la première partie de ce rapport, induirait en erreur si elle était considérée de façon isolée. C'est la raison pour laquelle nous évaluons l'incidence macroéconomique de cette crise financière sur l'économie réelle. Ce choc peut être potentiellement dévastateur, non seulement à cause de son coût immédiat (du point de vue du PIB), mais également parce qu'il pousserait certains pays dans une trappe à liquidités[3]: on sait quand un pays entre dans une trappe à liquidités, mais personne ne sait comment ou quand il en sort.

Deuxièmement, et par voie de conséquence, le pilier de résolution de l'Union bancaire n'est pas prévu pour empêcher une nouvelle crise macroéconomique en cas de stress financier. Il convient de garder à l'esprit que nos simulations excluent plusieurs points qui ne feraient qu'aggraver le résultat final. Premièrement, nous avons négligé la corrélation entre les pays: au niveau de la zone euro, nous ne rendons pas compte de l'effet systémique global d'une crise financière. Deuxièmement, nous avons posé l'hypothèse que pour chaque pays examiné, les exportations et importations restent constantes. En réalité, on peut s'attendre à ce que les exportations et les importations diminuent toutes les deux après un choc, car les pays voisins sont probablement confrontés à des difficultés similaires au même moment. Troisièmement, nous avons négligé les questions liées au taux de change de l'euro. Or, il est probable qu'une nouvelle crise engendrerait de la méfiance sur les marchés des changes, ce qui ferait probablement tomber l'euro à des niveaux extrêmement bas. Enfin, nous avons formulé l'hypothèse forte qu'une défaillance bancaire serait parfaitement gérée par les chambres de compensation sur les marchés des produits dérivés, afin qu'aucun effet de contagion ne se produise dans ce canal. Dans le cas contraire, les conséquences seraient désastreuses.[4]

Si nous tenions compte de tous les effets précités, nos conclusions seraient certainement plus pessimistes.

Recommandations politiques

Les sections précédentes proposent de nombreuses possibilités d'amélioration de la situation actuelle avec pour objectif d'empêcher et de minimiser les coûts dévastateurs d'un choc financier de grande ampleur.

Comme le Fonds de résolution unique semble être trop maigre et sera mis en place trop tard pour résister à une crise bancaire systémique tout seul (ceci confirme la conclusion déjà tirée de la partie I de ce rapport), une réaction intuitive consisterait à accroître sa taille et à accélérer sa mise en œuvre. Ceci constituerait certainement une amélioration utile de l'Union bancaire. Les résultats statiques de la première partie ont déjà montré que le niveau actuel de capitalisation ne serait pas suffisant pour protéger tous les contribuables européens d'un choc d'amplitude moyenne touchant le secteur bancaire. La recommandation la plus utile issue de l'analyse statique prévoit un renflouement interne systématique par les créanciers de rang supérieur et les gros déposants afin de protéger les États des répercussions du choc.

Notre recommandation tirée de l'analyse du modèle dynamique est de tripler le volume du Fonds de résolution unique, de 55 milliards d'euros à 165 milliards d'euros, et d'avancer sa mise en place de 2023 à 2017. Avec ces améliorations, le lien entre les banques et les États serait affaibli. Cependant, nos simulations montrent que même un triplement du montant du FRU n'atténuerait que légèrement les retombées négatives d'un choc. Plus encore, elles suggèrent que le FRU ne pourrait commencer à jouer son rôle de "pare-feu" qu'à partir de 500 milliards d'euros, même dans notre scénario relativement modéré. Ce chiffre semblant impossible à atteindre dans un avenir proche, notre conclusion est la suivante: même si l'augmentation du volume du FRU serait utile, elle serait loin d'être suffisante pour rendre efficace l'Union bancaire européenne, et d'autres améliorations sont nécessaires.

