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L’Europe : trop d’argent, trop peu de croissance

10/02/2016 AEFR

Alain Lamassoure

Député européen, membre de la commission des Affaires économiques et monétaires

Des interrogations

Il est malaisé de comprendre vraiment ce qui se passe dans le champ de l’économie et de la finance. Comment expliquer qu’il y a encore un an, la situation paraissait porteuse (minoration de la facture pétrolière pour les entreprises et les particuliers, repli de l’euro, politiques budgétaires redevenues neutres en Europe…) et qu’aujourd’hui, ce soit l’inquiétude qui prévale ? Que peut-on, doit-on faire, quand les leviers traditionnels de la politique économique semblent ne plus fonctionner ?

 

On constate que d’énormes masses de liquidités sont déversées, mais que cela n’atteint pas l’économie productive. Pourquoi les capitaux ne circulent-ils pas plus facilement à l’intérieur de l’Union européenne ? A cet égard, les propositions de Jonathan Hill, commissaire européen à la stabilité financière, aux services financiers et à l’Union des marchés de capitaux, se révèlent très tièdes.

La crise migratoire, véritable exode

L’accélération du flux d’immigrants trouve son origine dans la volonté de la Turquie « d’inonder l’Europe ». L’Allemagne a accueilli 250 000 personnes en 2014, puis 1,1 million en 2015.

Cette crise, qui survient sur fond de menace terroriste et qui est comparable à la crise des dettes souveraine de 2002, aurait pu être évitée.

Si la France, qui n’est ni un pays d’entrée, ni un pays de passage, « regarde ailleurs », on assiste à la faillite de tous les Etats, qu’ils soient dans ou en dehors des accords de Schengen. Or, le « national-égoïsme » ne peut pas marcher ; le problème ne peut être résolu qu’à l’échelle européenne.

L’extrémisme politique progresse partout en Europe, y compris dans les pays épargnés par le chômage de masse. Il imprime son ton au débat politique.

L’Union européenne se trouve dans l’impossibilité de faire appliquer ses préconisations (relocalisation des migrants, garde des frontières extérieures de l’Union….).

La crise donne l’occasion de sortir par le haut

La France ne tient plus son rang en Europe. Le couple franco-allemand est, lui, contraint par des échéances électorales rapprochées.

Il faut que l’Europe politique avance, non pas à vingt-huit, mais sur la base de la coopération renforcée, dans les domaines du budget, de la sécurité et de la défense, de l’immigration et de la démographie.

Brexit

Quitter l’Union européenne représenterait pour le Royaume-Uni la perte de députés européens, de commissaires européens, de fonctionnaires…Ce serait « une folie », « un suicide ». Si cela se faisait, les Ecossais s’empresseraient de demander – et d’obtenir – l’indépendance.

Questions et commentaires

Gérard Rameix, président de l’Autorité des marchés financiers (AMF)

Au-delà de deux à trois ans, des taux d’intérêt déprimés peuvent avoir un impact significativement négatif sur les banques et les compagnies d’assurance. Mais si les banques centrales en finissent trop brusquement avec leurs politiques monétaires accommodantes, il y a un risque de krach obligataire. C’est dans cette voie étroite qu’est engagée la Réserve fédérale des Etats-Unis, qui a procédé à une première remontée de ses taux directeurs. En attendant, les régulateurs comme l’AMF sont très attentifs aux fonds obligataires.

Quelles sont les ingrédients susceptibles de relancer la croissance ?  Les ressorts intimes de la croissance demeurent mystérieux, même si l’on pressent que confiance et démographie sont des constituants importants.

L’Union des marchés de capitaux va dans le bons sens. Mais son contenu est très technique et il ne faut pas compter sur ce plan pour relancer la croissance.

Arnaud de Bresson, délégué général, Paris Europlace

Les investisseurs asiatiques sont très réservés à l’égard de l’Europe.

Les questions liées à l’investissement en actions sont insuffisamment débattues.

La coopération renforcée n’est pas en odeur de sainteté dans les milieux de la finance, qui l’assimile désormais à la tentative d’instauration d’une taxe sur les transactions financières qui, si elle était adoptée en l’état, signerait l’acte de décès de la place financière de Paris.

Réponse d’Alain Lamassoure :

La taxe sur les transactions financières donne l’occasion aux hommes politiques de faire des effets de manche, mais en réalité, elle n’aboutira probablement pas.

Benjamin Quatre, Fédération bancaire française

Pour des raisons réglementaires, les banques ne peuvent plus investir – sous forme de capital investissement -, notamment dans des secteurs comme le numérique. Les montants annuels investis n’excèdent pas 500 millions d’euros.

Guy de Panafieu, Chambre des indépendants du patrimoine

Avec l’Union des marchés de capitaux et la superfluidité des capitaux qui est son corollaire, on assiste au retour du dogmatisme européen.

Au moment où l’on assiste à la montée en puissance de l’« ubérisation » de l’économie, l’Union européenne ne pense qu’à surréglementer les taxis.