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Conférence annuelle 2014 de l'EIFR - Régulation et Croissance

29/01/2015
Six ans après le déclenchement de la crise financière, l’Europe, pourtant inondée de liquidités, ne connaît pas de vraie reprise économique. Le défi de la nouvelle Commission européenne, dirigée par Jean-Claude Juncker, est immense. L’équipe précédente a lancé un train de réformes du système financier sans précédent : mais il faut maintenant mener à leurs termes les chantiers ouverts et procéder à l’évaluation des règlementations mises en place. Comment tirer les leçons de la précédente mandature ? Comment ajuster les mises en œuvre (level 2) afin d’améliorer la compatibilité entre stabilité et modèles économiques des acteurs, entreprises, investisseurs, intermédiaires ?
En France, les questions relatives à la dynamique réglementation-croissance seront au centre des travaux du comité Place de Paris 2020, lancé en juin et placé sous l’égide du ministère des Finances et des Comptes publics et de Paris Europlace.
Et c’est bien à un travail en commun, susceptible d’apporter des réponses aux défis de la croissance, auquel les parties prenantes de la Place sont conviées.
La conférence annuelle de l’EIFR, qui réunissait des représentants des autorités politiques et de contrôle, de la banque centrale, des entreprises et des investisseurs, s’est voulu un premier jalon sur le chemin de cette réflexion commune.


Robert Ophèle 
Sous-gouverneur de la Banque de France

 
« Tous les éléments sont réunis pour qu’émerge une désintermédiation massive »
 
C’est par une mise au point que Robert Ophèle a ouvert les débats : il convient de ne pas établir un lien de cause à effet systématique entre le financement et la croissance économique. En France par exemple, on a affaire à la fois à une stagnation (ces trois dernières années) et à une hausse soutenue de l’endettement des ménages (3 % l’an) et des entreprises (4-4,5 % l’an). Le pays est l’un de ceux, parmi les nations développées, où la croissance de la dette atteint les taux les plus élevés. L’investissement privé y est pourtant en panne : « Quelque 50 milliards d’euros annuels manquent à l’appel » par rapport aux niveaux observés avant la crise qui a débuté en 2008. « Le levier du créditn’est pas la seule clé de la croissance économique », a prévenu le représentant de l’institut d’émission, qui a aussi invité à regarder ce qui se passe en ce moment en Espagne : l’économie y redémarre alors que le financement demeure sous tension (le crédit aux entreprises a reculé de 25 % en deux ans).
Robert Ophèle est ensuite entré dans le vif du sujet de la conférence annuelle, jugeant que dans le domaine du crédit, « les cartes étaient rebattues ». Elles le sont pour trois raisons essentielles : une « avalanche de réglementations » pèse sur les bilans des banques ; on assiste à un saut technologique qui autorise, par exemple, l’émergence de plates-formes qui mettent directement en relation entreprises et investisseurs ; le niveau exceptionnellement bas des taux d’intérêt entame la rentabilité de l’intermédiation bancaire, spécialement dans l’activité de détail.
« Tous les éléments sont réunis pour qu’émerge une désintermédiation massive », a ainsi jugé le sous-gouverneur. Il convient cependant « d’accompagner » ce mouvement, en veillant notamment à ce que les emprunteurs puissent renégocier les conditions de financement en cas de difficulté (la renégociation est plus aisée lorsque la relation est bilatérale, avec une banque qui connaît l’activité de l’emprunteur) et à maîtriser le risque pris par les investisseurs.
En tout état de cause, la désintermédiation « devra se faire avec le système bancaire, et non contre lui ».
Robert Ophèle s’est enfin montré favorable à une titrisation encadrée et maîtrisée, telle que l’encourage la Banque centrale européenne. Permettre aux banques de procéder à une titrisation non « déconsolidante » des prêts aux PME permettrait d’améliorer la distribution du crédit à ces entreprises. Ainsi a été mis en place l’Euro Secured Notes Issuer (Esni), une société de place qui procède à l’émission de titres de créances garantis adossés à des prêts aux ETI et aux PME, titres qui peuvent être utilisés comme collatéral entre intervenants des marchés. Les prêts aux particuliers, qui portent un risque bien identifié et connu, pourraient eux faire l’objet de titrisations déconsolidantes allégeant ainsi la contrainte de fonds propres des banques.


Martin MERLIN
Directeur des marchés financiers, direction générale du Marché intérieur et des Services, Commission européenne

« L’évaluation des règles existantes sera la marque de la Commission Juncker »

Martin Merlin s’est attardé sur le bilan de la commission Barroso, et en particulier sur les réformes post-crises lancées par Michel Barnier, commissaire au Marché intérieur et aux Services financiers : « Le système financier est plus solide, même si tout n’est pas parfait », a jugé le directeur des marchés financiers de la Commission européenne, estimant que cet état de fait avait été « conforté » par les tests de résistance et la revue des actifs bancaires menés par la Banque centrale européenne et l’Autorité bancaire européenne.
 