La politique qui s'est avérée la plus efficace, d'après nos simulations, consiste à accroître le ratio cible de fonds propres des banques commerciales. Un objectif de 9 % ou plus paraît suffisant pour atténuer les effets d'un choc à moyen terme de façon significative, d'après nos résultats. L'augmentation du ratio de levier n'est pas une proposition nouvelle, et les banques ne considéreraient pas qu'un renforcement des fonds propres coûterait plus cher que la dette (malgré les désaccords de certains professionnels à cet égard). Premièrement, dans les situations où il est applicable, le théorème de Modigliani-Miller nous dit que la dette et les fonds propres devraient être totalement identiques. Deuxièmement, dans les situations où les conclusions classiques de ce dernier ne s'appliquent pas, et comme l'ont rappelé Admati et Hellwig (2013), les fonds propres présentent plus de risques que les dettes en raison de leur capacité d'absorption des pertes et de la participation illimitée au profit, mais la compensation de ce risque est historiquement équitable, et les fonds propres font partie du capital que la banque déploie dans son activité. L'augmentation des fonds propres n'a pas non plus un effet dissuasif sur l'octroi de nouveaux prêts [au contraire, les données et le bon sens s'accordent à démontrer que plus une banque dispose de fonds propres, plus elle est capable d'octroyer des prêts (voir Admati et Hellwig, op. cit.)]. Au cours des 20 dernières années, l'unique raison pour laquelle les bilans ont pu atteindre des niveaux si élevés avec des fonds propres aussi bas est que les banques savaient qu'en dernier ressort, les risques seraient garantis par l'État.

En conséquence de cette aide et de la promesse de l'État de garantir les risques des banques, celles-ci n'ont jamais eu à se préoccuper de leur solvabilité: elle est garantie. Leurs liquidités sont la seule chose dont elles doivent se soucier, c'est-à-dire de savoir si elles disposent d'assez d'argent liquide pour satisfaire les déposants qui souhaitent retirer de l'argent. En tant que prêteurs de dernier recours, les banques centrales, avec leur capacité à émettre de la monnaie légale, peuvent promettre de générer les liquidités dont les banques ont besoin pendant une crise, et à une échelle suffisante. Ainsi, avec une solvabilité garantie et des liquidités immédiatement disponibles, même la pire crise bancaire semble pouvoir être gérée. Du moins était-ce l'opinion dominante avant que Lehman Brothers ne fasse faillite. Il n'est pas à exclure que certains pensent toujours de cette manière aujourd'hui, ce qui peut expliquer leur confiance dans le projet actuel d'Union bancaire. Cependant, un acteur a été oublié dans le raisonnement précédent: l'économie réelle. Nous avons démontré dans cette étude qu'une nouvelle crise bancaire, même si elle semblait gérable sur un plan strictement financier (partie I), aurait des incidences notables sur l'économie réelle (partie II).

Le coût des crises peut être radicalement réduit par une augmentation de l'exigence de fonds propres des banques. Prendre cette mesure permettrait, en même temps, de supprimer l'une des principales incitations à la course aux gros bilans dominés par les actifs circulants, qui a marqué les 20 dernières années. Un niveau de fonds propres de 9 % serait conforme aux propositions avancées par Admati et Hellwig (2013) ou Finance Watch (2013) (ce niveau était supérieur à 20 % il y a 80 ans).

Il est évident qu'étant donné la fragilité de leurs bilans, plusieurs banques auraient des difficultés pour atteindre cet objectif dans un délai raisonnable. Néanmoins, l'accord du sommet de juin 2012, en vertu duquel la plupart des dirigeants européens ont accepté de séparer la crise bancaire qui affecte le continent de la crise de la dette publique, a probablement montré la bonne voie pour aider les banques fragiles à réaliser cet objectif.[5] Cet accord propose tout simplement de faire aux banques des pays déficitaires une perfusion de capitaux en provenance des pays excédentaires, et de ne pas comptabiliser ces injections de capitaux dans la dette nationale des pays dans lesquels ces banques sont domiciliées.

Il ressort de notre étude qu'une troisième réforme compléterait utilement l'Union bancaire européenne actuelle, à savoir une véritable séparation des activités de détail traditionnelles des activités d'investissement et de négociation, y compris l'activité de teneur de marché. La directive de l'Union européenne proposée par l'ancien commissaire Michel Barnier constitue certainement un bon pas dans cette direction, tout comme le rapport Liikanen (2012).[6] Dans le cadre de cette réforme, les gouvernements ne seraient pas obligés de donner une garantie publique implicite sur des banques dangereuses au seul motif qu'elles combinent des activités de détail (comptes de dépôt) et de marché, c'est-à-dire une aide publique implicite en faveur des transactions sur le marché. La garantie publique serait réservée aux banques de détail afin de protéger les comptes de dépôt, tandis que les "pures" banques de marché qui deviendraient insolvables pourraient être autorisées à faire faillite sans demander d'argent public. Les conséquences de la faillite d'une "pure" banque de marché peuvent difficilement être mesurées dans notre cadre, car nous l'avons établi en postulant que tous les éventuels effets de contagion sur le marché interbancaire européen ainsi que sur les marchés dérivés seraient correctement gérés et neutralisés. Cependant, comme nous l'avons déjà dit, personne ne peut évaluer ces effets de contagion ex ante car cela nécessiterait des données financières qui sont rarement disponibles et changent constamment. C'est précisément à cause de ce manque de connaissances qu'il est dangereux, pour les pouvoirs publics, de prendre le risque de ne pas sauver une banque en difficulté engagée dans d'importantes activités de marché [voir Finance Watch (2013)]. L'administration des États-Unis a décidé de prendre ce risque le 15 septembre 2008, en ne renflouant pas Lehman Brothers; et il existe aujourd'hui un large consensus sur le fait que cela ne doit plus jamais se reproduire. Toutefois, en l'absence d'informations transparentes sur le coût de chaque décision, le slogan du "plus jamais ça" peut également être compris comme "ne plus jamais laisser une banque faire défaut sans la renflouer".

