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Compte-rendu Séminaire - Titrisation et financement de l’économie : que reste-t-il à faire ?

02/02/2016 AEFR

EIFR

Séminaire du 15 décembre 2015

 

 

Titrisation et financement de l’économie : que reste-t-il à faire ?

 

Cédric Jacquat, direction générale de la Stabilité financière, des Services financiers et du Marché des capitaux, Commission européenne

Fabrice Mace, adjoint au chef du service des Affaires internationales, Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)

Patrick Simon, Autorité des marchés financiers (AMF)

Olivier Guélaud, directeur de l’audit et de la trésorerie, Pernod Ricard

Véronique Nassour, déléguée générale, Association française des trésoriers d’entreprise (AFTE)

Jérôme Mazière, responsable mondial de la titrisation des créances commerciales, Crédit agricole CIB

Richard Sinclair, Crédit agricole CIB

Raphaël Thiolon, Natixis

Emmanuelle Nasse-Bridier, responsable de l’investissement en crédit, Axa

Thibault de Saint Priest, associé gérant, Acofi

Gilles Saint Marc, avocat, Gide Loyrette Nouel

Nicolas Noblanc, Eurotitrisation

Florent Stiel, directeur de la titrisation, Standard and Poor’s

 

 

Cédric Jacquat

 

Le projet de règlement européen sur la titrisation

 

Le 2 décembre 2015, le Conseil de l’Union européenne s’est entendu sur la proposition de la Commission.

Parmi les objectifs de ce texte : faire de la titrisation un canal de financement additionnel, transférer efficacement les risques, protéger les investisseurs.

Pas de mesures de niveau 2.

Des obstacles à surmonter :

            Conjoncturels : le niveau général des taux d’intérêt pèse sur la rentabilité de la titrisation.

            Structurels :

                        . stigmatisation à la suite de la crise des subprimes

                        . un cadre prudentiel mal proportionné

                        . manque de cohérence dans les textes existants : les définitions diffèrent

                        . jusqu’où aller dans la standardisation ?

 

Structure du texte :

Chapitre I : définitions, règles de due diligence, règles de rétention du risque, transparence.

Chapitre II : qu’est qu’une titrisation simple, transparente et standardisée ?

                        . à partir, notamment, des travaux de l’Autorité bancaire européenne

Chapitre III : autorités compétentes (autorités existantes, par secteurs), sanctions

 

Proposition d’amendements au règlement européen sur les exigences en fonds propres bancaires

 

La Commission européenne s’appuie sur l’avis de l’Autorité bancaire européenne.

Vers un nouveau calibrage des exigences en présence de transactions STS (simples, transparentes, standardisées).

 

 

Fabrice Macé

 

La titrisation divise : on est très enthousiaste ou très opposé.

 

Des difficultés quant à la définition : les ventes d’actifs à un fonds monotranche, la titrisation synthétique, les asset-backed commercial papers (billets de trésorerie adossés à des actifs) entrent-ils dans la catégorie titrisation ? Au sens prudentiel, la titrisation implique le tranchage.

 

Quel type de titrisation est- vraiment utile au financement de l’économie ?

 

La titrisation est un outil qui en monétisant des actifs permet au cédant de se refinancer et éventuellement d’économiser des fonds propres et à l’investisseurs d’accéder à des classes d’actifs non disponibles sur le marché. Mais cet outil comporte de nombreux risques - de modèle, de contrepartie, de liquidité, opérationnels…- qu’il faut donc encadrer.

 

Il y a consensus autour de l’idée que les exigences en fonds propres réglementaires associées aux investissements dans des opérations de titrisation doivent être rehaussées par rapport à celles du cadre actuel (CRR) et c’est l’objet du nouveau standard bâlois qui serait  implémenté en Europe par le projet d’amendements au règlement sur les exigences en fonds propres bancaires.  En revanche, il paraît concevable que des opérations de titrisation  respectant des critères de simplicité, de transparence et de standardisation puissent bénéficier d’exigences de fond propres allégées dans la mesure où elles présentent en principe moins de risque de modèle.

 

 

 

 

 

Patrick Simion

 

Fin 2014, il y avait 247 organismes de titrisation en France, représentant 178 milliards d’euros d’actifs sous-jacents. L’industrie est cependant très concentrée : on compte une dizaine de gros véhicules.

 

On ne peut pas parler de finance parallèle (shadow banking) : l’autorité de contrôle dispose de nombreuses données.

 

L’organisation française de la titrisation limite les risques : la société de gestion doit agir dans l’intérêt des investisseurs ; les conflits d’intérêt sont bien gérés, le dépositaire a un rôle central (il opère des contrôles à l’égard de la société de gestion…).

 

La titrisation « non tranchée » (fonds de prêts à l’économie…) est parfaitement adaptée au financement de l’économie.