La Commission européenne de Jean-Claude Juncker avancera donc « avec prudence » quand il s’agira de « recalibrer » les règles existantes : cela ne devrait être entrepris qu’au terme d’évaluations ex-post des mesures prises par le commissaire Barnier (« sur la base de données économiques tangibles »), en faisant notamment la chasse aux conflits qui pourraient exister entre plusieurs textes. 
« Le processus d’évaluation » sera à l’œuvre tout au long du mandat de la nouvelle commission, a avancé Martin Merlin, qui a cependant admis que de nouvelles priorités avaient émergé : remédier à la trop grande dépendance de l’économie à l’égard des banques et à l’hétérogénéité des situations nationales ; développer les marchés de capitaux.
 
Comment y parvenir ? Il s’agira de déterminer, au cas par cas, « produit par produit » et « pays par pays », ce qui peut être entrepris pour améliorer le fonctionnement de l’Union des marchés de capitaux, un marché des vingt-huit pays de l’Union européenne plus large que celui de l’Union bancaire (qui exclut le Royaume-Uni par exemple). Cette approche consiste notamment à se demander pourquoi des produits (covered bonds, placements privés…) sont bien implantés et efficaces dans certains pays et quasiment inexistants dans d’autres.
 
L’amélioration du fonctionnement d’un marché de capitaux intégré ne devra cependant pas se faire au détriment de la protection des investisseurs et de l’ouverture accrue du marché aux particuliers au travers des OPCVM. Côté entreprises, il conviendra d’identifier les problèmes de financement (le financement des PME est d’ors et déjà jugé problématique), de donner une plus grande place au capital-investissement (bien implanté en France mais sous développé dans l’Union européenne par rapport aux Etats-Unis), de favoriser l’accès des grosses PME aux marchés de capitaux, et enfin de développer le financement des infrastructures, dans le sillage du plan Juncker.
 
Peut-on aller plus loin dans la mise en place de l’Union des marchés de capitaux sans créer de nouvelles règles ? Il s’agit d’une question délicate et éminemment « politique ».
 
Les banques, a encore estimé martin Merlin, « vont conserver un rôle majeur ». Mais seront-elles capables d’accompagner le redémarrage économique quand il se profilera ? Il ne saurait être question, en tout cas, de remettre en cause le modèle de la banque universelle, en interdisant par exemple le market-making, une activité qui devra être surveillée « au cas par cas » par la Banque centrale européenne et par les autorités de contrôle nationales. Il conviendra cependant de rester attentif aux distorsions de concurrence qui peuvent découler du soutien implicite des Etats.


Steven Maijoor
Président de l’Autorité européenne des marchés financiers


En cours de publication



Laurent Guillot
Directeur financier de Saint-Gobain


En cours de publication

Intervention d'Emmanuelle NASSE-BRIDIER
Responsable de la politique d’investissement crédit, Axa

« Nous souhaitons investir au travers de placements privés et dans les infrastructures »

Pour Emmanuelle Nasse-Bridier, qui a rappelé que les investisseurs institutionnels comme Axa participaient depuis longtemps au financement des entreprises au travers d’achats d’obligations, la directive Solvabilité II représente une forte incitation à amplifier ce mouvement.
« Aujourd’hui, nous cherchons à la fois à investir à long terme dans des actifs et à diversifier nos investissements », cela sans concurrencer les banques, mais au contraire, « en s’appuyant sur leur expertise », a expliqué l’oratrice, pour qui il existe « de nombreuses pépites en France », des sociétés familiales très bancarisées qui souhaiteraient allonger la maturité de leur dette.
 
L’appétit des investisseurs institutionnels pour le long terme pourrait être satisfait par les placements privés (soit en direct, soit par l’intermédiaire de fonds de financement à l’économie) et par les projets d’infrastructure.
 
En ce qui concerne les placements privés, le mouvement est déjà enclenché avec l’émergence de l’euro PP – déjà près de 10 milliards d’euros levés. Pour ce qui est des investissements dans les infrastructures, qui ont l’intérêt d’offrir un horizon de placement qui va bien au-delà du 5-7 ans usuellement pratiqué par l’euro PP, les obstacles sont encore nombreux : taux variables et amortissement sont la norme, alors qu’Axa, par exemple, souhaite des taux fixes et des remboursements in fine pour répondre aux caractéristiques des passifs  ; en termes règlementaires  cette classe d’actifs n’est pas reconnue en tant que telle par la directive Solvabilité II et se voit pénalisée du fait de sa maturité longue.

Philippe Heim
Directeur financier, Société générale


En cours de publication

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Enjeux et défis du contrôle des risques opérationnels

Le rôle du market making face à la modernisation des marchés électroniques 

Les ateliers Risques de l'EIFR 1- Gouvernance de l'information - 20 janvier 2015 - Avec Atos Consulting et RSD