Un retour vers une sorte de loi Glass-Steagall (qui a été en vigueur pendant une période de 60 ans, au cours de laquelle les pays occidentaux n'ont connu qu'un petit nombre de crises bancaires majeures) permettrait aux pouvoirs publics de prendre la décision de renflouer (ou non) les banques de détail insolvables en ayant une connaissance raisonnablement exacte de ses conséquences, par exemple celles qui sont évaluées dans la présente étude.

Le fait qu'une pure banque de marché devienne illiquide ou insolvable n'aiderait certainement pas la décision des pouvoirs publics. Cependant, l'effet d'aléa moral des garanties publiques implicites actuelles sur les opérations de marché menées par les "banques mixtes" disparaîtrait. Plus réticentes, les banques de marché prendraient ainsi moins de risques. En conséquence, les problèmes devraient survenir moins fréquemment. D'autre part, exiger que les banques "mixtes" existantes mettent une grande partie de leurs opérations sur les marchés des produits dérivés rendrait ces derniers plus coûteux, ce qui obligerait les banques à s'orienter vers les produits moins risqués.[7]

Comme nous l'avons indiqué, notre étude n'a pas tenu compte de la possibilité d'une panique bancaire, vu la difficulté d'estimer quantitativement les répercussions d'un tel événement. Ceci ne signifie pas, toutefois, que les paniques bancaires doivent être considérées comme des phénomènes rares. En effet, des vagues de retrait ont touché le Royaume-Uni en 2008. Le troisième pilier de l'Union bancaire, qui n'existe toujours pas, devrait donc être mis en place au plus vite: une mutualisation européenne des garanties publiques sur les dépôts. Comme nous l'avons déjà dit, c'est le seul moyen de garantir qu'un euro sur un compte de dépôt ouvert à la Deutsche Bank, par exemple, a la même valeur qu'un euro sur un compte ouvert, par exemple, chez Banco Espírito Santo, au Portugal. Cette garantie éviterait les paniques bancaires, qui peuvent avoir des coûts économiques énormes, alors qu'une garantie mutualisée au niveau européen présente des avantages significatifs en termes de coûts grâce à la gestion centralisée de la trésorerie et aux effets de diversification. Cette mutualisation peut être considérée comme une étape préliminaire vers une union politique et fiscale européenne.

Aujourd'hui, les dépôts sont garantis par des fonds nationaux. La directive relative à la garantie des dépôts adoptée au printemps 2014 a contribué à améliorer la transparence pour les déposants, à accélérer la vérification des dettes, et à assurer un remboursement plus rapide en cas de défaillance bancaire. Cependant, elle a maintenu le niveau de protection de 100 000 EUR sans imposer de mutualisation. La mutualisation reviendrait à créer un fonds européen. Comment serait-il financé? De la même manière que les fonds nationaux ou le FRU sont financés par les banques. Ce Fonds européen de garantie des dépôts devrait également être financé par les banques. On peut s'attendre à ce que le secteur bancaire prétende qu'il est trop coûteux. La question deviendrait alors: les pays de la zone euro sont-il aujourd'hui en mesure de garantir efficacement leurs dépôts (jusqu'à 100 000 euros par déposant et par banque)? Les chiffres figurant dans la première partie de cette étude suggèrent que ce n'est pas le cas (par exemple, les "petits" déposants représentaient, en France, un total de 1000 milliards d'euros, tandis que le Fonds de garantie des dépôts français s'établissait à 2 milliards d'euros avant d'être fusionné avec le Fonds de résolution français, en 2013). Tant que l'Union bancaire européenne ne mettra pas en place un moyen de financement du Fonds européen de garantie des dépôts, elle restera exposée aux paniques bancaires. Celles-ci se produisent en effet simplement parce que les citoyens réalisent que les pays européens ne sont pas capables de garantir leurs dépôts. Une taxe sur les transactions financières serait un moyen de lever l'argent nécessaire à un tel fonds.