 

Position de l’Autorité des marchés financiers (AMF) à l’égard du projet de règlement européen

 

L’AMF y est globalement favorable, mais aurait souhaité que le texte aille plus loin, notamment dans la voie de l’exportation du modèle français.

 

Le point central est la transparence à l’égard des actifs sous-jacents (sans limiter la liberté de choix de ces actifs).

 

L’AMF aurait souhaité une certification avant l’émission des titres.

 

 

 

 

 

Olivier Guélaud

 

Pour l’entreprise, la titrisation des créances commerciales offre trois intérêts : une protection contre le risque commerciale, un moyen de diversifier ses financements, un moyen d’améliorer son bilan (préservation des covenants, de la note de crédit…).

. En ce qui concerne Pernod Ricard, la motivation était la diversification des sources de financement.

 

Pernod Ricard supporte un endettement important et est noté dans le bas de la catégorie « investissement ».

. A partir de 2008, plusieurs initiatives, dont un programme de titrisation des créances commerciales aux Etats-Unis, premier marché de l’entreprise.

. L’ossature des programmes d’affacturage en Europe a été utilisée.

. Une assurance ad hoc pour rehausser.

. Un programme portant sur 150 millions d’euros initialement, étendu ensuite au Royaume-Uni et à l’Irlande.

. Tous les objectifs poursuivis ont été atteints.

 

 

 

Véronique Nassour

 

L’Association française des trésoriers d’entreprise a publié une position sur la titrisation en octobre 2014.

Un constat : les créances commerciales titrisées ne représentent que 5 % du total en Europe ; la titrisation est chère ; il est difficile de procéder à des opérations « déconsolidantes » ; l’affacturage est plus simple.

 

Des préconisations : harmonisation des règles de cession des créances et des règles de recours en cas de défaut ; transparence sur la structure du prix ; ne pas défavoriser les autres moyens d’améliorer le besoin en fonds de roulement.

 

A propos de la titrisation bancaire : faire en sorte que cela ne renchérisse pas le coût du crédit aux PME ; permettre aux entreprises de garder la main sur le trajet des crédits cédés.

 

Jérôme Mazière

 

La titrisation des créances commerciales s’applique à des secteurs ou d’autres techniques de financement du besoin en fonds de roulement (affacturage, forfaiting…) ne vont pas.

 

Il n’y a pas, ou très peu de défauts : pourquoi, dès lors, appliquer une surcharge en capital ?

 

En présence de titrisation de créances commerciales, les investisseurs ne prennent un risque que sur l’établissement de crédit.

 

 

 

Richard Sinclair

 

En raison des contraintes réglementaires appliquées à l’asset-backed commercial paper (ABCP), les émissions ont diminué de 60 % depuis la crise.

 

Aujourd’hui, presque tous les conduits ABCP en Europe sont multicédants et fully supported (le risque est endossé par le vendeur).

 

Les critères « simple, transparente, standardisée » (STS) du projet de règlement européen, cumulatifs, sont difficiles à atteindre dans le cas des ABCP.

 

Il conviendrait de faciliter l’accès des ABCP aux investisseurs, et en particuliers aux fonds monétaires.

 

Les contraintes prudentielles attachées à des opérations STS devraient être minorées.

 

 

 

Raphaël Thiolon

 

La titrisation continue à pâtir injustement d’une image extrêmement négative, comme en témoigne la logique formelle sous-tendant l’identification d’opérations simples, transparentes et standardisées : les pondérations sur les titrisations seront par défaut très élevées, les opérations STS apparaissant comme l’exception autorisant un traitement plus favorable.

 

Si l’Europe représente un marché d’environ 200 milliards d’euros, il n’y a en France que quelques opérations publiques par an (réalisées principalement par des financières, captives de constructeurs automobiles ou de la grande distribution) : Les banques françaises ont-elles vraiment besoin de la titrisation ?

  • Objectif de financement : dispositif lourd et cher par rapport à des financements classiques (obligations senior unsecured) pour les plus grosses institutions financières, mais en revanche très structurant du point de vue des systèmes et des procédures. L’impact de la mise en place du TLAC (total loss absorbing capacity) en renchérissant le coût du senior pourrait améliorer cette situation.
  • Objectif d’amélioration des ratios prudentiels (solvabilité et levier) : la titrisation reste dans ce cas un outil intéressant, mais attention à la possible pénalisation des titrisations synthétiques utilisées dans le cadre des opérations de capital règlementaire. Par ailleurs, les titrisations déconsolidantes (comme celle du Crédit Foncier) doivent pouvoir bénéficier d’une meilleure stabilité de l’environnement réglementaire afin d’en garantir les effets dans le temps.

 

L’outil garde tout son attrait (avec ou sans « tranching », ie opération type FPE) pour les originateurs spécialisés, hors réseaux bancaires traditionnels, avec l’émergence de nouveaux prêteurs / intermédiaires comme les plates-formes de crowdlending (Lending Club aux Etats-Unis, Prêt d’Union en France…), même s’il conviendra de bien s’assurer contre les dérives inhérentes à une logique d’originate-to-distribute menée à son extrême (alignement d’intérêt obligatoire).

