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Régulation financière : TTIP et Le défi de la confiance réciproque EU-US

24/10/2014
Il y a d’abord une question de contexte. Nous passons d’un monde « unipolaire », dominé par les US vers un monde multipolaire, à travers lequel un nouvel équilibre est en train de se forger entre les US, l’Europe, la Chine, le Brésil, l’Inde, et probablement plus rapidement qu’on le pense l’Afrique… Après la grande crise financière cela est particulièrement vrai pour l’industrie financière et cette nouvelle gouvernance économique qui émerge à travers le G20. Le passage d’une sorte de « dominance » à la convergence est fondamental. Il est à la fois historique et générateur de tensions, surtout pour la puissance dominante. Il est pour l’Europe un défi existentiel redoutable car aucun des Etats membres ne peut prétendre à entrer dans la « cour des pôles ».

Il y a ensuite la nature même de la crise financière et sa gestion politique. Cette crise, pour le monde occidental est un réel traumatisme. Par réalisme et pragmatisme, malgré les tentatives de pilotage collectif via le G20, les initiatives politiques sont nationales car seuls les Etats ont le pouvoir de protéger leurs citoyens de tels risques et de restaurer cette confiance qui conditionne les mécanismes vertueux du financement de l’économie réelle et donc de la croissance.

Cette démarche plus « politique » qu’économique accompagnant « l’urgence » peut succomber à plusieurs tentations simplificatrices conduisant à une fragmentation nationale ou à des mesures rassurantes mais parfois excessives et ne répondant pas aux causes réelles des problèmes. Il s’en suit donc des séries de mesures souvent d’apparence semblables pour répondre à la feuille de route G20 mais techniquement différentes aboutissant à des incohérences, des incompatibilités sources d’inefficacité, de surcoûts et aussi de nouveaux risques. Ceci frappe alors d’abord et assez dangereusement les filières les plus mondialisées de la finance : l’allocation des capitaux propres des banques et la filière des dérivés qui accompagne la couverture des risques des entreprises internationales.
C’est donc bien dans cette phase « post-incendie » que se présente l’opportunité TTIP. La finance US+EU représente en effet 80% de la finance mondiale et c’est elle qui a allumé l’incendie que l’on connait, impactant l’ensemble du monde. Cela créé des obligations et de la responsabilité !

Il y a bien entre les UE et l’Europe des mécanismes de convergence, en particulier le Financial Markets Regulatory Dialogue-FMRD et des discussions intenses….mais des résultats décevants, car la construction des règles est d’abord de responsabilité nationale et que surtout le pouvoir de surveillance, pouvoir de « police » s’assimile à un outil encore essentiel de souveraineté. La réalité du débat est bien là : comment avoir confiance dans  une surveillance étrangère pour garantir la sécurité de « mon » citoyen quand il s’aventure à l’étranger ?

Hors de cette confiance la construction de la régulation va s’enfermer dans des mécanismes complexes de ségrégation ou au contraire de mesures extraterritoriales. Aujourd’hui, dans des domaines d’allocation géographique ou d’évaluation de capitaux prudentiels par type de risques, de mécanismes de reporting prudentiel, de processus de gestion d’infrastructures prudentielles ( « trade repositories », CCP-chambres de clearing d’instruments financiers)…..on arrive à des contradictions ou des procédures difficilement applicables génératrices d’incertitudes juridiques et prudentielles dont les contraintes sont maintenant explicitement décriées par les grandes entreprises clientes des banques et des marchés.

Pourquoi cela ? Un déséquilibre entre le politique et la réalité. Il ne s’agit pas de lobby- pays ou public-privé. Il s’agit de concevoir des règles du jeu et des pratiques qui de bout en bout peuvent fonctionner sur la base de principes prudentiels (politiques) compatibles. Comment faire ? Cela implique de concevoir un process de bout en bout qui définisse, non pas dans l’improvisation initiée par  des pressions diverses des marchés ou des agendas politiques, des méthodes de travail communes commençant assez tôt (early stage) et concernant la logique des règles et de la surveillance. Bien entendu on n’attend pas de TTIP de revenir sur le contenu substantiel des règles. Les américains craignent en effet que ce soit un mécanisme pour démanteler leur régulation « DoddFranck Act ». Bien entendu les années qui viennent seront bien différentes des années passées et de nos 41 régulations européennes et des milliers de pages de DFA. Il s’agira de faire vivre ce très lourd corpus de règles confronté à l’évolution de la réalité et des besoins de l’économie réelle. Il faudra le faire vivre de manière cohérence et convergente entre nos deux régions. Cela ne se fera pas « naturellement », il faudra une volonté commune et une méthode. C’est du point de vue de l’Europe l’objectif de TTIP pour les services financiers. Cet objectif est unanimement partagé par les représentants de l’industrie financière des deux côtés de l’Atlantique et c’est exprimé le 25 Mars 2014 dans un communiqué commun «US and European Financial services trade associatioons statement on TTIP». Il ne s’agit pas là d’une simple question de négociation « commerciale » et de barrière douanière. Il s’agit d’une mesure qui conditionne le bon fonctionnement du système financier international c’est-à-dire sa stabilité et sa contribution à la croissance et l’emploi.

Après la crise financière importée des US, intégrer les services financiers au TTIP, pour les US et l’EUROPE est une question de responsabilité et d’exemplarité et non de simple défense d’intérêts catégoriels.

EF de Lencquesaing DG EIFR

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