Enfin, nous présentons une proposition finale, qui découle également de nos simulations. Cette proposition consiste en une atténuation de la rigueur du programme d'assainissement budgétaire qui est mis en œuvre par chaque gouvernement selon notre scénario. Il se pourrait bien qu'un arrêt au moins temporaire, du désendettement, soit un bon moyen pour l'État de soutenir une économie au bord de sombrer dans la déflation. La raison de ce paradoxe apparent est facile à comprendre: si tous les acteurs économiques essaient de se désendetter au même moment, et nous venons de voir que tous nos agents ont des dettes importantes et qu'ils auraient besoin de se désendetter rapidement en cas de crise, ils vendront tous leurs actifs en échange de liquidités. Ces ventes d'urgences peuvent provoquer une chute des prix (comme en Espagne dans nos simulations) qui augmentera la charge réelle de la dette (privée et publique). Le seul moyen d'éviter un tel cercle vicieux semble être un report du désendettement par les pouvoirs publics. En agissant ainsi, ils réduiraient la chute des prix à la consommation et aideraient les autres acteurs à transférer leurs propres efforts de désendettement vers une réduction de leur dette réelle. En fait, un programme d'assainissement budgétaire moins sévère ralentit effectivement le rythme auquel l'État réduit sa dette au cours des premiers trimestres, mais en compensant l'effet de déflation par la dette, il peut encourager la reprise du PIB et améliorer le ratio dette publique/PIB à moyen terme.


[1] Le fait qu'ils n'ont pas réagi de cette manière après que la procédure d'adoption eut été adoptée (et même après que sa version la plus récente a été rendue publique dans la DRRB de janvier 2015) révèle qu'ils ont, comme nous, interprété le seuil de 8 % comme un plafond et non comme un plancher.

[2] Il convient de souligner que dans la première partie, nous avons adopté un point de vue macroéconomique, en examinant l'incidence financière de l'effondrement d'un seul établissement systémique, frappé par des chocs de différentes amplitudes (jusqu'à -15 %). Nous nous penchons ici sur l'incidence macroéconomique d'un choc d'amplitude moyenne (-10 %) dans l'hypothèse où il frapperait l'ensemble du secteur bancaire d'un pays.

[3] Ce concept provient du travail fondateur d'Irving Fisher (1933) [voir, par exemple, Eggertson et Krugman (2010)]. L'idée principale est que la plupart des acteurs économiques, lorsqu'ils sont surendettés, risquent de refuser d'utiliser leurs liquidités pour les transactions (consommations ou investissement) et de privilégier avant tout leur désendettement. Il est bien connu qu'une fois qu'une économie est tombée dans ce genre de trappe, l'injection de plus liquidités dans l'économie (comme l'a fait la majorité des banques au cours des dernières années) est inutile: les débiteurs emprunteront gratuitement cette "monnaie-hélicoptère" (puisque, en général, le taux d'intérêt directeur de la banque centrale est à la limite inférieure de zéro) et la rembourseront ou essayeront, tout au plus, de réduire leur endettement. Le seul moyen de sortir de ce piège consiste en une politique budgétaire (non monétaire) dans laquelle le seul agent économique en mesure de reporter le désendettement dans le temps (à savoir l'État) utilise sa marge de manœuvre pour remplacer l'investissement privé qui fait défaut. Plus tard, une fois que l'économie a été sauvée de la trappe et que les acteurs privés ont réussi à se désendetter, l'État sera capable, à son tour, de réduire sa dette souveraine.

[4] Voir les notes de bas de page nº 37 et 38 ci-dessous.

[6] En revanche, les "lois de séparation" française et allemande se contentent de demander aux banques de placer une minuscule fraction de leurs opérations de marché risquées dans une filiale. En tant que telles, elles sont largement insuffisantes [voir Giraud et Scialom (2013)].

[7] Voir les notes de bas de page nº 37 et 38 ci-dessous.