 

 

Emmanuelle Nasse-Bridier

 

Axa recherche de nouvelles classes d’actifs, notamment pour des raisons de diversification . Lla titrisation offre des opportunité d’investissement diversifiantes mais , l’offre actuelle est limitée.

 

Les charges en capital qui s’appliquent aux produits de titrisation sont élevées, il faut les adapter pour tenir compte du nouveau décret afin d’assurer une cohérence dans applications des critères STS et des charges en capital

Les critères STS sont exigeants ils doivent permettre  de rétablir la  confiance en cette classe d’actifs.

 

Dans ses investissements, un groupe comme Axa a besoin de produits de titrisation simples, de manière à pouvoir examiner l’offre en profondeur sans que cela demande des ressources très importantes. Dans le domaine de la titrisation, l’investisseur ne devrait pas avoir à vérifier l’ensemble des critères STS  . Il devrait  pouvoir obtenir confirmation que c’est bien le cas afin de pouvoir concentrer son analyse sur la comprehension,  des profils de risques des titres emis (scenarios de  cash-flows …).

 

Les charges en capital definis par r Solvabilité II ne couvrent pas simplement des risques de pertes mais également de volatilité de prix. Cet aspect de volatilité des prix  est important.   La mise en place de structures de titrisation plus standardisées et simples devrait permettre une meilleure animation du marché secondaire

 

 

 

 

Thibaut de Saint Priest

 

Avec la montée en puissance de la désintermédiation, encouragée par les pouvoirs publics français (réforme du code des assurances, fonds de prêt à l’économie, loi Macron…) et par l’Union européenne (directive sur les gestionnaires de fonds alternatifs, règlement relatif aux fonds européens d’investissement à long terme…), on assiste au retour en grâce de la titrisation.

 

Dans le nouvel écosystème du financement, banques et gestionnaires d’actifs ne sont plus opposés. On se dirige par ailleurs vers une extension du domaine de l’investissement : multiplication des produits et des clients.

 

L’encours des fonds de prêt à l’économie (FCT et FPS non tranchés) devrait représenter près de 20 milliards d’euros fin 2015, dont plus de la moitié investie dans le financement des entreprises. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Gilles Saint Marc

 

La France est l’un des premiers pays à avoir adopté un cadre législatif favorable à la titrisation ; c’est aussi, paradoxalement, l’un des pays où cette technique est la moins développée.

 

Ce cadre juridique, notamment depuis une ordonnance de 2008, est pourtant très pertinent.

Il offre de la souplesse :

            Garantie qu’on a affaire à une « vente parfaite » (true sale).

            Possibilité d’émettre une grande variété de titres

            Recouvrement efficace (identification des personnes habilitées à le faire)

 

De la sûreté :

Lors du contentieux relatif à l’opération Cœur Défense, le véhicule de titrisation a démontré son efficacité quant à la protection des investisseurs.

Le compte d’affectation spécial permet de mettre les investisseurs à l’abri des risques opérationnels (défaillance d’une contrepartie effectuant des opérations de couverture de taux ou de change par exemple).

 

De la transparence :

 

Un aspect international :

            Possibilité d’acquérir des créances étrangères en droit étranger

            Possibilité d’émettre des titres en droit étranger

 

Un régime fiscal neutre

 

L’Association française de la gestion financière a publié un guide professionnel sur la titrisation (disponible sur le site de l’AFG).

 

 

Nicolas Noblanc

 

En France, la règle a précédé les opérations.

 

Le dispositif légal français est de très bonne qualité ; il y a pourtant peu d’opérations, notamment en raison du cadre fiscal, mal adapté.

 

Les acteurs de la titrisation sont nombreux : originateurs, arrangeurs, cabinets juridiques, agences de notation, compagnies d’assurance-crédit, investisseurs, garants et contreparties, dépositaires.

            Au cœur du dispositif : la société de gestion.

 

La titrisation ne peut pas être assimilée au shadow banking.

 

 

Florent Stiel

 

Une note de crédit est une opinion. En aucun cas, il ne s’agit d’une recommandation ou d’une appréciation d’un prix de marché.

 

Les critères utilisés par Standard and Poor’s sont publics et constants pour toutes les opérations notées, ce qui permet aux investisseurs de se livrer à des comparaisons pertinentes.

 

La note est établie au terme d’une quadruple analyse : du portefeuille, juridique, des contreparties (notamment des clauses de remplacement), de la structuration et des cash-flows.

 

Le marché est étroit ; on y compte peu de nouveaux entrants.

 

Le taux de défaut des produits notés par Standard and Poor’s en Europe depuis 2007 est très faible: 1,58%